AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Frédéric Rousseau (4)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
L'enfant juif de Varsovie. Histoire d'une p..

Qui n'a pas déjà vu une fois cette photographie en noir et blanc de ce jeune garçon, vêtu d'un manteau et d'une casquette, avancer les mains en l'air, sous le regard de soldats allemands armés ?



Sa datation est imprécise mais l'événement auquel elle appartient est clairement identifié : la prise et de la destruction du ghetto de Varsovie par les troupes allemandes en avril et mai 1943.



Cette photographie a une histoire bien singulière. Elle a été trouvée après guerre dans un rapport rédigé par celui qui mena les opérations d'attaque du ghetto, le général SS Jürgen Stroop. Ce cliché figurait parmi de nombreux autres et portait le n°14 avec pour légende : "Extraits de force des bunkers".



Dans son livre, Frédéric Rousseau, reprend une à une les cinquante-quatre photos que compte le rapport et en fait un récit très instructif. Il retrace par le détail le soulèvement des mouvements juifs de résistance du ghetto de Varsovie durant les mois d'avril et mai 1943 et la répression terrible des troupes SS qui s'ensuivit. Si nul aujourd'hui n'oublie tout à fait le sort tragique des Juifs d'Europe durant la Seconde guerre mondiale, on connait peu ce que fut l'attention portée à tous ceux et celles qui furent déportés et exterminés dans les camps. Si les mouvements de résistance juifs furent élevés au rang de véritables héros, la mémoire des victimes des camps fut durant de nombreuses années mise de côté. Jugées passives, incapables de se battre contre leur sort, leur mémoire fut reléguée y compris par le pouvoir du tout jeune État d'Israël.



C'est au milieu des années 50, que les travaux d'historiens et d'intellectuels (je cite les exemples en France du film "Nuit et brouillard" d'Alain Resnais sorti en 1955 et en Allemagne, du livre événement "Der belge stern" (l'Étoile jaune) de Gehrard Schoenberner, ouvrage édité en 1960, qui retracent tous les deux la destruction des Juifs d'Europe dans les camps) vont aller à l'encontre de cette tendance.



C'est aussi l'arrestation du haut fonctionnaire nazi Adolf Eichmann en mai 1960 et son procès retentissant à Jérusalem l'année suivante qui va éveiller les consciences et faire naître le travail de mémoire, s'écrire l'histoire et l'hommage de toutes les victimes disparues et des rescapés des camps de concentration et d'extermination.



C'est dans cette nouvelle approche de l'Histoire et de sa mémoire que va surgir des archives la photo de ce jeune garçon du ghetto de Varsovie. Jusque là occulté, oublié, ce cliché pris par un soldat nazi va, presque à elle seule, incarner le destin tragique des Juifs arrêtés et déportés. Souvent utilisée pour illustrer des couvertures de magazines, des films documentaires, des manuels scolaires, des expositions, reprise par des artistes, etc. Si elle porte en elle un évident sentiment de compassion, elle est paradoxalement totalement dépouillée de son histoire, de sa singularité.



Dans "L'enfant juif de Varsovie", Frédéric Rousseau rétablit cette part défaite, oubliée de cette photographie, en fait le récit particulier mais interroge aussi notre rapport aujourd'hui sur le sort des Juifs arrêtés et déportés dans un monde actuel dominé par les images.



Fasse que la connaissance soit toujours plus forte que l'oubli. Ce livre y contribue grandement.



A lire vraiment.
Commenter  J’apprécie          140
La guerre censurée. Une histoire des combatta..

Comment ont-ils tenu? La question est centrale : quatre ans de boucherie, des morts par millions, et jour après jour, ça continue. Cela semble absurde. Première réponse évoquée : le patriotisme. Mais une notion aussi abstraite que celle de patrie ne suffit pas pour affronter la mort au quotidien. Il faut autre chose. Les témoignages recueillis dans ce livre écornent le mythe. Si les hommes ont tenu, s'ils ont accepté de faire la guerre si longtemps, c'est d'abord parce qu'on les y forçait. Celui qui hésitait était un homme mort : procès expéditif ou exécution sommaire, voilà son sort. Mais la coercition ne suffisait pas pour tenir. La dépression, la folie et le désespoir rôdaient dans les corps des camarades tués. Si on continuait le combat, c'était aussi pour eux, pour que leur sacrifice n'ait pas servi à rien. Mais les nobles sentiments flanchaient eux aussi. Pour continuer quand même à affronter le front, il restait deux drogues, l'alcool et les putes. Loin de l'héroïsme traditionnel, ce livre montre que l'ensemble des armées européennes abusaient de mauvais alcool pour se donner un semblant de courage. Il montre aussi que les hommes, que leurs chefs n'avaient pas pu réduire au rang de bêtes de somme, devait satisfaire leurs pulsions. Partout pullulèrent les bordels de campagne, les files d'attentes, l'expédition de la chose, la syphilis. Bref, si les hommes ont tenu, c'est parce qu'ils étaient des hommes, avec tous les hauts et les bas que cela implique. La guerre les a transformés, les a détruits, les a marqués à vie, mais elle ne les a pas déshumanisés. Faut-il s'en réjouir?
Commenter  J’apprécie          100
14-18, le cri d'une génération

Typologie des écrits des combattants de la Grande Guerre, histoire de leur publication et de leur utilisation par les historiens, ce sont les trois parties qui composent cet ouvrage. Mais il ne fait que 155 pages, illustrées et écrites gros : jamais les auteurs ne peuvent creuser ni approfondir leur étude. Cependant, la synthèse est bien faite et les citations bien choisies.



La première partie se résume ainsi à la présentation en quelques lignes des journaux de tranchées, carnets… rédigés par les soldats de la guerre de 1914-1918. C’est intéressant (notamment lorsque les auteurs soulignent l’importance et l’intérêt de la réécriture souvent faite de ces carnets, après la guerre, pour les rendre « lisibles ») mais un peu rapide. La deuxième partie montre l’évolution de l’accès à ces textes rédigés par les poilus, la manière dont ces témoignages ont été publiés, le déni et la révolte. Elle présente notamment le rôle trop peu connu joué par des auteurs comme Gabriel Hanotaux ou Jean Norton Cru. La troisième partie, plus historiographique, est déjà, malheureusement, datée, car la manière dont les historiens étudient la Grande Guerre a beaucoup évolué depuis la parution de cet ouvrage, en 2001.



Un essai qui montre tout l’intérêt et la richesse des témoignages des poilus mais dont l’analyse historiographique reste trop superficielle.

Commenter  J’apprécie          20
La guerre censurée. Une histoire des combatta..

L’auteur est un historien, et a donc traité son sujet avec rigueur. Quel sujet ? Sa problématique repose sur une chose : comment les soldats européens, entraînés dans un terrible conflit, ont-ils tenus ?

Car pour l’auteur, un des aspects les moins traités est le moral des soldats. Ce qui implique pour le connaître de lire leurs correspondances, leurs journaux intimes et leurs romans. L’auteur va tout passer en revue, la bibliographie est bien fournie. Il rappelle bien qu’un soldat, pour l’armée, ça se dresse. Ce n’est plus un citoyen, pour les armées de ce temps, mais un outil faisant la guerre. Le soldat est déshumanisé.

C’est une des premières choses que la plupart ont dû mal à vivre, n’être traité que comme du bétail. C’est une caractéristique très forte chez les Français, éduqués dans le culte de la République et de l’égalité entre les citoyens. Or, à l’armée, un soldat ne vaut pas un officier. Au-delà du grade de capitaine, l’officier est nettement moins exposé au feu. Le corpus littéraire de l’auteur a de nombreux écrits de sous-officiers, ou d’officiers, n’allant pas au-delà du grade de capitaine (comme un certain De Gaulle). Le besoin d’écrire des combattants leur permet d’exorciser leur quotidien. Et par le courrier, ils conservent le lien avec leurs proches, avec le monde de l’arrière, le monde normal. Cela implique plusieurs choses dans l’étude : les soldats savent que la censure peut les lire, les soldats se veulent souvent rassurant pour leurs proches, enfin ils sont assez patriote dans leur courriers. Pourquoi cette dernière précision ?

Car ce sens du devoir est cultivé par la propagande à l’arrière, et s’il ne veut pas être incompris des siens, le soldat doit leur parler de ce qu’ils peuvent comprendre. Ce qui explique aussi la grande difficulté de dire l’indicible : l’horreur des combats. Notamment, les cas où un soldat relate avoir tué un ennemi, décrit même ce combat, son peu nombreux. Il y a un tabou à parler des tueries, du meurtre. Le soldat à besoin de cette correspondance, et il la garde avec elle et meurt avec elle : après la bataille, les paquets de lettres s’envolent.

Le soldat a besoin d’être informé, et il souffre énormément d’être conduit à l’aveugle, recevant ordres et contre-ordres (les pires moments sont lorsque l’heure de l’attaque est retardée, et que l’on attend…). Le soldat est conscient des besoins du secret de l’état-major, mais il ne supporte pas qu’on ne lui dise absolument rien. Surtout quand se sont des hommes faits, détestant être infantilisés. Pourtant des hommes comme Joffre insistent auprès de leurs officiers pour qu’ils causent à leurs hommes, on sait que le moral est important. Rommel note que des hommes informés d’une situation périlleuse donnent souvent le meilleur d’eux-mêmes au lieu de chercher à fuir, comme on semble trop souvent le croire. Fuir, le soldat le souhaite pourtant : fuir les massacres, cette mort sans gloire, brisant tous les mythes de la guerre. Alors on maintient le soldat sous oppression : on fusille les déserteurs (on hait le gendarme qui ratisse derrière les lignes), et surtout, en plein combat, on tire sur ceux qui fuient. Comment tiennent-ils ? Que par la peur des sanctions ?

Les soldats attendent beaucoup d’un chef, leur chef : c’est une lourde responsabilité. Qu’ils ne se montrent pas digne, et on l’abandonnera blessé sur le champ de bataille. Pourtant le courage est là. C’est dû au sentiment national, un fervent patriotisme ? C’est plutôt l’orgueil, l’esprit de corps : on tient pour les camarades, on lutte pour que les morts ne soient pas tombés pour rien. On se sait toujours sous le regard d’un autre. On ne veut pas être un lâche. Surtout qu’un lâche, un planqué, personne ne l’aidera en cas de problème. Pour survivre, le soldat à besoin de son groupe. Ce qui rend les deuils des camarades encore plus durs. Et la religion ?

On assiste nombreux aux messes, mais c’est pour le spectacle, et voir des femmes. Car la peur semble plus forte que la foi. On a peur, tout le temps, surtout la nuit : on s’oublie sur soi, on claque des dents, etc. Mais la peur, du moment que l’on fait face, fait le poilu, affranchit le bleu. N’importe qui peut craquer, même Jünger, pourtant apologue de la guerre. Ceux qui ne peuvent surmonter leur peur, qui se réfugient dans le mutisme, se coupent du monde, la médecine les réveille à grands renforts d’électrochocs.

En Autriche, il y aura tout un procès, où Freud viendra prôner la psychanalyse plutôt que l’électricité. Car le résultat, tous les médecins en conviennent : un type requinqué à coup de jus n’est plus en état. Il va remonter en ligne, mais la peur de l’hôpital va céder devant la peur du front.

L’auteur relate les cas de soldats pétant les plombs, ou courant au suicide, voir se suicidant : la vie du soldat n’est plus une vie, ils choisissent la mort. En plus de la peur d’être tué, il faut rappeler que c’est une guerre de charnier : il y a des cadavres partout, on creuse parfois des abris sous des cimetières de fortunes… Il n’y a plus d’hommes, plus que des charognes, des rats, des corbeaux et des mouches. Et les blessés gémissent, pleurent.

La guerre use. Si un soldat maintenu au front acquiert l’expérience et la connaissance du terrain, il s’épuise physiquement. Le soldat attend sa permission, quand elle est reportée c’est terrible. Le soldat se plaint des exercices réguliers en permission. Car l’état-major à peur que les hommes prennent goût à la paix, on les dégoûte du repos, à les fatiguer même. Pourtant, il faut bien reprendre des forces.

Dans sa déprime le soldat pense aux femmes. L’absence, l’abstinence est cruelle. On idéalise les femmes que l’on connaît, inversement on méprise la putain qui se donne, qui assouvit le soldat. Car si on se bat pour les femmes, orgueil masculin, elles sont aussi des planquées. La prostitution, on n’a que peu de documents militaires… mais beaucoup de témoignages de médecins. Car les maladies vénériennes déciment les troupes. Mieux, les gars cherchent les filles infectées, payent plus chers, pour qu’on les envoie à l’hôpital. La maladie vaut mieux que le front. Alors les armées organisent des bordels, où ils vérifient les filles, tout en faisant la chasse aux prostituées clandestines (surtout dans les gares, où l’attente est longue). Pourquoi y a-t-il autant de femmes qui se vendent : la misère.

La guerre fragilise le tissu social, celle qui viennent glaner quelques sous comme lavandières, ravaudeuses auprès des deuxièmes lignes, ne gagnent pas assez. Les jeunes soldats se dépêchent de perdre leur virginité, ils ne veulent pas mourir sans avoir connu de femmes. Mais le drame de l’éjaculation ante portas est récurrent. Car on attend en longue file devant la porte. Les femmes ne sortent pas grandies de la guerre, car les hommes au front n’en sont devenus que plus brutaux. Si le ton de l’auteur est parfois trop enjoué quand il parle de l’intérêt d’entretenir le moral du soldat pour le garder combatif, il compatit tout de même aux horreurs.

Et une chose est certaine : ce n’est pas l’amour de la patrie qui a fait tenir ou fait gagner. C’est le besoin de survivre coûte que coûte, notamment à l’encontre d’un dressage inhumain.
Commenter  J’apprécie          20


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Frédéric Rousseau (41)Voir plus

Quiz Voir plus

La Bible

Quel était le vrai prénom de l'apôtre Pierre?

Ben, Pierre!
Simon
Jésus
Joseph

12 questions
523 lecteurs ont répondu
Thèmes : ancien testament , nouveau-testament , antiquité , histoireCréer un quiz sur cet auteur

{* *}