Citations de Geneviève Jannelle (50)
Ce roman de nous. (...) Je ne savais pas trop quelles étaient mes intentions ou ma démarche. Simplement que ce que nous avions vécu devait exister en dehors de moi. Après moi.
Je ne pouvais pas savoir qu'elles étaient moi avions tout faux. Que ce n'était pas ta famille que tu voulais me cacher, mais ce qu'elle révélait de toi. Que ce n'était pas moi que tu rentrais; tu repoussait plutôt le moment d'affronter mon rejet, à moi.
J'avais dû afficher trop de certitude. Le bonheur prolongé, ou l'absence de difficultés majeures, a souvent cet effet là sur les gens: ils sont convaincus d'avoir trouvé la recette, croient que leur balloune restera gonflée à tout jamais. J'avais péché par excès de confiance, cru que tout m'appartenait, que j'aurais toujours à mes côtés un homme pour m'aimer. L'amour à perpétuité. Peut être même cru que je le méritais
Dans chaque pièce, des miettes de lui.Et mon cœur comme un aspirateur .
" Une connerie " ?
T'appelles ça une connerie ?
La fois où t'étais paquetée pis que t'as sur Grande Allée à poils ça, c'était une connerie .
Se découper comme un apprenti boucher pis gober assez de pilules pour tuer un cheval,ça dépasse UN PEU la catégorie connerie, c'est Estelle Saint-Brie à marde !
Cet amour unique et chaud qui me faisait vivre, vibrer et respirer, exister, je ne le retrouverai pas. Ma quête est vaine. Pendant près de neuf ans, je n’ai été qu’une aimée et, aujourd’hui, me voilà à tenter de collectionner mon homme comme une aimante. Depuis des mois, je me prends pour une conne. Je me mens.
La vie peut parfois être d’une insupportable ironie. Il y a des filles qui cherchent, qui chassent, dans les bars et sur Réseau Contact, dans le bus, au gym, au marché ou à l’urgence; elles traquent le bon et ne le trouvent jamais. Et il y a celles qui le trouvent sans s’y attendre, alors qu’elles ont la bouche pleine de crème glacée au cari, pour se le faire ensuite écrabouiller par un pick-up.
Accessoirement, ces dernières découvrent parfois ensuite qu’elles sont enceintes du défunt.
La vie se rit de nous. À gorge déployée.
La fibre maternelle, c’est comme la pomme d’Adam: je suis née sans.
Faire l’odeur, c’était presque comme cuisiner la recette.
Une personne ne peut sentir sa propre odeur.
Mettre en mots le fond de son âme pour cet homme qu’elle aimait et dont elle s’était coupée à défaut de savoir s’ouvrir à lui. Ces noms sur la liste cachaient des hommes qui avaient su effacer le sentiment de n’être que la poupée de Laurent, sa petite chose gentille. Ils avaient fait d’elle une femme.
Comment exprimer à cet homme son désir d’être femme? Une femme en vie. En chair. Une femme que l’on peut toucher non pas comme une porcelaine sacrée, mais comme un corps chaud, avec ses fluides et ses frissons, ses zones folles et ses envies de douleur. Ses os broyables, ses muscles contractés, ses spasmes involontaires.
On humait et on désirait. De la lingerie aussi efficace pour les yeux que pour le nez. Le produit de marketing olfactif par excellence. Laurent avait vu la réaction de la gent masculine dans la salle, le léger malaise, la jambe qui se croise, les raclements de gorge et les tentatives de garder un visage impassible.
Le chasseur en l’homme demeurait perpétuellement sollicité, titillé. C’était tout simplement génial; la collection complète représentait la femme libérée, disposant librement de son corps, de son sex-appeal. Et toute cette comédie se passait au niveau olfactif. Du grand art. Dans un autre contexte, Laurent aurait salué l’audace, la perfection du concept, aurait ovationné ces odeurs que l’on n’apprécierait pas parce qu’elles «sentaient bon», mais plutôt pour ce qu’elles provoquaient, en dedans. Des phéromones pures. Quelque part aux tréfonds du ventre, de la tête, on absorbait ces émanations et une part primaire de soi répondait.
Sur la perfection de Sofia, tout extra avait l’air superflu. Plus elle se vêtait simplement, laissant toute la place à sa beauté, plus celle-ci était frappante. Comme une lumière forte qui, recouverte, ne pouvait être qu’affaiblie.
Les dessous qui se devinent à l’odeur. Promesse odorante de récompense pour certains yeux privilégiés, aguichage cruel pour d’autres, qui ne dépasserait pas l’olfactif.
Gagner sans l’avoir réellement désiré, alors que des millions de propriétaires de billets priaient, les mains jointes, serrées sur leur espoir: quelle ironie de la vie.
C’était là le geste le plus méchant dont Laurent fut capable envers son amoureuse adultère: la traiter de putain à travers un plat cuisiné pour elle avec amour, enfouir son insulte dans la sauce, l’ensevelir sous une pluie d’olives tranchées. Lancer une tomate sur un tank.
Mieux valait être deux cloportes qu’un papillon seul.
Sofia aussi avait repris sa place. Joli boomerang humain au bois plus lisse, d’une essence plus rare que les autres.