"Les émotions humaines sont faites de marées, hautes ou basses, et suivent des flux et des reflux qu'il est bien difficile de comprendre, toutes ces variations du coeur, toutes ces humeurs me désarçonnaient toujours."
Le mot "Ailleurs" était interdit, considéré comme une insulte, un blasphème.
- Ressemble à un voleur ! commenta Mourf.
- Je ne vais rien voler, protestai-je, je ne suis pas un voleur.
- Si, voleur de secret, plus grave encore...risque la mort !
Il faut bien l'avouer, il y a pitwak et pitwak. Certains deviennent de bons compagnons, pour la vie, si on s'en occupe bien, mais d'autres vous font des misères, et on est obligé de s'en débarrasser.
Celui que je reçus à mon anniversaire était plutôt de la deuxième catégorie. Il était imparfait, imprévisible, susceptible, coléreux et, en plus, même pas beau.
(...) c'est la fin du monde, mais rassure-toi, ce n'est pas la première. Et malheureusement, il y aura d'autres fins du monde, nous ne sommes pas grand-chose dans ce vaste univers, car l'Ailleurs est immense, tu sais...
Je songeai aux problèmes mathématiques proposés par mon maître à l'école. En fait, ils avaient tous déjà des résultats trouvés par d'autres, tout mystère ainsi soulevé en classe avait d'avance sa solution. Je découvrais à présent qu'il n'en était rien dans la vie. Parfois il n'y avait pas de réponse à nos questions et nous devions vivre avec ça.
Bien qu'il fût aveugle, j'avais l'impression de travailler sous son regard, et son ouïe était à ce point aiguisée qu'elle remarquait tout, et mieux que ne l'eût fait une bonne paire d'yeux. Il me semblait même que son écoute s'infiltrait dans mes moindres souffles, qu'elle déchiffrait mes soupirs, discernait derrière mes intonations, ce que je tentais de dissimuler. Plusieurs fois je crus même qu'il entendait mes pensées les plus secrètes.
L'eau ! Keraël en était dépourvue mais les aëls, les anges du ciel, nous en envoyaient régulièrement. Oui, l'eau était précieuse, et le bois aussi, car les arbres n'existaient pas chez nous. Nul, même parmi nous, ne savait ce qu'était un arbre. On connaissait les buissons dont se nourrissait le bétail, les herbes rases autour de la ville, les longues herbes sèches du désert avec lesquelles nos mères vannaient, les fleurs que l'on faisait pousser, mais pas les arbres ! Le mot même était inconnu.
Les émotions humaines sont faites de marées, hautes ou basses, et suivent des flux et des reflux qu'il est bien difficile de comprendre ; toutes ces variations du coeur, toutes ces humeurs me désarçonnaient toujours.
Nous cherchions toujours à avoir du sens dans les choses, à découvrir une raison secrète. La vérité en fait était que rien n'avait de sens sauf celui que nous-mêmes nous lui donnions. Nous interprétions le moindre événement selon nos désirs, nos croyances.