François L'Yvonnet: L'industrie, entre savoir et technique.
Jünger n'a pas demandé à être nourri au Prytanée.
Il paya au prix fort le sort des vaincus. Il sut reconnaître ses erreurs, ses égarements et ses illusions.
Mai de quelle faute inexpiable est-il donc coupable qui justifierait dans la durée l'acharnement des justiciers ? D'avoir survécu aux horreurs d'un siècle abominable ? D'être resté debout dans la tourmente ? De s'être abstrait du tumulte ? D'avoir placé l'art au-dessus de tout ? D'avoir joui de la vie ?
La justice, cette fugitive du camp des vainqueurs, disait Simone Weil.
Qui peut dire ce qu'est l'annonce dans un monde humain...
Il y a du Quichotte en lui, le Chevalier "de la Triste Figure". Comme lui, il se leva un matin et partit parce que les "livres lui avaient tourné la tête". (p. 137)
Conséquence prévisible de cette gondolade généralisée : la politique est devenue dérisoire. Certes, on ne saurait mettre au seul crédit des néo-humoristes la disqualification du politique. Ce serait leur faire trop d'honneur. Ils ne sont qu'un symptôme, parmi d'autres, de l'irréversible processus de "disneylandisation" de nos sociétés. La scène politique n'a jamais mieux porté son nom. Plus personne pour s'étonner des moeurs qui y règnent. On peut désormais sans trop de dommages se faire sucer les orteils ou sauter la domesticité, seules des marionnettes s'en souviendront.
Il [Ernst Jünger] étend cette relation à l'opposition entre le droit romain, qui est du côté des citernes, et le droit germanique, du côté des sources : "On y puise le jugement le de manière différente". (p. 32)
Ils [les néo-humoristes] n'invitent pas à penser, comme Socrate, ils ne dénoncent pas les puissants, comme Swift. Ils se contentent de caresser dans le sens du poil les valeurs consensuelles, ils sont anti-racistes, anti-fascistes, anti-antisémites, anti-méchants. Ils célèbrent le Bien et luttent contre le Mal. Ils égratignent en surface pour mieux acquiescer à la doxa.
Qui est l'Homo comicus ? Un nouvel homme public à la fois journaliste, amuseur et donneur de leçons. Maître de morale, il dit le vrai et le bien avec un aplomb impeccable et rejette hors de la norme tous ceux qui ne pensent pas comme il faut.
Les néo-humoristes sont l’un des maillons du moralisme ambiant, et leur jacasserie, l’occasion d’administrer à l’envi l’empoisonnante moraline
L’humour est « une forme d’esprit, dit le dictionnaire Larousse, qui s’attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité ».
Cette définition ne s’applique pas aux « humoristes » contemporains, dont le subterfuge rhétorique consiste à opposer une réalité, la leur, supposée bonne, authentique et honnête, à une autre réputée moche, trouble et glauque. Par un tour de passe-passe et de dédoublement, tels des curés, ils valorisent ce qu’ils sont par la déconsidération de ce qu’ils ne sont pas. Je ne suis pas celui que j’apostrophe, donc je pense sainement et suis intègre.
Bergson soutient que le rire a une fonction sociale, qu'il est une sorte de "brimade" collective, un rappel à l'ordre de ceux qui s'écartent de la norme, tous les distraits, les originaux. Certes, cela vaut pour les figures des comédies classiques, pas pour le comique flatulent contemporain. C'est même l'inverse. Le rire chez lui est la norme, et l'on rit de ceux - et avec ceux - qui incarnent la norme. C'est l'hommage du conformisme au conformisme. Une sorte de messe normative où les rieurs et les victimes s'embrassent à l'issue de l'office.
Les "néo-humoristes" n'attaquent pas le vrai pouvoir, celui du fric. Ils sont payés par des hommes puissants qui possèdent les médias, ils ne peuvent donc pas être subversifs.
-Technikart n°162-
On ne se scandalise même plus qu’il y ait des crève-la faim et des va-nu-pieds, on encourage plutôt la vitalité de l’institution charitable.