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Citations de Fernando Marias (10)


Vous avez éliminé toutes les hypothèses, certaines saugrenues, d'autres illogiques, sauf une, la bonne par élimination. Son amour véritable, la seule femme à laquelle il restait fidèle, était sa répugnante luxure. Les autres n'étaient que de simples amantes en chair et en os plus ou moins durables ; l'autre y compris. Y compris son épouse légitime. Pour cette raison, vous étiez plus seul que jamais pour sauver sa tête. Soudainement, tout était entre vos mains.
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Je me suis suicidé il y a seize ans. C'est un laps de temps plus que suffisant pour que vous m'ayez oublié, Delmar, ou tout au moins pour que se soit estompée la précision de vos souvenirs. Avant toute chose j'aimerais me présenter convenablement, c'est pourquoi je vais vous demander de faire un effort, d'obliger votre esprit à surmonter l'ivresse - parce que vous êtes ivre, n'est-ce pas ?, ivre comme toujours - et de revenir vingt ans en arrière, jusqu'aux derniers jours de 1970...
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Si tu tues un homme, il devient l’être le plus important de ta vie passée, présente et future. […] Pour que la culpabilité puisse laisser un peu de répit, il faut payer pour la mort que tu as provoquée. Mais comment ? Existait-il, existe-t-il une forme de rachat ?
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L’homme me regardait. Ses yeux témoignaient qu’une avalanche de souvenirs, ses souvenirs, enfermés pendant presque trente ans, lui revenaient pêle-mêle, avec la violence d’un fleuve sauvage et effréné
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[...] ... Couché dans le lit de la salle commune du Foyer de Bienfaisance situé dans une vieille bâtisse du centre de Léonito capitale, l'homme ressemblait à un vieillard qu'en réalité il n'était pas.

Il respirait à grand peine par la bouche, d'où pendait un filet de bave, et ses yeux mi-clos, morts et pourtant anxieusement vivants, regardaient le plafond sans le voir. Tout à fait immobile, comme si la forte pluie du soir qui fouettait les fenêtres le maintenait en état de transe hypnotique, il semblait livrer une lutte solitaire contre ses souvenirs ou bien il souffrait, entièrement à leur merci.

Quand l'infirmière lui annonça la visite, il s'agita avec la peur instinctive de l'animal pris au piège : jamais personne n'était venu le voir, personne ne le connaissait, il ne connaissait personne ... Une peur d'autant plus intense qu'il ne pouvait voir son visiteur : le patient était aveugle et se savait condamné à cette même impuissance qui pendant tant de temps l'avait fascinée chez ses victimes nues et tordues de douleur, terrifiées par la cruauté inventive d'une nouvelle lubie.

Avec douceur et tact, le visiteur promit à l'infirmière de ne pas fatiguer l'homme et, quand elle fut partie, il approcha une chaise de la tête du lit en essayant de ne pas faire de bruit, comme s'il voulait respecter les gémissements lointains et les petits rires hystériques qui émanaient de la salle, sans qu'on puisse les situer, et couvraient parfois la rumeur de la pluie ; il s'efforça de prendre une voix à la fois rassurante et amicale ; il lui fallait à tous prix gagner la confiance de l'aveugle, sans quoi un tel voyage n'aurait aucun sens. Il ébaucha un sourire bien qu'il sache que cela était bien entendu inutile, et il posa le paquet rectangulaire qu'il avait apporté près de la poitrine jeune - le visiteur savait qu'il n'avait pas plus de quarante ans - mais desséchée et famélique, comme vieillie artificiellement. Il perçut clairement que le malade retenait sa respiration. ... [...]
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J’ai l’intention de vous payer en retour, d’utiliser toute mon expérience professionnelle, toutes mes connaissances sur les mécanismes de l’être humain et sa manipulation -enrichies par une haine jusqu’alors absente de mon travail - pour que ma vengeance soit à la hauteur, pour qu’elle vous aille comme un costume sur mesure.
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J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai regardé Himmler dans les yeux et adopté un ton grave, prenant à témoin le masque mortuaire qui ne pouvait contester aucun de mes mensonges : j’ai présenté l’expérience Tuccio – dont je n’ai révélé, à ma convenance, que de vagues lignes maîtresses – comme un projet bien en place qui enthousiasmait Heydrich et dont il n’y avait pas de trace écrite en raison justement de son envergure, de l’importance qu’il lui avait accordée. Enflammé par mon propre discours, auquel l’intérêt de mon auditeur et son regard parfois approbateur donnaient des ailes, je suis parvenu à lui faire partager mon enthousiasme, et l’après-midi même je rentrais à Paris avec des instructions personnelles d’Himmler, qui a peut-être vu dans l’annexion de mon talent une victoire posthume sur son ambitieux et défunt adjoint. Quoi qu’il en soit, je devais présenter au plus vite un rapport détaillé sur mes progrès dans le domaine de "l’utilisation de la douleur mentale comme alternative à la douleur physique". Je n’avais pas de temps à perdre : j’avais vendu quelque chose qui n’existait pas et je me devais de l’inventer sans tarder.
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– Le 1er mai 1947, Triunviro était encore un gamin, il devait avoir dix-sept ans – poursuivit Aurelio -. Mais c’était un fils de pute de première catégorie. Cela faisait quelques mois que j’étais au Léonito, et nous nous étions rencontrés à diverses reprises. J’avais neuf ans de plus que lui, mais malgré la différence d’âge il a dû penser que je l’aimais bien, parce qu’il me racontait ses histoires, c’est-à-dire, ses abominations, et ça lui plaisait que je l’appelle Tété, ce qu’il permettait à très peu de gens à l’époque. En fait, je me souviens de lui alors et je le vois comme un gamin féroce et mal élevé, un de plus parmi les autres. La différence, c’est qu’il avait un pouvoir illimité : tous les hommes du Léonito, du dernier des paysans à l’officier le plus apprécié de n’importe lequel des trois colonels, craignaient ses caprices et savaient que, d’une façon ou d’une autre, ils étaient ses esclaves. Quant aux femmes, et j’en suis témoin parce qu’il s’en est vanté plus d’une fois en ma présence, il était fier de les avoir toutes eues, toutes celles qui valaient la peine, précisait-il aussitôt. "Mes juments", il les appelait. Ses hommes sillonnaient sans cesse le pays à la recherche de nouvelles "juments" et aucune maison n’était à l’abri de ses coups de filet, surtout les plus humbles. Comme, en toute logique, il y en avait qui cachaient leurs filles, on a inventé un loi selon laquelle toute naissance devait figurer dans une sorte de nouveau recensement. Il disait qu’ainsi, quelques années plus tard, il aurait une liste de fiches, signées par les parents respectifs, avec les noms de toutes les filles qui devaient se trouver dans chaque foyer, à attendre qu’il décide lui-même si elles lui convenaient ou pas ; avec cette astuce, il n’y aurait pas de cachette qui vaille. Pour chaque inscription on offrait à chaque citoyen je ne sais trop quelle somme, trois fois rien, je suppose, et beaucoup ont mordu à l’hameçon sans se douter qu’ils condamnaient leurs filles à être violées vingt ans plus tard… Bref, un mioche sanguinaire, sans scrupule mais avec du pouvoir. Pourvu que tu ne rencontres jamais personne comme lui. Mais moi, j’étais ambassadeur et je devais faire avec. Et j’ai fait avec…
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C'est là que je les ai vus: deux points noirs qui s'approchaient. Des ennemis sans doute. Et pourtant, constater qu'il y avait des êtres humains dans la plaine jaune m'a rendu euphorique. J'ai essayé d'attirer leur attention mais ma gorge était si sèche qu'une douleur déchirante m'a obligé à me taire. Paco, au même moment, m'a fait signe de ne rien dire. L'inquiétude dans ses yeux m'a ramené à la prudence; je me suis rappelé où nous étions et qui, selon toute vraisemblance, devaient être ceux qui arrivaient.
Paco a pris les jumelle et fait la netteté sur les points noirs. A peine une seconde plus tard, il était bouche bée de peur ou de stupéfaction. Il a écarté les jumelles comme si elles brûlaient, il me les a passées et a titubé en arrière. Il tremblait. Pourquoi? Ils n'étaient que deux, à pied et pas mieux armés que nous en tout cas. J'ai regardé....
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Je laisse échapper unsoupir angoissé, je me redresse dévoré par la souffrance, mais en même temps étrangement soulagé. Je ressens une honte presque puérile. La honte d'avoir tué. Tuer est effrayant. Je sens la mort collée à ma peau, je sais qu'elle est là. Elle m'accompagne et m'accompagnera toujours désormais. Je l'ai fais entrer chez moi. C'est ce que j'ai et que j'aurai, mon offrande pour qui est à mes côtés." Mon amour, j'ai tué deux être humains". Et je pense soudain qu'il y a deux sortes de personne: ceux qui ont tués et ceux qui n'ont pas tués. Ils ne peuvent ni se mélanger ni rien partager. Nous sommes d'une autre espèce sans Dieu ni futur. Nous dormons avec nos morts, nous leur appartenons. Quand je mourrai, dans quarante ou cinquante ans,ils seront, eux et leurs regards, la dernière chose à laquelle je penserai. La dernière chose que je verrai. Je suis désolé mon amour, toi et la petite vous n'en serez pas. J'ai bien peur que non.
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