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Citations de Ferenc Karinthy (67)


Il a tout le temps pour observer les gens qui font la queue avec lui. Des Blancs et des gens de couleur ; devant lui deux jeunes nègres noir de suie à cheveux lisses, plus loin, une femme jaune, les yeux bridés, avec sa petite fille, quelques hommes grands de type germanique, un gros de type méditerranéen, le visage luisant de sueur en manteau à poil de chameau, des Malais basanés, des Arabes ou des Sémites, une blonde à taches de rousseur en pull bleu avec une raquette de tennis : il serait difficile de trouver une race ou une ethnie majoritaire, tout au moins là, devant ce restaurant.
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Par son métier, il a un sens linguistique particulièrement aiguisé : sa spécialité proprement dite c’est l’étymologie, l’étude de l’origine des mots. Dans le cadre de son travail il aborde les langues les plus diverses : parmi les langues finno-ougriennes, le hongrois et le finnois bien sûr, mais aussi quelque peu le vogoul et l’ostiaque, et puis le turc, un peu l’arabe et le perse ainsi que le slavon, le russe, le tchèque, le slovaque, le polonais et le serbo-croate. Mais ce langage que l’on parle ici n’en rappelle aucune, pas plus le sanscrit, l’hindi, le grec ancien ou moderne, mais il ne peut pas non plus être germanique ; de plus il se débrouille en allemand, en anglais et éventuellement en hollandais.
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Pendant ce temps-là le soir tombe, les lumières s’allument à l’extérieur ; la veille c’est à peu près à la même heure que l’autobus l’a amené. Donc vingt-quatre heures déjà. Pour l’instant il ne s’attarde pas à cette pensée, il poursuit sa pesante marche en avant, l’âme rongée d’inquiétude : il a appris à se battre, à pousser et bousculer pour avancer, tout comme les autres…
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C’est en lui-même que doit résider la faute, dans son caractère auquel toute agressivité, toute bousculade sont étrangères, cette révélation vient de s’imposer à lui, tout endormi et ivre qu’il est. Tant qu’il n’arrivera pas à vaincre sa modestie pusillanime, sa crainte d’importuner, il n’arrivera jamais à partir d’ici, ni même à donner de ses nouvelles afin que quelqu’un puisse lui porter secours.
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Il recommence donc, comme les autres fois, à essayer de communiquer en diverses langues, allemand, hollandais, polonais, portugais, et même turc et perse, et aussi en grec ancien, mais l’autre n’accroche pas, il l’interrompt :
— Chérédérébé todidi hodové guruburu pratch… Antapratch, vara lédébédimé karitchaprati…
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Quelles explications ses proches, ses amis, ses collègues de travail se donnent-ils de ce mystère, et sa femme avant tout, que peut-elle ressentir ? Et son petit garçon, et son chien ?…
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À proprement parler, n’importe quel habitant de la ville serait en mesure de lui enseigner sa langue, les mots, les règles au fur et à mesure, à condition de lui consacrer suffisamment de temps et de patience. Mais c’est précisément cela qui manque le plus chez les gens d’ici, un peu de courtoisie, de serviabilité, de disponibilité dans leur hâte immodérée et leur éternelle bousculade, quelqu’un qui l’écouterait demander ce dont il a besoin, qui une fois au moins daignerait témoigner de l’intérêt pour ses gesticulations de sourd-muet. Jamais personne n’a pris le temps pour cela depuis son arrivée, personne ne lui a permis de nouer une quelconque relation humaine. Sauf peut-être une seule…
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Ce sont les soirs qui lui font le plus peur, sa chambre lui semble une cellule de prison ; s’il avait au moins quelque chose à lire dans n’importe quelle langue familière ! Impossible de s’immerger éternellement dans ces rebus indéchiffrables, il ressent un manque affreux de nourritures spirituelles, de détente, il craint d’en devenir fou.
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Sur le plan matériel il doit faire des choix : ou il économise pour du linge, ou il boit, or en toute sobriété et après réflexion il opte pour la boisson car sans alcool son existence est carrément insupportable.
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Devrait-on envisager que les gens eux-mêmes ne se comprennent pas tous les uns les autres ?
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Ce sont les soirs qui lui font le plus peur : sa chambre lui semble une cellule de prison.
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Il ne doit surtout pas perdre la tête, c'est le principal, isolé dans cette fourmilière il ne doit pas s'abandonner à cette confusion indistincte. Par moment la panique le prend, de crainte que son esprit n'abandonne ce combat perdu d'avance, ne s'enfonce dans le chaos qui l'entoure, ne s'adonne à une mélancolie grisâtre, recroquevillée. Or il n'y a pas d'autre arme que la clarté de sa conscience, c'est l'unique projecteur qu'il peut pointer sur ce cauchemar éveillé.
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Il tremble de tout son corps, colère, amer-tume, impuissance et désir de vengeance bouillonnent en lui, il sent la haine monter en lui comme une odeur de vomi, il maudit l'ennemi invisible et l'invective à en perdre haleine en même temps que les autres: assas-sins, assassins sanguinaires... En revanche, à la rafale suivante il est pris d'une telle panique qu'il se jette avec fracas, hors de lui, entre les murs lépreux et délabrés de l'immeuble en ruine, il guette frénétiquement une issue arrière pour s'échapper, s'éloigner le plus loin possible, le plus vite possible, pour ne plus entendre le crépitement des armes.
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Dans son appartement il donne un tel coup de pied sur la table de nuit que la vitre se fend et lui blesse la main. Le saignement est assez fort, il se panse d'abord avec son mouchoir, puis avec une serviette, mais le sang traverse encore: il hait, il hait, il hait cette ville qui le blesse et le fait saigner partout, qui le contraint à se violer lui-même, qui s'accroche à lui, qui le harponne, qui ne le lâche pas, qui le retient prisonnier.
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(...) Il ne regrette pas d'être venu. Il se sent tellement seul, et plus longtemps dure son séjour, et plus peuplée lui apparaît la ville, plus sa solitude lui pèse ; le simple fait d'être revenu quelque part où il est déjà passé noue une relation, un minuscule point de repère au milieu de cet océan étranger.
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2. « Lui, déconcerté, la regarde impuissant : comment la consoler, il n'a pas la moindre idée de ce qui ne va pas, de ce qui la blesse, par qui elle a peut-être été insultée. Attention malgré tout, pense-t-il. Il ne doit pas s'occuper de telles futilités, il n'en a pas le temps, il doit rester de marbre, sans pitié et aller droit au but, c'est son unique chance. Il ne doit consacrer à cette fille que le minimum d'attention nécessaire pour préserver leur relation, tout le reste serait pur gaspillage de son énergie. Et si par hasard elle nourrit d'autres sentiments à son égard, il doit bel et bien en profiter pour en tirer avantage. » (p. 176)
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1. « C'est en lui-même que doit résider la faute, dans son caractère auquel toute agressivité, toute bousculade sont étrangères, cette révélation vient de s'imposer à lui, tout endormi et ivre qu'il est. Tant qu'il n'arrivera pas à vaincre sa modestie pusillanime, sa crainte d'importuner, il n'arrivera jamais à partir d'ici, ni même à donner de ses nouvelles afin que quelqu'un puisse lui porter secours. Il doit livrer combat lui-même, il n'a pas d'autre issue. Il doit se transformer des pieds à la tête, c'est l'unique façon de recouvrer son ancienne, sa véritable vie, sa personnalité. » (pp. 84-85)
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S’il est séquestré et malmené ici par l’indifférence et le je-m’en-foutisme, ce qui paraît le plus probable, le manque paralysant d’intérêt, le fait qu’il soit incapable d’attirer l’attention de quiconque : comment devrait-il faire pour se dépêtrer de la vase visqueuse qui l’environne, alors qu’il n’y a pas une seule branche à attraper, un seul point fixe où poser les pieds ?
Il ne doit surtout pas perdre la tête, c’est le principal, isolé dans cette fourmilière il ne doit pas s’abandonner à cette confusion indistincte. Par moments la panique le prend, de crainte que son esprit n’abandonne ce combat perdu d’avance, ne s’enfonce dans le chaos qui l’entoure, ne s’adonne à une mélancolie grisâtre, recroquevillée. Or il n’a pas d’autre arme que la clarté de sa conscience, c’est l’unique projecteur qu’il peut pointer sur ce cauchemar éveillé.
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Tout compte fait l’expérience est épuisante et assez désespérante, surtout dans cette foule et ce bruit persistants.
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De nouveau il se retrouve donc dans un cul-de-sac, il erre les yeux bandés dans une obscurité totale…
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