Marianne Faithfull rencontre-dédicace part 2
Dix-neuf ans, j'aurais pu trouver mieux pour ma santé que devenir la maîtresse de Mick Jagger. Finalement, peu importe les cœurs brisés et le sang. La seule chose que l'on peut attendre d'une relation qui tourne mal, c'est quelques bonnes chansons.
Dire l’histoire d’un pays à travers ses chansons est une tentation forte à l’abri des historiens. Ici s’épanche une autre mémoire. Le commerce lui est tardivement tombé dessus. On peut continuer à essayer de restituer l’histoire de tout ce qui a été vaincu : la beauté et l’amour…
Ce récit m’enchantait. Ma mère savait comment choquer les gens. Même devenue une vieille dame, elle avait un sens du dramatique, et elle adorait cela.
Elle modifiait tout – chroniques familiales, anecdotes personnelles, l’histoire même – pour rendre la vie conforme à l’idée qu’elle s’en faisait. Cela me mettait toujours mal à l’aise. Et même si ses contes étaient merveilleux, il aurait mieux valu pour moi connaître la vérité. Mais pour cela, je ne pouvais compter sur elle.
( 1970 ).
On entrait dans une tragique ère de désillusion, d'autodestruction.
Même désespérément camée et à la rue, je n'arrive pas à décrire le choc quand j'ai appris la mort de Hendrix, et celle de Janis, l'une après l'autre. A décrire mon horrible impression que nous avions vraiment déconné. Sans parler de l'affaire Manson, qui pesait sur nous tous comme une épée de Damoclès.
Cela a été le plus grand plongeon de ma vie. Une vraie chute libre. C'est vers cette époque que tous les gens que je connaissais ont commencé à se mettre aux drogues dures pour calmer leurs douleurs, et à l'alcool ou aux somnifères pour oublier. Le temps des drogues qui vous ouvraient l'esprit était passé. Le monde avait basculé. On avait carrément changé de ton.
On se serait cru dans une symphonie de Mahler qui tourbillonnait et échappait à tout contrôle.
Je crois qu’il faut mener plusieurs existences de front. C’est très important, vous ne pensez pas ? »
Tout cela était tellement étrange ! Cela provoquait mon esprit de contradiction et j’ai vite eu la réputation de ne pas me comporter comme une pop star. Mais tout cela restait flou. Nous étions en train d’écrire le manuel, d’inventer les règles. On pouvait faire tout ce qu’on voulait. C’est ce que disait toujours Andrew. « De toute façon, personne ne sait ce qu’on est censé faire. »
Plus j’étais bizarre avec la presse, plus Andrew était content. Je leur donnais en pâture non seulement une Marianne acerbe et prompte à l’aphorisme, mais aussi la fille un peu toquée de la Baronnessa.
Les enfants ont souvent besoin d’une lumière, la nuit, à cause
des cauchemars. Moi, je faisais des rêves terribles et étranges où évoluaient des personnages terrifiants que j’appelais des Papas Chapeaux.
J’ai tout de suite repéré une expression inquiète sur le visage de Jeremy. Mon expérience dans ce domaine était limitée à John : je supposais donc tout naturellement que faire l’amour était synonyme d’aventure sentimentale. Mais Jeremy était soucieux à l’idée de me voir tomber amoureuse de lui. Il a dû comprendre que j’étais encore très naïve.
Tout en grignotant des toasts et de la marmelade d’oranges, il m’a expliquéles rencontres sans lendemain. « L’amour et le sexe sont deux choses différentes.
Nous étions l’avant-garde d’une ère nouvelle. Avouer qu’un membre de cette élite souffrait de déséquilibre mental aurait mis en péril la croisade des enfants. Elle n’avait même pas vraiment commencé ! Mais le monstrueux côté sybarite et fragile de Brian n’a pas encouragé notre compassion, quand il a commencé à sombrer.
Je ne concevais pas l’amour de cette manière, mais il savait que je ne le jugeais pas. Ce n’est pas mon genre. Je n’ai jamais porté de jugement sur les goûts sexuels de personne. J’avais l’esprit très large et je suis sûre que c’était un de mes charmes aux yeux de Mick. J’étais intriguée, mais je ne savais pas quoi faire.
J’étais, je crois, une enfant typique de mon époque : une adolescente parmitant d’autres, curieuse, rebelle, avide de choses interdites. On entendait parler de boîtes de nuit à la mode à Londres par le copain d’un copain qui y était allé. La seule évocation de leurs noms était magique. The Marquee,Ronnie Scott’s.