Polybe inaugure son propos avec la monarchie, système équilibré par le conseil des représentants intermédiaires, tempérant le pouvoir d'un seul homme. Or, quand le roi commence à prendre des décisions seul, sans en référer aux corps intermédiaires, le régime se mue en tyrannie, appelé aussi dans certaines traductions françaises "despotisme". Cet exercice personnel du pouvoir, sans contrôle où le roi décide seul ou avec quelques conseillers choisis en dehors de la tradition, aboutit finalement à son rejet, puis à l'installation d'une aristocratie. Dans sa définition originelle, ce désignait le « gouvernement des meilleurs », dans le sens des plus méritants. Seulement, à l'instar de l'ensemble des systèmes politiques, l'aristocratie laisse place à son avatar dégradé, l'oligarchie. Le pouvoir est alors entre les mains d'un petit nombre de personnes appartenant à un même groupe, social par exemple, sans que le mérite y joue le moindre rôle. Le renversement de l'oligarchie entraîne l'établissement de la démocratie, où le peuple se voit doté d'une capacité de décision en partie directe, mais essentiellement exercée par le biais de représentants collégiaux, afin qu'un seul n'ait pas trop de pouvoir décisionnaire. La démocratie elle-même succombe à un moment pour aboutir à une ochlocratie, dans laquelle la foule manipulée et excitée par des passions et rumeurs soutient des factions en lutte pour le gouvernement. L'épuisement mental et moral causé par l'ochlocratie incite à appeler un homme providentiel destiné à remettre de l'ordre dans la politique, pour mieux aboutir à un retour de la monarchie.
Pour Fénélon, redonner autorité à la noblesse, mais pas n'importe laquelle, était un garde-fou contre le despote, qui préférait s'appuyer sur des hommes nouveaux, de condition plus modeste. Le rang et l'ancienneté nobiliaires devinrent des obsessions, perceptibles chez Fénélon mais encore plus chez Saint-Simon, allant jusqu'à se montrer parfois antithétiques. Si Fénélon n'appréciait pas le maréchal de Villars pour son caractère, Saint-Simon lui reprochait également d'avoir été élevé au duché-pairie comme lui, d'avoir été revêtu du Saint-Esprit comme lui, alors que sa famille ne fut anoblie qu'à la fin du règne d'Henri III. Saint-Simon revendiquait une ascendance (bien qu'en ligne féminine) remontant aux comtes de Vermandois, eux-mêmes issus de Charlemagne. Comment un duc-pair plus récent, issu selon lui d'un « greffier de Condrieu », pouvait-il être revêtu d'honneurs similaires, voire supérieurs ?
L’oisiveté représentait un danger. Louis-Antoine Caraccioline dit rien d'autre dans son roman moraliste Les Derniers Adieux de la maréchale de *** à ses enfants (1769), dans lequel il lance un appel à la jeune noblesse d'épée :
Vous êtes les descendants d'une multitude d'aïeux que la Patrie compte au nombre de ses héros : leur sang ne circula dans leurs veines que pour se répandre et pour guérir les maux que l'ennemi faisait à l’État. C'est à ce prix qu'ils acquirent la noblesse dont vous jouissiez, et dont vous ne pouvez vous prévaloir qu'autant que vous les imiterez. On perd sa noblesse aux yeux de la raison et de la probité, quand on ne s'en sert que pour vivre dans le faste et dans la mollesse, que pour se donner des airs de hauteur et de fierté.
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