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Critiques de Frank Westerman (15)
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Soldats de la parole

Le communiqué de presse qui accompagnait ce livre reçu dans le cadre d’une opération masse critique et pour lequel je remercie chaleureusement l’éditeur mentionne dans la catégorie « genre » : « Narrative Nonfiction ». Voici donc 336 pages que j’ai littéralement dévorées, tant le sujet est intéressant. C’est un travail d’investigation de grande qualité que l’auteur a terminé, selon la dernière ligne du livre, le 30 mars 2016. Pour le synopsis je renvoie dans un premier temps à la présentation éditeur qui me semble très bien construite. Je ne connaissais rien sur les Moluquois avant cette lecture édifiante à plus d’un titre sur le combat mené par eux pour l’indépendance de la République des Moluques du Sud. Leurs actions terroristes aux Pays-Bas sont tracées symboliquement sur une carte en page 23 (5 prises d’otages en 1975, 1977 et 1978) et décrites, analysées et commentées tout le long de l’ouvrage. Pour comprendre brièvement qui sont le Moluquois je cite un assez long passage (p. 61-62) :

« Leurs pères étaient officiers dans la Koninklijk Nederlandsch-Indisch Leger, (l’armée royale des Indes néerlandaises) ou KNIL, fidèle à la Maison d’Orange. Pendant les "actions policières”, deux guerres coloniales en 1947 et 1948, fidèles à leurs maîtres hollandais, ils ont vaincu les combattants pour l’indépendance. Leur position a basculé quand, en 1949, l’Indonésie s’est libérée du joug des autorités néerlandaises. Les Moluquois, dans leurs uniformes de la KNIL, ont alors été précipités du mauvais côté de l’Histoire : chrétiens dans un pays musulman, et collaborateurs de l’ennemi chassé du pays. La plupart des officiers moluquois souhaitaient être démobilisés à Ambon, la République autoproclamée des Moluques du Sud mais, en décembre 1950, ce minuscule État, la RMS, fut, après une courte période d’existence de sept mois à peine, violemment repris par le nouveau pouvoir indonésien.

En 1951, sur ordre de l’armée, les militaires de la KNIL, n’ayant d’autre échappatoire, embarquèrent pour Rotterdam, eux et leurs familles. Une solution provisoire, selon les autorités. Sur le quai, à peine descendus de la passerelle, les militaires furent informés de leur licenciement avec effet immédiat. En l’espace d’un instant, ils se retrouvèrent dégradés, chômeurs et apatrides. Ce groupe de 12 500 âmes fut dispersé à travers le pays sans plus de cérémonie, relégué dans les baraquements, notamment les anciens camps de concentration nazis de Vught et Westerbork.»

Suit un travail complexe de recherches et de réflexion sur les implications socio-politiques de ces actions terroristes qui comporte des comparaisons, notamment avec la Tchétchénie, mais pas uniquement.

La conclusion du livre est, en peu de mots, celle de la page 315 : « "La police protège la démocratie. Dans les situations d’urgence, elle intervient en s’imposant. Là où d’autres reculent, les hommes de la police avancent. Par la violence s’il le faut.”

Tandis que je recopie ces lignes, j’ai envie de les compléter. Je me rends compte que le policier est aussi un verbalisant. Il rédige des procès-verbaux. Il ramène une situation de violence à des mots, que le juge confrontera à la loi. La langue n’est pas le tissu conjonctif d’une société libre et ouverte, elle en est la musculation.

L’épée ne peut se passer des mots. Mais l’inverse est vrai également : la plume a besoin de l’épée. Un attentat est une tentative d’aliénation collective, de prise en otage. La réponse de Mahatma Gandhi – climb to the moral high ground and cling to it (affirmer sa hauteur morale et s’y agripper) – ne suffit pas, mais celui qui ne l’applique pas tombera inévitablement.»



Je conseille vivement cette lecture.
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La vallée tueuse

Frank Westerman s'est intéressé à l'autre catastrophe qui a agité l'année 1986, celle du Lac Nyos niché au cœur de la vallée montagneuse du nord-ouest du Cameroun. Moins retentissante que la catastrophe nucléaire de Tchernobyl - aucun dégât matériel, aucune altération de la nature environnante-, elle a pourtant provoqué la mort soudaine de 1746 personnes.

Bien entendu le journaliste néerlandais expose les différentes explications scientifiques autour du phénomène d'explosion naturelle qui a semé la mort par asphyxie. Mais les divergences des chercheurs ont conduit Westerman à s'attarder sur les mythes, légendes et rumeurs qui ont bénéficié de la controverse pour prospérer pendant les vingt ans de l'enquête.

Au terme d'une investigation de terrain, il a recueilli profusion de témoignages, collection d'histoires pour aboutir à une superposition de discours dont il n'est pas évident de tirer un enseignement clair et limpide. L'auteur a accompli un travail remarquable de collecte d'informations mais les efforts déployés provoquent parfois une sensation de saturation. Il est bien dommage de voir Westerman se contenter de jouer les témoins passifs là où le le sujet invite à métaboliser les informations, on a parfois l'impression de lire les bases d'une étude qui reste encore à écrire.









Touffu, cet ouvrage n'atteint malheureusement pas l'altitude requise pour mener l'enquête à laquelle se prête le sujet, une investigation mêlant journalisme et étude socio-ethnographique. Mais il illustre l'idée que l'Histoire ne se construit pas uniquement sur des faits réels et tangibles, elle se nourrit également de rumeurs et de légendes.

Et on peut être séduit par les récit légendaires qui, par leur faculté à capter les ondes secrètes entre l'homme et la nature ou à relier le visible à l'invisible, donnent une dimension merveilleuse à cet ouvrage.

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Ingénieurs de l'âme



Après "Les ingénieurs du chaos" de Giuliano da Empoli (le 12/9), place aux "Ingénieurs de l'âme" du journaliste et écrivain néerlandais Frank Westerman. En fait, il s'agit d'un livre que j'ai lu tout de suite après sa parution en 2002 en version originale, mais qui m'avait tellement impressionné que je l'ai relu avec plaisir pour mes ami-e-s sur Babelio, en traduction, pour pouvoir citer à l'aise. Une fois n'est pas coutume de bénéficier de ce confort.



Lorsque le journaliste Frank Westerman a décidé, en 2002 à l'âge de 38 ans, de se consacrer à la seule écriture de livres, personnellement j'ai regretté, car il a été un des tous meilleurs de sa profession. Je n'oublierai jamais comment il a réussi, avec un unique autre reporter, à pénétrer à Srebenica, où les Serbes ont massacré 8000 Bosniaques en juillet 1995. De 1997 à 2002, il fut le correspondant de plusieurs grands quotidiens néerlandais à Moscou et de Russie il a envoyé à Amsterdam des reportages mémorables.



Non pas, que je n'apprécie point l'auteur. Au contraire, de ses 11 livres publiés, j'ai fort aimé entre autres "La république du grain" , "Ararat" et "El negro et moi". Surtout ce dernier ouvrage est original : au musée d'histoire naturelle à Banyoles en Catalogne, l'auteur voit le corps d'un Bushman, naturalisé et exposé comme un animal. Il veut savoir qui était cet homme.



C'est lors de son séjour dans la capitale russe que Frank Westerman a écrit son ouvrage remarquable et remarqué, car traduit en beaucoup de langues, des ingénieurs de l'âme. Un ouvrage ambitieux, puisqu'en même temps historique, politique, philosophique et littéraire et qui a dû demander une sacrée préparation : épluchement des archives, lecture des tonnes de livres et de documents et maintes visites autour de la Russie et du Turkménistan pour soit voir des traces des travaux gigantesques en l'URSS de Staline, soit rechercher et interviewer des témoins.



Si le terme "ingénieur de l'âme" à été forgé par le romancier Iouri Olécha (1899-1960), c'est bien Joseph Staline (1878-1953) qui s'en est accaparé, à partir de 1932, pour désigner les auteurs qui étaient sollicités, par leurs écrits, contribuer activement à la victoire du communisme.



À cette fin fut créée "l'Union des Écrivains Soviétiques" et Maxime Gorki (1868-1936) en devint le membre numéro un, avant d'en être bombardé Président. Gorki est le pseudo d'Alexis Pechkov et signifie "l'Amer".

Pour le petit père des peuples le roman "La Mère" ((Мать") de son pote de 1907 doit servir comme exemple à tous les auteurs soviétiques.



Gorki était également en charge de la gestion de la maison d'édition de l'État et d'un fonds culturel, ce qui lui a permis d'aider le jeune Dmitri Chostakovitch à terminer le conservatoire, d'accorder à Ivan Pavlov (1849-1936), Prix Nobel Médecine 1904, une ration académique pour survivre, tout comme à Isaac Babel, une "bourse de voyage littéraire" pour la même raison. Ce qui n'a pas évité au célèbre auteur d'Odessa d'être fusillé à 45 ans, en janvier 1940, pour trotskiste et espionnage en faveur de la France ! Son protecteur était mort depuis 4 ans.



Les membres éminents de l'Union des Écrivains étaient suivis de très près afin que leur oeuvre soit tout à fait conforme aux vues et conceptions du "Vojd" ou guide au Kremlin. Pour "l'encadrement" efficace, il y avait évidemment la NKVD ou police secrète.



Pas étonnant que dans ce climat, certains auteurs, comme Andreï Platonov (1899-1951) par exemple, furent réduits au silence, que d'autres, comme Boris Pasternak (1890-1960) - pour n'en mentionner qu'un seul - eprouvèrent des difficultés à se faire éditer, qu'encore d'autres préféraient se suicider, comme notamment la poétesse Marina Tsvetaïeva, en 1941 à 48 ans.

Et Babel n'est pas le seul artiste à avoir été liquidé, il y avait également Ossip Mandelstam, mort dans un camp de passage en route pour Kolyma en Sibérie et jeté dans une fosse commune en 1938 à l'âge de 47 ans. Sans oublier l'écrivain Boris Pilniak, fusillé la même année 1938 à l'âge de 43 ans.



Combien de vies et de talents ne furent pas massacrés par pure folie ?



Frank Westerman consacre aussi quelques chapitres de son ouvrage de 345 pages aux grands travaux d'infrastructure, tels les canaux Volga-Baltique, Turkmenbashi, Biélomor etc. dont la construction a causé la mort à des dizaines de milliers de travailleurs, prisonniers et forçats.



Les écrivains et poètes étaient, bien entendu, supposés admirer les résultats de ces travaux. Ainsi Constantin Paoustovski (1892-1968) a publié un ouvrage intitulé "Kara-Bogaz" ("Gorge noire" en Turkmène) en 1932 sur des travaux importants dans cette lagune à lest de la mer Caspienne. En 2000, Frank Westerman a découvert que Paoustovski n'y a jamais mis les pieds.



"Ingénieurs de l'âme" est peut-être un livre relativement complexe à lire, mais qui récompense les courageux.

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Te waar om mooi te zijn

+++++++ TROP VRAI POUR ÊTRE BEAU +++++++



Dans un avant-propos de son dernier ouvrage le journaliste et écrivain néerlandais Frank Westerman explique que lors de ses nombreux reportages à travers le monde il a constaté que la réalité n'est souvent pas belle du tout et qu'il préfère dès lors inverser la maxime populaire.

Son expérience de l'horreur du massacre et génocide de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine, où il a été un des rares témoins étrangers en 1995, explique probablement dans une large mesure sa conclusion.



Mais ce n'est sûrement pas l'unique raison comme il ressort de certains des 14 récits présentés dans ce recueil-ci.



Son 14ème livre sorti à Amsterdam le 1er avril dernier sera sûrement traduit en Français comme son "Les ingénieurs de l'âme" de 2003 qui est actuellement disponible en 37 langues.

Voir à ce sujet mon billet du 21 septembre 2019.



Un des reportages conduit l'auteur avec sa fille Vera, 19 ans, au camping de Spitzberg, le camping le plus nordique du monde en Norvège, à 1308 kilomètres du pôle Nord, où en 2020 Job Kootte d'Amsterdam a été mortellement agressé par l'ours blanc Snow.

Frank Westerman veut reconstituer cet incident fatal pour son compatriote, mais "dans la perspective de l'ours" Snow.



Une excellente occasion pour explorer cette île découverte en 1596 par le navigateur néerlandais Willem Barentsz et pour un entretien avec la directrice du camping, Michelle van Dijk, auteure du roman "Witter dan sneeuw" (plus blanche que la neige).



Un autre reportage amène l'auteur à Tbilissi, la capitale de la Géorgie, où il a une entrevue avec l'ancien ministre des sports, Ramaz Goglidze, à propos de la mort du jeune lugeur de 21 ans, Nodar Kumaritashvili, aux Jeux olympiques d'hiver à Vancouver en 2010 et les mesures de sécurité prises à la suite, notamment en matière d'infrastructures minimales et une limitation de vitesse à 135 km/h.

Il y est aussi question du forfait par le champion hollandais, Edwin van Calker, et le courage des dames de luge qui ont bel et bien terminé leur épreuve périlleuse.



L'auteur consacre tout un chapitre au journaliste et écrivain polonais, Ryszard Kapuscinski (1932-2007) pour qui il a beaucoup d'admiration et qu'il a surnommé "Maestro Kapu". Son hommage relate plein de faits remarquables qui m'étaient totalement inconnus, bien que j'aie lu la merveilleuse biographie par son compatriote, collègue et ami Artur Domoslawski de 2010.



Avec, si possible, encore plus d'admiration l'auteur a dédié un chapitre à l'écrivain et aviateur français Antoine de Saint-Exupéry, son dernier vol du 31 juillet 1944 et la remontée des vestiges de son avion en Méditerranée pratiquement 60 ans plus tard.



Comme l'a formulé un quotidien flamand : "Frank Westerman écrit de la non-fiction avec la plume et la bravoure d'un grand romancier".

Chez lui la beauté et la réalité se rejoignent effectivement grâce à une curiosité à toute épreuve, un don d'observation rare et un style particulièrement original.



Alors : vrai, beau, faux ?



De toute façon et quoi qu'il en soit, "un enfant ne regarde pas seulement avec les yeux" a noté Antoine de Saint-Exupéry dans son inimitable chef-d'oeuvre le Petit Prince, "l'enfant sait que les choses les plus importantes sont invisibles".



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Nous, les humains

Nous, les humains se présente comme un livre atypique, un reportage écrit, un peu dans le même esprit que La vie que tu t’étais imaginée de Nelly Alard – en plus complexe. Ce n’est ni vraiment un essai ni vraiment un roman, tout juste l’histoire du réel, le récit des étapes de recherches menées par Frank Westerman et ses élèves pour remonter le fil des origines de l’Homo Sapiens, des découvertes qui ont façonné son histoire telle que nous la connaissons aujourd’hui, et des enseignements et réflexions qu’ils en tirent, à la fois philosophiques et métaphysiques.



Partant des questions que suscite la découverte de l’homme de Florès, l’auteur remonte les différentes hypothèses expliquant la généalogie de l’humanité, et par extension, ce qui fait l’essence de notre espèce, les Homo Sapiens. Essentiellement, son questionnement tourne autour des points suivants : Qu’est-ce qui fait de nous des humains ? Sommes-nous “juste” des animaux ? Pouvons-nous considérer l’homme comme un animal qui a atteint le sommet de la pyramide animale ou devons-nous le considérer comme une espèce à part entière ? Ainsi, Frank Westerman en vient à questionner l’hégémonie de l’Homo Sapiens sur le reste du vivant : « Je comprends que la question primordiale de ma recherche est la suivante : de quel droit mesurons-nous toute chose à l’aune de ce que nous sommes ?«



L’auteur se laisse guider par ses découvertes successives, laissant les contours de son reportage bouger selon les opportunités, apportant des nouvelles informations intéressantes mais perdant du même coup le lecteur, qui ne voit plus tellement où il veut en venir. Le début du récit est très enthousiasmant, une mine d’or d’informations et d’interrogations pour tous ceux qui veulent creuser un peu plus profond dans l’histoire de l’Humanité. Pour autant, les ramifications de l’enquête, qui nous amène tour à tour sur les biographies des différents paléoanthropologues puis sur les massacres communistes à Florès dans les années 60, demandent un peu de persévérance au lecteur pour atteindre la conclusion finale, empreinte de mysticisme : bien que tous les chercheurs et chercheuses y aillent de leurs petites théories, nous n’avons toujours pas la moindre idée de ce qu’est, véritablement, l’histoire de l’humanité.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Soldats de la parole

Les soldats de la parole, ce sont les négociateurs. C'est du moins ce que l'on peut imaginer comme point de départ de cet excellent ouvrage, à la croisée de l'essai et d journalisme d'investigation.



Frank Westerman commence par quelques souvenirs personnels. Il est enfant, les chars passent non loin de chez lui. Motif? Une prise d'otages dans un train en rase campagne hollandaise.



Nous sommes dans les années 70, et les revendications indépendantistes ou anti-capitalistes fleurissent en Europe. La bande à Baader, les RAF, l'IRA, l'ETA... Ici, ce sont les Moluquois. Ils sont jeunes, idéalistes, ils veulent un avion, de l'argent, retrouver leur pays... un pays, en fait, qu'ils n'ont jamais connu et qu'ils idéalisent. La prise d'otages sera sanglante. Exécutions ultimatums... Ce sera la première expérience hollandaise, la création du "modèle hollandais". En l'occurrence, on négocie. Et qui négocie? Un psychiatre.



Parenthèse, les revendications nationalistes des Moluquois prennent leur source dans l'exode massif obligatoire qu'ont connu les Moluquois lorsque les Hollandais ont quitté l'Indonésie. Forcés de partir, puis exclus de la société, mis au ban, reniés... les Moluquois n'ont pas pu profiter de la manne d'un des pays les plus prospères d'Europe à l'époque.



C'est là que le livre de Westerman prend une dimension exceptionnelle. D'un focus sur les négociateurs, propos avoué du livre, on dérape... Le racisme, l'intolérance, le respect deviennent des sujets du livre. Westerman oppose le modèle russe (on dézingue tout et le Soviet Suprême reconnaîtra les siens) et le modèle hollandais. Puis il place le modèle hollandais dans la perspective de l'Histoire. Que fait-on aujourd'hui? On ne négocie plus. Westerman reconnaît que ses convictions ont évolué.



Car il y a plus fort encore ! Par petites touches, Westerman se livre à une confession intime. Il a été bénévole à Cuba. Il a rencontré une ex des RAF. Il a même posté une lettre d'elle à son retour de Cuba. Lettre destinée à ses anciens coreligionnaires. Anecdotique? Pas vraiment. Autre moment fort: le "jeu de rôle" dans un avion où est simulée une prise d'otages, avec intervention des forces de police.



En alternant passé et présent, intime et enquête, idéaux et réalité... Westerman dresse un portrait de ce qu'il est devenu, de ce que sont devenus ses pairs, de ce que sont devenus les idées de tolérance et de liberté. C'est puissant et terriblement actuel.



Je remercie Babelio Masse Critique (février 2019, je pense), et les Editions Belfond pour cette superbe lecture. Je conseille vivement ce livre boulversant, bien plus intense que bien des thrillers dont j'ai pu (hélas) croiser la route...
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Soldats de la parole

L'essai de Frank Westerman couvre une large période d'enquête basée sur différents types d'actions armées et d'actes terroriristes, nous découvrons « la méthode hollandaise », cette volonté d'une issue sans violence ou au moins avec le minimum d’agissements brutales possibles.



La terre natale de l'auteur est très présente dans la première partie du livre avec la découverte du village d'Ossendrecht 2, utilisé comme espace d'entraînement pour la police et les futurs médiateurs.



L'auteur pour écrire ce livre a pris le chemin de l'immersion complète fréquentant les lieux qui lui permettront de mieux comprendre la naissance et l'évolution du rôle de négociateur et l'évolution du terrorisme.



En décembre 1975 au Pays Bas, a lieu une double prise d'otage par des réfugiés Moluquois au consulat général d'Indonésie qui fait un mort et la prise en otage d'un train — la première du genre — dure treize jours. le bilan sera de trois morts. La reconstruction de cette dernière action est minutieuse et permet aussi de connaître l'histoire des Moluquois.



Après le déclin de la Compagnie de Indes Orientale Hollandaise, nombre de Moluquois intégrèrent les rangs de l'armée Néerlandaise. Ce ne fut pas sans conséquence après l'indépendance de l'Indonésie dans les années 50 quand ils tentèrent de créer une république autonome violemment combattue par l'Indonésie, alors qu'ils étaient abandonnés par les Hollandais. Une importante communauté Moluquoise Chrétienne s'enfuit aux Pays-Bas où leur situation est assez comparable à celle des Harkis en France.



Quelle récit basé sur la rencontre avec Abé Sahetapy, le terroriste qui se faisait appeler Carlos dans la prise d'otage du train de 1975 et qui, après avoir purgé sa peine, devint poète et exemple de déradicalisation, sa vie mériterait un livre qui lui soit dédié.



Le voyage se poursuit avec l'analyse des attentas de Moscou en 2002 suivi nos tout récents actes accablants perpétrés à Paris en 2015 on y voit la difficulté de négocier avec des terroristes qui ont déjà décidé que mourir est plus qu'une option.



L'écrivain nous entraine dans son investigation grâce à sa solidité journalistique mais également grâce à sa plume et sa façon brillante de nous décrire son incursion dans le monde de la parole contre la violence.



Je terminerai par une citation qui se trouve dans Les annales du Disque-Monde, tome 2 le huitième sortilège de Terry Pratchett :



« Ainsi Quimby périt-il sous les coups d'un poète mécontent au cours d'une expérience menée dans l'enceinte du palais pour prouver la justesse controversée du proverbe : « La plume est plus forte que l'épée », lequel proverbe on rectifia en sa mémoire par l'ajout de la phrase : « Seulement si l'épée est très courte et la plume très pointue »».



L'usage de la contrainte et d'interventions armées est bien évidemment parfois nécessaire et inévitable néanmoins, les émissaires de la parole, les porteurs du dialogue restent une force dont nous avons besoin.



Je crois à la supériorité du verbe, du savoir et de la tolérance sur toute forme de violence, À Paris où l'imagination fut brièvement au pouvoir en 1968, comme le dit l'auteur l'espérance d'un monde de dialogue reste présente.



Livre intéressant qui permet une réflexion importante sans jamais donner de leçons, 335 pages qui se lisent avec plaisir, je le conseille vivement.





Merci à Babelio et aux éditions

Christian Bourgois pour cette découverte !
Lien : https://blog.lhorizonetlinfi..
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Ararat

Le mont Ararat : un lieu mythique qui a tout à voir avec la religion, qui est depuis des décennies un enjeu entre des pays ennemis, le sommet qui sera le plus élevé d’Europe (5165 m) si la Turquie intègre l’Union Européenne, voilà ce qui m’a poussé à lire ce livre.

Frank Westerman fait un voyage en Arménie en 1999 comme correspondant d’un journal, à Erevan le Mont Ararat est omniprésent, « Son image se trouve sur les billets de banque, les timbres et en hologramme sur les cartes de crédit » oui mais on ne peut atteindre le sommet qui est sur le sol turc.

Elevé d’une façon assez stricte, il a reçu une éducation religieuse, il a grandi dans le respect des textes sacrés et celui du déluge est un de ceux qui dont le souvenir est vivace, il comprend donc parfaitement les arméniens qui « habitaient le pays de Noé, où pour la première fois était apparu un arc-en-ciel. Comme dans la Bible, ils croyaient qu’une arche avait existé, longue de trois cents aunes, large de cinquante et haute de trente, un bateau de sauvetage enduit de goudron dans lequel hommes et bêtes avaient survécu à l’inondation du globe terrestre tout entier »

Frank Westerman est étonné « Je ne m’étais encore jamais fait la réflexion qu’il existait des lieux bibliques que l’on pouvait tout bonnement aller visiter » et c’est ce qu’il entreprend.

La quête de l’auteur va passer par tout une série de rencontres. Scientifiques quand il retourne voir son vieux prof de math, un géologue spécialiste des éruptions volcaniques, ne pas oublier qu’Ararat est un volcan ! Sans oublier les alpinistes car l’ascension n’est pas un promenade du dimanche et exige matériel et préparation.



A la fois récit de voyage et interrogation personnelle, ce livre, entrepris au moment où l’auteur devient père, est tout à fait original. L’auteur s’interroge sur la foi qui l’a quitté, sa pratique religieuse d’enfant, ses doutes ou questions d’adulte. Il va se frotter aussi aux conflits qui sont à peine éteints aujourd’hui : la question arménienne, le conflit kurde, une petite poudrière aux portes de l’Europe.

Le récit est agréable à suivre, les rencontres de l’auteur sont empreintes de chaleur et parfois de cocasserie.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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La vallée tueuse

Entre essai journalistique et thriller, le nouvel ouvrage de Frank Westerman brille par sa rigueur, son souci du détail et, surtout, sa grande richesse littéraire, portant à la connaissance de tous, des histoires et légendes agitant, encore aujourd'hui, les eaux troubles du lac Nyos.
Lien : http://www.lesechos.fr/week-..
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La vallée tueuse

21 août 1986, aux abords du lac Nyos, dans une zone volcanique du Cameroun, une explosion, une odeur d’œufs pourris, et le lendemain, sont retrouvés morts les corps de 1800 habitant et d'innombrables têtes de bétail

25 ans après , la zone reste interdite. Faute d'une explication scientifique cohérente, les croyances se sont infiltrées, porteuses d’étranges théories en appelant à la vengeance biblique, au courroux des ancêtres, aux complots internationaux ou au génocide intracommunautaire.



Fred Weterman étudie obsessionnellement au fil des années les faits, les interprétations, interroge les survivants et les acteurs principaux de l'après, dévoile les rumeurs et les histoires. Ce récit touche-à-tout colle à l'événement et à ses suites complexes, tant à l'échelle des individus qu'à l'échelle d'un pays, mais aussi à la quête obstinée de l'auteur. Westerman captive le lecteur avec cette histoire unique, dont il révèle autant de faits avérés que d'interrogations. De portraits en digressions, il avance peu à peu selon un plan structuré (l'échec des scientifiques, l'humaine réponse des missionnaires, la fatalité assumée des autochtones.



Au-delà de ce plan organisé, j'ai pâti d'un parti-pris de fragmentation, d'allers et retours chronologiques incessants, qui donnent l'impression que Westerman a fait trois tas de rushs, mais n'a pas trouvé de chef-monteur pour les assembler dans un récit fluide. C'est très haché et ce choix de présentation nuit sans doute à une certaine progression dramatique. Il n'en demeure pas moins qu'on assiste estomaqué à ce mystère sans solution, promu au rang de mythe moderne.
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La vallée tueuse

Le fait relaté dans cet ouvrage est traité comme un fait divers de roman policier. En 1986 autour d'un lac au Cameroun des milliers d'hommes et de femmes meurent tout à coup et de manière mystérieuse de même que tous les animaux domestiques et sauvages, les oiseaux …

Des scientifiques de renoms se rendent très vite sur les lieux avec chacun une explication rationnelle des événements survenus. Cependant vingt cinq ans plus tard le mystère demeure entier. L'auteur décortique à la manière d'un policier toutes les enquêtes, toutes les hypothèses émises, toutes les histoires et légendes nées de ce fait étrange et inexpliqué. Cette très sérieuse enquête sur un fait avéré est d'une lecture passionnante car page après page et l’accumulation de constations, de résultats d'analyse, le lecteur a l'impression que la solution de l'énigme est à portée de main, enfin … et non.

Il est très intéressant de voir comment les hommes se sont emparés de ce fait pour faire naître des histoires, un mythe. Il montre également les querelles d'ego des scientifiques dont Tazieff et leurs comportements aux relents post-colonialistes.

Un livre passionnant qui a la même force d'attraction qu'un bon roman policier.
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Nous, les humains

Livre avec beaucoup de références bibliographiques citées à la fin. N’étant pas une accro ni à l’archéologie, ni aux doutes et mythes autour de l’origine de l’Homo sapiens, j’ai trouvé ce livre long et répétitif. J’aurai préféré que l’auteur livre une opinion construite et plus ou moins objective sur l’évolution (ou non) de l’Homme « animal » et sur sa prétendue « supériorité » (sujet qui est mentionnée mais du point de vue de la conscience de soi, et peu détaillée). Si vous êtes désireux de lire un livre sur l’Homo sapiens et nos origines, je vous conseils davantage les écrits de Yuval Noah Harari.
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Soldats de la parole

Frank Westerman s’intéresse à sa façon au pouvoir des mots.
Lien : https://www.ledevoir.com/lir..
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Soldats de la parole

Mélangeant souvenirs, enquête, entretiens avec d’anciens terroristes et des spécialistes de la négociation pendant la prise d’otages, Frank Westerman tente de comprendre comment s’articulent langage et terreur.
Lien : https://next.liberation.fr/l..
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Soldats de la parole

Soldats de la parole est un récit fragile, incertain. Il avance de biais, à petits coups, comme on rabote sous tous les angles un bout de bois.
Lien : https://next.liberation.fr/l..
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