DEMENTIA - Éditions Les Occultés.
Anthologie sur le thème de la folie - Sortie Octobre 2016. 11 auteurs pour les Éditions Les Occultés: John Steelwood Stephane Mortimore Jon Ho Leo Kennel Jeanne Sélène Gabrielle Staelens Christophe Esnault Françoise Grenier Droesch Chris Vilhelm Hélène Duc et Soly Sombra.
"Je me souviens quand on était ados, sa mère l'engueulait tout le temps parce qu'elle laissait moisir ses fringues dans son sac de piscine... . Toutes les semaines, c'était la même rengaine : " Tu sais, Lydie me prend vraiment pour sa bonne, elle balance son sac dans la buanderie, et trois jours après, elle me réclame son maillot de bain ! J'ai décidé de ne plus lui faire, blablabla". Je me mets à rire, faudrait pas que X soit un maniaque du rangement ou pire un gars aussi bordélique qu'elle, sinon, on est bon pour appeler les bonnes femmes de l'émission à la télé, où elles arrivent avec une équipe pour tout ranger quand la baraque est déclarée zone sinistrée. "
Ernest connaît l'inventaire dangereux de l'antre de son père. Il comptait les objets pour supporter les coups. Il souffrait moins. ça passait plus vite. Là- dedans, on l'a presque battu à mort pendant des années. On lui a fait manger des excréments, des cadavres de bestioles. Les seuls souvenirs qu'il possède ici sont maculés de sang, et les preuves y dorment encore.
Thomas se faisait un sang d'encre. Sa petite amie, Claire était partie en vacances avec Léa, sa meilleure copine. Comme à chacun de leur voyage, il attendait patiemment qu'elles daignent appeler. Il savait très bien qu'elles profitaient de leurs escapades et que, parfois, elles ne parvenaient pas à téléphoner. Pas évident de garder son réseau à l'autre bout du monde ! Il avait donc l'habitude des longs silences, mais avec cette histoire de touristes démembrés, Thomas n'était pas du tout rassuré. Aux dernières nouvelles, elles avaient annoncé se trouver à Xochimilco, l'endroit même du massacre… Il y avait fort à parier qu'elles grimperaient forcément sur l'une de ses barques tôt ou tard, et il désirait simplement les entendre pour leur dire de faire attention…
- Donc, pour vous Dieu n'existe pas...
- Pas plus que le Père Noël.
- Ne le dites pas à ma mère, elle vous tuerait !
Elle rit. Je ne pus m'empêcher d'apporter les preuves d'une quelconque existence.
- Et les tables de la loi, dans ce cas, qui les a frappées?
- Un mythe, écrit par des hommes pour des hommes, un peu comme le règlement scolaire du lycée! Pour éviter les débordements, l'anarchie, le chaos... Pour contrôler la population.
- La Bible est une série d'histoires?
- Mickael, tu penses sincèrement que l'éclatement de la Tour de Babel est responsable de la multitude de langages sur la planète?
"Bilan de ma journée : j'ai parlé à cinq personnes depuis mon retour, et comme d'habitude, je n'ai pu parler à personne, puisqu’il me faut toujours les écouter et répondre à toutes leurs questions... Impossible de glisser mes impressions, mon avis, ou de raconter un événement, il faut toujours parler vite, de tout, très vite... De toute façon, je vois pas pourquoi j'aurais besoin de parler, hein... de raconter mon histoire débile avec Francis, après tout, ce type, je ne le reverrai jamais de ma vie, alors, à quoi bon ?"
Il tranche des morceaux de viande saignante dans son assiette avant d'y piquer sa fourchette, les yeux exorbités. Du jus rouge et brûlant gicle dans la porcelaine. Il se lèche les babines à l'odeur du mets.
Ernest Frisch enfourne une première bouchée entre ses lèvres charnues et savoure. Il mastique lentement, c'est important pour la digestion, et puis, il compte bien profiter de cette sensation apaisante le plus longtemps possible. Le congélateur est vide !
Il va devoir repartir à la chasse avant que ses pulsions ne le reprennent. Avant que les hallucinations ne reviennent. Avant que les voix ne l'assaillent à nouveau. Car, lorsque le manque l'envahit, il perd complètement les pédales. S'il commet des erreurs, la viande abattue n'a pas ce parfum de perfection. La chair est dure et il faut la faire mijoter des heures pour l'attendrir. Il est obligé d'ajouter des épices et ça le désole !
Décider des silences
Sans doute un rêve qui se brise,
un peu son coeur qui se divise,
lorsque qu'elle à vidé sa valise,
Et lui, défroissé ses chemises...
Sans doute la flamme qui s'éteint,
d'avoir trop brûlée sous son sein,
Sans doute ce qui est beau a fuit
Elle danse encore, il l'oubli...
Décider des silences,
Déchirer tous les mots,
Soumettre sa méfiance,
Pour exiler ses maux...
Exprimer ses regrets,
Subir l'indécision,
Pleurer à l'imparfait,
Laissé à l'abandon...
Et Vouloir abattre les murs,
que donne l'indifférence,
S'habiller d'une
pour combattre une absence...
Sans doute un poids qui disparaît,
lorsque son sac est bien vidé,
Sans doute que la rancoeur en fait,
Cache toujours la vérité...
texte paru dans une publication de poésie "slam" en novembre 2007
"Comment on fait pour filer à l'anglaise d'un hôtel de luxe ? J'assomme la femme de ménage ? Je simule un infarctus à la réception ? Je suis mal barrée, ils ont sûrement un papier à moi en bas. Je panique. J'ai envie de hurler, je hurle, tiens, voilà, je jette tout ce qu'il y a sur le lit en hurlant comme une dingue, jusqu'à ce que la porte d'entrée de la suite s'ouvre dans un fracas de tous les diables. On vient de défoncer la porte, je suis là debout au milieu de la chambre avec un oreiller dans la main, les cheveux en l'air, rouge de rage, de honte et de peur. Comme c'est trop pour moi, je m'évanouis."
Il tranche des morceaux de viande saignante dans son assiette avant d'y piquer sa fourchette, les yeux exorbités. Du jus rouge et brûlant gicle dans la porcelaine. Il se lèche les babines à l'odeur du mets.
On ne peut pas affirmer la préméditation, malgré la dislocation pointue. Un boucher? Un chasseur? Un toubib? Des tas de métiers correspondraient volontiers à cette dépersonnalisation.