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Citations de Franz Liszt (238)


Et pourtant, elle serait sacrilége la voix qui confondrait ses écarts dans un même anathème, avec les rampemens de la bassesse ou l’impudeur vantarde ! Elle serait sacrilége, car si l’action du poète a parfois menti à son chant, son chant n’a-t-il pas encore mieux renié son action ?… Son œuvre ne peut-elle pas contenir des vertus plus efficaces, que son action n’a de forces malfaisantes ? — Le mal est contagieux, mais le bien est fécond ! — Si les contemporains ont été souvent atteints d’un mortel scepticisme devant le génie en flagrant délit, devant le poète qui se vautre dans les fanges dorées d’un luxe mal acquis, devant l’artiste dont les actions insultent au vrai et outragent le bien, la postérité oublie ces méchans rois de la pensée, comme elle oublia le nom de mauvais roi qui, dans la ballade d’Ubland, méconnut le caractère sacré du barde ! Le jour vient où elle jette leur mémoire aux gémonies du non-être ! Elle ne connait plus leur histoire, pendant que, de siècle en siècle, elle abreuve de leurs œuvres sublimes, les générations qui ont la soif du Beau !
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Comment alors ne pas être affecté de la plus noble des tristesses, toutes les fois qu’on s’aheurte à un fait qui nous montre le poëte désobéissant aux inspirations des muses, ces anges-gardiens du talent, qui lui enseigneraient si bien à faire de sa vie le plus beau de ses poëmes ? Quels désastreux scepticismes, quels regrettables découragemens, quelles douloureuses apostasies, n’entraînent pas après elles les défaillances de l’artiste ? Combien y en a-t-il qui, doutant de la révélation divine, l’ignorant parfois, se rient avec un amer mépris de la philosophie humaine, et ne savent plus à quoi se fier, à qui croire, quand ils ne peuvent plus se fier aux incitations du beau, ni croire au génie !
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Avec quelle arrogante dérision le Dénigrement ne sait-il pas alors rapprocher, mettre en regard, le noble élan et l’indigne condescendance du poëte, le beau chant et la coupable légèreté de l’artiste ! Quelle supériorité ne s’adjuge-t-il pas sur les laborieux mérites des honnétes gens, qu’il considère comme des crustacés, destinés à ne connaître que les immobilités d’une organisation pauvre ; ainsi que sur les pompeux ,enorgueillis, de ces fiers stoïciens, qui ne parviennent pas à répudier, même aussi bien qu’eux, la poursuite haletante de la fortune, avec ses vaines satisfactions et ses jouissances immédiates !… Quel avantage le Dénigrement ne s’attribue-t-il pas, dans la concordance logique de ses poursuites avec ses négations ! Comme il triomphe lestement des hésitations, des incertitudes, des répugnances de ceux qui voudraient encore croire possible la réunion des sentimens ardens, des impressions passionnées, des dons de l’intelligence, de l’intuition poétique, avec un caractère intègre, une vie intacte, une conduite qui ne dément jamais l’idéal poétique !
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Le Dénigrement moqueur et cynique sait vanner l’histoire ! Laissant tomber le bon grain, il recueille soigneusement l’ivraie, pour répandre sa noire semence sur les pages brillantes où flottent les plus purs désirs du cœur, les plus nobles rêves de l’imagination. Puis, il demande avec l’ironie de la victoire : A quoi bon prendre au sérieux ces excursions dans un domaine où ne se recueille aucun fruit ? Quelle valeur attribuer à ces émotions et à ces enthousiasmes qui n’aboutissent qu’au calcul de l’intérêt, ne recouvrant que les intérêts de égoïsme ? Qu’est-ce donc que ce pur froment qui ne fait germer que la famine ? Qu’est-ce donc que ces belles paroles qui n’engendrent que des sentimens stériles ? Pur passetemps de palais, auquel s’associent le foyer du tiers-état, la veillée de la chaumière, mais où les âmes naïves prennent seules au sérieux la fiction, en croyant bonassement que la Poésie peut devenir une Réalité !…
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Aux heures déchirées où, au milieu de la tourmente du sort, le sens secret du bien et du mal, la conscience engourdie, non endormie, deviennent comme un lourd et importun trésor, capable de faire chavirer la frêle barque d’une destinée ou d’une passion si on ne les jette par dessus bord, dans l’abîme de l’oubli, nul d’entre ceux qui en ont traversé les périls n’a manqué d’évoquer, alors qu’un cruel naufrage le menaçait, des ombres et des mânes glorieuses, pour s’informer jusqu’à quel point leurs aspirations ont été vivaces et sincères ? Pour s’enquérir avec un ingénieux discernement, de ce qui chez eux était un divertissement, une spéculation de l’esprit, et de ce qui formait une constante habitude de sentiment ?— C’est à ces heures aussi que le Dénigrement , qui à d’autres momens fut écarté et chassé, reapparait. Pour le coup, il ne chôme pas ; il s’empare avidement des faiblesses, des fautes, des oublis de ceux qui ont flétri les fautes et les faiblesses : il n’en omet aucune. Il attire à lui ce butin, compulse ces faits, pour s’arroger un droit de dédain sur l’inspiration, à laquelle il n’accorde d’autre but que de nous fournir un amusement de bon-goût, un divertissement de haut-goùt, comme se les procurent les patriciens de tous les pays, dans tous les temps d’une belle et haute civilisation ! Mais, il dénie obstinément à l’inspiration du poëte, à l’enthousiasme de l’artiste, le pouvoir de guider nos actions, nos résolutions, nos acquiescemens ou nos refus.
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La jeunesse ardente a-t-elle le loisir d’interpréter les silences, de résoudre leurs problèmes ? Les battemens de son cœur sont trop précipités pour lui laisser la claire-vue des souffrances cachées, des combats mystérieux, des luttes solitaires, dont se compose quelquefois le tranquille coup-d’œil de l’homme de bien. Les âmes agitées ne conçoivent que mal les calmes simplicités du juste, les héroïques sourires du stoïcisme. Il leur faut de l’exaltation, des émotions. L’image les persuade, les larmes leur sont des preuves, la métaphore leur inspire des convictions ! A la fatigue des argumens, elles préfèrent la conclusion des entraînemens. Mais, comme chez elles le sens du bien et du mal ne s’émousse que lentement, elles ne passent point brusquement de l’un à l’autre ; elles commencent par diriger leurs regards avec une avide curiosité vers ces nobles poetes qui les ont entraînés par leurs métaphores, vers ces grands artistes qui les ont émus par leurs images, charmés par leurs élans. C’est à eux qu’elles demandent le dernier mot de ces élans et de ces enthousiasmes !
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L’exemple de la froide austérité ou du désintéressement absolu de quelques caractères rigides suffit, il est vrai, à l’admiration des natures calmes et réfléchies. Mais les organisations plus passionnées et plus mobiles, à qui tout milieu terne est insipide, qui recherchent vivement, soit les joies de l’honneur, soit les plaisirs achetés à tout prix, ne se contentent pas de ces exemples aux contours roides, qui n’ont rien d’énigmatique, rien de sinueux, rien de transportant. Tournant vers d’autres l’anxieuse interrogation de leurs regards, ces organisations complexes questionnent ceux qui se sont abreuvés à la bouillante source de douleur, jaillissante au pied des escarpemens où l’âme se construit une aire. Elles se libèrent volontiers des autorités séniles ; elles déclinent leur compétence. Elles les accusent d’accaparer le monde au profit de leurs sèches passions, de vouloir disposer les effets de causes qui leur échappent, de proclamer des lois dans des sphères où elles ne peuvent pénétrer ! Elles passent outre devant les silencieuses gravités de ceux qui pratiquent le bien, sans exaltation pour le beau.
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Aussi, l’interprète du Beau dans la poésie et dans l’art doit-il, — le mot devoir n’est-il pas synonyme de dette ? — tout comme l’interprète du Vrai et du Bien divin, tout comme l’interprète de la raison et de la conscience humaines, après avoir agi par les œuvres de son intelligence, de son imagination, de son inspiration, de ses méditations, agit* encore par les actes de sa vie ; accorder à un même diapason son chant et son dire, son dire et son faire ! Il se le doit à lui même, il le doit à son art et à sa muse, afin qu’on n’accuse point sa poésie d’être un subtil fantôme et son art de n’être qu’un jeu puéril. Le génie du poète et de l’artiste ne peut doter la poésie d’une incontestable réalité et l’art d’une auguste majesté, qu’en donnant à leurs plus hautes et plus pures aspirations la fécondité solaire de l’exemple, qui appose le sceau de la foi à l’enthousiasme de la manifestation. Sans l’exemple de l’artiste et du poète, la majesté de l’art est abaissée, raillée ; la réalité de la poésie est contestée, mise en suspicion, niée !
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1) Sur Paganini, après sa mort. à ces êtres célestes qui sont les messagers de la bonne providence. Quand le génie est départi à l’artiste et au poète, sa mission n’est pas d’enseigner le Vrai, de commander le Bien, qu’une divine Révélation a seule autorité d’imposer, qu’une noble Philosophie rapproche de la raison et de la conscience humaines. Le génie de la Poésie et de l’Art a pour mission de faire resplendir le Beau du Vrai, devant l’imagination charmée et surélevée ; de stimuler au bien par le Beau, des cœurs émus, entrainés vers ces hautes régions de la vie morale, où la générosité se change en délices, où le sacrifice se transforme en volupté, où l’héroisme devient un besoin, où, la corn-passion remplaçant la passion, l’amour dédaigne de rien demander, sachant que dès lors il trouvera toujours en lui-même de quoi donner ! L’Art et la Poésie sont donc les auxiliaires de la Révélation et de la Philosophie ; auxiliaires aussi indispensables, que l’indescriptible éclat des couleurs et la vague harmonie des tons le sont à la parfaite intégrité de la Nature !
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Il nous est arrivé de dire autrefois : Aussi bien que noblesse, génie oblige1). Aujourd’hui nous voudrions dire : Plus que noblesse, génie oblige, parce que la noblesse qui vient des hommes est, comme toute chose venue d’eux, naturellement imparfaite. Le génie v ient de Dieu et, comme toute chose venant de Dieu, il serait naturellement parfait si l’homme ne l’imperfectionnait. C’est lui qui le défigure, le dénature, le dégrade, au gré de ses passions, de ses illusions, de ses vindications ! La génie a sa mission, son nom le dit déjà en l’assimilant
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Mais, ce qui peut-être fait le plus de peine à voir, ce sont les cruels sarcasmes déversés sur leurs souffrances par ceux qui répétent : la Poème, c’est ce qui aurait pu étre… se complaisant ainsi à la blasphémer par leur coupable négation ! — Non ! — Tous les dieux l’attestent, toutes les consciences le disent, toutes les innocences l’affirment, tous les justes le prouvent, tous les repentirs le répètent, toutes les belles âmes le sentent, tous les héros en témoignent, toutes les saintetés le proclament, la Poésie n’est point l’ombre de notre imagination, projetée et grandie démesurément sur le plan fuyant de l’Impossible ! « La Poésie et la Réalité » — (Dichtung und Wahrheit) — ne sont point deux élémens incompatibles, destinés à se côtoyer sans jamais se pénétrer, de l’aveu même de Goethe qui disait d’un poëte contemporain, « qu’ayant vécu pour créer des poèmes, il av ait fait de sa vie un poëme ! » — (Er lebte dichtend und dichtete lebend.) Goethe était trop poëte lui-même pour ne pas savoir que la Poésie n’existe, que parce qu’elle trouve son éternelle Réalité dans les plus beaux instincts du canir humain. C’est là le secret que, sur ses vieux jours, le « vieillard olympien » disait avoir emmystéré — eingeheimnisst — dans ce vaste poëme de Faust, dont la dernière scène nous montre comment la Poésie, qui fut déchainée par l’imagination sur toutes les latitudes du monde, emportée par la fantaisie sur tous les domaines de l’histoire, rentre dans les sphères célestes guidée par la Réalité de l’amour et du repentir, de l’expiation et de l’intercession !
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Aussi, lorsque des exemples de malheur viennent apporter un déplorable appui aux assertions ricaneuses des « réalistes » en morale, avec quelle hâte n’appellent t ils pas les plus belles conceptions du poête, de vains simulacres !… De quelle sagesse ne se targuent-ils pas, en prêchant les doctrines savamment préméditées d’une mielleuse et farouche hypocrisie… d’un perpétuel et secret désaccord entre les discours et les poursuites !… Avec quelle cruelle joie ne citent-ils pas ces exemples aux. âmes inquiètes et faibles, dont les aspirations juvéniles, dont les convictions et la valeur décroissantes essayent encore de se soustraire à ces tristes pactes ! De quel fatal découragement celles-ci ne sont-elles pas atteintes devant les violentes alternatives, les séduisantes insinuations, qui se présentent à chaque détour du chemin de la vie, en songeant que les cœurs les plus ardemment épris de sublime, les plus initiés aux susceptibilités de la délicatesse, les plus touchés par les beautés de la candeur, ont pourtant renié dans leurs actes les objets de leur culte et de leurs chants !… De quels doutes angoissés ne sont-elles pas saisies et dévorées devant ces flagrantes contradictions !
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Beaucoup ont intérêt à connaître les transactions acceptées entre l’honneur, la loyauté, la délicatesse, et les avantages ambitieux, les* profits vaniteux, les gains matériels, acquis à leurs dépens, par ceux auxquels fut départie la belle tache d’entretenir notre foi et notre attachement aux nobles et grands sentimens, en les faisant vivre dans l’art alors qu’ils n’ont plus d’autre refuge ailleurs. Car, pour beaucoup, ces tristes transactions subies par des esprits qui savent si bien faire resplendir le sublime et si bien stigmatiser l’infamie, servent à prouver avec évidence qu’il y a impossibilité ou niaiserie à les refuser. Ils s’en prévalent pour affirmer hautement que ces transactions entre le noble et l’ignoble, entre le grand et le mesquin, entre le laid et le beau éthique, sont inhérens à la fragilité de notre être et à la force des choses, puisqu’elles jaillissent de la nature des êtres et des choses à la fois.
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On s’informe, pourrait-il en être autrement ? on cherche en quoi ces hommes, si épris du beau, ont fait différer leurs existences de celles du vulgaire ? Comment en agissait cette superbe de la poésie, alors qu’elle était aux prises avec les réalités de la vie et ses intérêts positifs ?… combien ces ineffables émotions de l’amour que le poète chante, étaient effectivement dégagées des aigreurs et des moisissures qui les empoisonnent d’ordinaire ?… combien elles étaient à l’abri de cette évaporation et de cette inconstance qui habituent à n’en plus tenir compte !… On veut savoir si ceux qui ont éprouvé de si nobles indignations, ont toujours été équitables !… Si ceux qui ont exalté l’intégrité, n’ont jamais fait commerce de leur conscience ?… Si ceux qui ont tant vanté l’honneur, n’ont jamais été timides ?… Si ceux qui ont fait admirer la fortitude, n’ont jamais transigé avec leurs faiblesses ?…
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Une curiosité naturelle s’attache à la biographie des hommes qui ont consacré de grands talens à glorifier de nobles sentimens, dans des œuvres d’art où ils brillent comme de splendides météores aux yeux de la foule, surprise et ravie.

Celle-ci reporte volontiers les impressions admiratives et sympathiques qu’ils réveillent, à leurs noms qu’elle divinise aussitôt, dont elle voudrait immédiatement faire un symbole de noblesse et de grandeur, inclinée qu’elle est à croire que ceux qui savent si bien exprimer et faire parler les purs et beaux sentimens, n’en connaissent pas d’autres. Mais à cette bienveillante prévention, à cette présomption favorable, s’ajoute nécessairement le besoin de les voir justifiées par ceux qui en sont l’objet, ratifiées par leurs vies. Quand dans ses productions on voit le cœur du poête, sentir avec une si exquise délicatesse ce qu’il est doux d’inspirer ; deviner avec une si rapide intuition ce que voile l’orgueil, la pudeur craintive, l’ennui amer ; peindre l’amour tel que le rêve l’adolescence et tel qu’on en désespère plus tard ; quand on voit son génie dominer de si grandes situations, s’élever avec calme au-dessus de toutes les péripéties de l’humaine destinée, trouver dans les enlrelacemens de ses nœuds inextricables des fils qui la délient fièrement et victorieusement, planer au-dessus de toutes les grandeurs et de toutes les catastrophes, monter vers des sommets (pie ni les unes ni les autres n’atteignent plus ; quand on le voit posséder le secret des plus suaves modulations de la tendresse et des plus augustes simplicités du courage, comment ne se demanderait-on pas si cette merveilleuse divination est le miracle d’une croyance sincère en ces sentimens, — ou bien, — une habile abstraction de la pensée, un jeu de l’esprit ?
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Mais, si parmi les hommes qui ont formé ces groupes, dont chaque membre a attiré sur lui l’attention de bien des âmes et porté dans sa conscience l’aiguillon de bien des responsabilités, il en est un qui n’a point permis à ce qu’il y avait de plus pur dans le charme naturel qui les rassemblait en un faisceau rayonnant de s’exhaler dans l’oubli ; qui, élaguant de son souvenir les fermentations dont ne sont point exempts les plus suaves parfums, n’a légué à l’art que le patrimoine intact de ses élévations les plus recueillies et de ses plus divins ravissemens, reconnaissons en lui un de ces prédestinés dont la poésie populaire constatait l’existence par sa foi dans les bons génies. En attribuant à ces êtres, qu’elle supposait bienfaisans aux hommes, une nature supérieure à celle du vulgaire, n’a-t-elle pas été magnifiquement confirmée par un grand poète italien qui définissait le génie une empreinte plus forte de la Divinité ? (Manzoni.) Inclinons nous devant tous ceux qui ont été ainsi plus profondément marqués du sceau mystique ; mais vénérons surtout d’une intime tendresse ceux qui, comme Chopin, n’ont employé cette suprématie que pour donner vie et expression aux plus beaux sentimens.
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D’entre ces lugubres revenans, combien s’en trouveraient-il en qui cette beauté et cette candeur aient eu des enchantement assez puissans et assez de céleste radiance durant sa vie, pour n’avoir pas à craindre, après qu’il eût défailli et expiré, d’être désavoué par ceux dont il avait fait la joie et le tourment ? Quel sépulcral dénombrement ne faudrait-il pas commencer pour les évoquer un à un, en leur demandant compte de ce qu’ils ont produit de bon et de mauvais, dans ce monde des cœurs où il leur fut donné si libéralement accès et dans le monde où régnaient ces cœurs, qu’ils ont embelli, bouleversé, illuminé, dévasté, au gré de leurs hasards ?…
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Après avoir nommé celle dont l’énergique personnalité et l’impérieuse fascination inspirèrent à la frêle et délicate nature de Chopin, une admiration qui le consumait comme un vin trop capiteux détruit des vases trop fragiles, nous ne saurions faire sortir d’autres noms de ces limbes du passé dans lequel flottent tant d’indécises images, d’indécises sympathies, de projets incertains, d’incertaines croyances ; dans lequel chacun de nous pourrait revoir le profil de quelque sentiment né inviable ! Hélas ! De tant d’intérêts, de tendances et de désirs, d’affections et de passions, qui ont rempli une époque durant laquelle ont été fortuitement rassemblées quelques hautes âmes et lumineuses intelligences, combien en est-il qui aient possédé un principe de vitalité suffisante pour les faire survivre à toutes les causes de mort qui entourent à son berceau chaque idée, chaque sentiment, comme chaque individu ?… Combien en est-il dont, à quelque instant de leur existence, plus ou moins courte, on n’ait pas dit ce mot d’une tristesse suprême : Heureux s’il était mort ! Plus heureux s’il n’était pas né ! De tant de sentimens qui ont fait battre si fort de nobles cœurs, combien en est-il qui n’aient jamais encouru cette malédiction suprême ? Il n’en est peut-être pas un seul qui, s’il était rallumé de sa cendre et sorti de son tombeau, comme l’amant suicidé qui dans le poëme de Mickiewicz revient au jour des morts pour revivre sa vie et ressouffrir ses douleurs, pourrait apparaître sans les meurtrissures, les stigmates, les mutilations, qui défigurèrent sa primitive beauté et souillèrent sa candeur ?
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C’est dans l’accoutumance de ces tête-à-tête avec la création qui font l’attrait et la grandeur de la vie de campagne, qu’on ravit à la Nature, en même temps à l’Art, le mot caché dans les harmonies infinies de lignes, de sins, de lumières, de fracas et de gazouillemens, d’épouvantes et de voluptés ! Assemblage écrasant qui, affronté et sondé avec un courage que n’abat aucun mystère, que ne lasse aucune lenteur, laisse quelquefois apercevoir la clef des analogies, des conformités, des rapports de nos sens à nos sentimens et nous permet de simultanément connaître les ligamens occultes, qui relient des dissemblances apparentes, des oppositions identiques, des antithèses équivalentes, ainsi que les abîmes qui séparent, d’un étroit mais infranchissable espace, ce qui est destiné à se rapprocher sans se confondre, à se ressembler sans se mélanger. Avoir écouté de bonne heure les chuchotemens par lesquels la nature initie ses privilégiés à ses rites mystiques, est un des apanages du poète. Avoir appris d’elle à pénétrer ce que l’homme rêve lorsqu’il crée à son tour et que, dans ses œuvres de toutes sortes, il manie comme elle les fracas et les gazouillemens, les épouvantes et les voluptés, est un don plus subtil encore, que la femme poëte, possède à un double droit : de par l’intuition de son cœur et de son génie.
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D’entre nous, celui qui paraissait le plus près de la tombe, le vieux Niemcevicz, écoutait avec une gravité morne, un silence et une immobilité marmoréennes, ses propres Chant* historiques, que Chopin transformait en dramatiques exécutions pour ce survivant des temps qui n’étaient plus. Sous les textes si populaires du barde polonais, on retrouvait le choc des armes, le chant des vainqueurs, les hymnes de fêtes, les complaintes des illustres prisonniers, les ballades sur les héros morts !.. Ils remémoraient ensemble cette longue suite de gloires, de victoires, de rois, de reines, de hetmans… et le v ieillard, prenant le présent pour une illusion, les croyait ressuscités, tant ces fantômes avaient de vie en apparaissant au dessus du clavier de Chopin ! — Séparé de tous les autres, sombre et muet, Mickiewicz dessinait sa silhouette inflexible. Dante du Nord, il paraissait toujours trouver— « amer le sel de l’étranger et son escalier dur à monter… » Chopin avait beau lui parler de Grazyna et de Wallenrod, ce Conrad demeurait comme sourd à ces beaux accens ; sa présence seule témoignait qu’il les comprenait. Il lui semblait, à juste titre, que nul n’avait droit d’en exiger plus de lui !.. Enfoncée dans un fauteuil, accoudée sur la console, Mme Sand était curieusement attentive, gracieusement subjuguée. Elle donnait à cette audition toute la réverbération de son génie ardent, qu’elle croyait doué de la rare faculté réservée à quelques élus, d’apercevoir le beau sous toutes les formes de l’Art et de la Nature. Ne pourrait-elle pas être cette seconde vue, dont toutes les nations ont reconnu chez les femmes inspirées les dons supérieurs ? Magie du regard qui fait tomber devant elles l’écorce, la larvé, l’enveloppe grossière du contour, pour leur faire contempler dans son essence invisible l’âme du poète qui s’y est incarnée, l’idéal que l’artiste a conjuré sous le torrent des notes ou les voiles du coloris, sous les inflexions du marbre ou les alignemens de la pierre, sous les rhythmes mystérieux des strophes ou les furieuses interjections du drame ! Cette faculté n’est que vaguement ressentie par la plupart de celles qui en sont douées ; sa manifestation suprême se révéle dans une sorte d’oracle divinatoire, conscient du passé, prophétique de l’avenir ! De beaucoup moins commune qu’on ne se plaît à le supposer, elle dispense les organisations étranges qu’elle illumine du lourd bagage d’expressions techniques, avec lequel on roule pesamment vers les régions esotériques qu’elles atteignent de prime-saut. Cette faculté prend son essor, bien moins dans l’étude des arcanes de la science qui analyse, que dans une frequente familiarité avec les merveilleuses synthèses de la nature et de l’art.
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