- Faut dire que toi, père bien aimé [Staline], à toi tout seul, t'en as fait plus qu'il n'en faudrait pour faire rêver deux Hitler. (p.104)
Toute faute devait être punie même la plus vétille: c'était là une règle qu'il avait bien assimilée au cours de son existence de chien et il n'y avait jamais vu d’exceptions. (p.57)
Les maîtres suivaient, eux aussi, un dressage spécial pour apprendre comment se comporter avec les détenus: tout à fait comme les chiens! (p.28)
On eût dit que les habitants des baraques avaient, en masse, pris la clé des champs et que les maîtres s'étaient jetés à leur poursuite, mais si vite qu'ils n'avaient pas eu le temps de prendre les chiens avec eux. Et, sans chiens, ça ressemble à quoi, une chasse à l'homme ?
Et maintenant il fallait qu'à eux deux, le maître et Rouslan, ils rattrapent tout ce beau monde et le ramènent au bercail : tout ce troupeau puant, hurlant, fou furieux.
Tenaillé par une angoisse et une peur qui lui glaçaient le coeur, il scruta le visage du maître. Là aussi, quelque chose clochait : son dos s'était voûté d'une façon insolite, il jetait à la ronde des regards maussades, et au lieu de tenir sa main à la bretelle de sa mitraillette, il l'avait frileusement fourrée dans la poche de sa capote. Lui aussi se sent le coeur glacé, pensa Rouslan. Rien d'étonnant, avec ce qui les attendait aujourd'hui ! Il se serra contre la capote du maître, se frotta contre elle - pour lui dire qu'il comprenait tout, qu'il était prêt à tout, même à mourir s'il le fallait. Il ne lui était encore jamais arrivé de mourir, pourtant il savait comment la vie quittait les hommes et les chiens. Il n'y avait rien de plus terrible. Mais, avec le maître, c'était autre chose : il tiendrait le coup. Seulement voilà, celui-ci n'avait pas remarqué qu'il le touchait, il ne lui avait pas répondu par des encouragements, ne lui avait pas mis la main sur le front, comme toujours en pareil cas ; et ça, c'était vraiment mauvais signe.