François de Malherbe

Il est un peu déroutant, pour un moderne, d'ouvrir un recueil de Malherbe. On ne comprend plus la notion de poésie de circonstance, on n'a pas été rendu sensible à la rhétorique dans la poésie (Verlaine a bien dit "Prends la rhétorique et tords-lui son cou"), on est habitué à des énoncés fulgurants, mystérieux, traversés de métaphores qui semblent toujours en dire plus qu'elles ne disent. Nous ne pouvons plus lire Malherbe, en somme, sauf si nous le traitons comme on regarde un tableau de l'époque, un portrait de Philippe de Champaigne, un paysage de Poussin, un Rubens à reines grasses débarquant à Marseille au milieu d'amours voltigeant partout. S'il y a une intention démonstrative, une histoire, nous n'y prêtons plus attention, mais nous fondons notre plaisir sur la contemplation et la jouissance des lignes, des couleurs et des formes. De même ici : Malherbe écrit dans un beau et noble langage, il fait de beaux vers, et peu importe si ces beaux vers concernent le voyage de Henri IV en Limousin ou l'éloge de la reine-mère. Le sujet ne nous parle plus, et seul reste le poème. L'essentiel.

J'ai beau adorer la poésie, je crois que celle de Malherbe n'est pas pour moi...

Après la fraîcheur et l'exubérance de tous les poètes du XVIème siècle, notamment ceux de la Pléiade, « enfin Malherbe vint et, le premier en France, fit sentir dans dans les vers une juste cadence », écrit Boileau. Mais ce jugement favorable est plutôt contre-productif dans nos esprits de lecteurs du XXIème siècle. Dans Malherbe, on préfère voir plutôt un poète ennuyeux, rigoureux dans la forme et dépourvu de la (vraie) flamme poétique. En effet, il fut très soucieux des règles d'écriture. Son statut de poète quasiment officiel, "pondant" des vers pour plaire à Henri IV ou aux grands du royaume, ne plaide pas non plus en sa faveur. Plusieurs de ses textes les plus connus, comme "Consolation à M. du Périer", s'adressent nommément à des personnalités endeuillées et ne sont pas très "glamour". Mais toutes ces considérations ne doivent pas conduire à trop cracher dans la soupe. Ce poète est vraiment un précurseur de la poésie française classique et certains de ses textes méritent d'être lus avec une certaine bienveillance.

Respect.