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Citations de Giosuè Calaciura (106)


Ils passèrent devant les cageots de fruits surveillés par des centenaires en train de déguster l'annonce d'un crépuscule, qui, voyant Céleste en selle sur le dos de Nanà, se dirent qu'ils n'en avaient plus pour longtemps, parce que la mort arrive toujours à cheval.
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La sirène mêlait en un unique son les appels désespérés de la ville, la voix naturelle des rues, les bruits des industries nocturnes, les paroles murmurées des dernières négociations sur les marchés.
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Le parrain était Cristofaro et la marraine Celeste, car il suffit des enfants pour baptiser les animaux.
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Carmela se déshabillait à la vue de tous, balcon ouvert, certaine que personne n’allait la déranger vu que le mariage, proche à présent, était du domaine public, et elle n’avait pas honte de se montrer en petite culotte et soutien-gorge en un défilé de mode sauvage, pieds nus en attendant que Totò vole aussi les chaussures.
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Il affronta son délire de rage et de larmes en affûtant son couteau selon la pente de ce désespoir, il le passait sur la meule comme pour se faire plus mal en imaginant le sein lumineux de Carmela et la lame qui le déchirait, en imaginant la pleine lune des fesses défigurée par la balafre comme le sillage d’une étoile filante, en imaginant la tiédeur de la gorge parfumée de lait où le sang gargouillait.
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Les policiers préféraient ne pas s’aventurer jusque dans les entrailles des ruelles et des cours intérieures où ils se retrouvaient chaque fois refoulés par des jets, depuis les balcons, de bouteilles et de tous les détritus solides choisis et conservés en attendant le jour où les uniformes se présenteraient au petit matin dans l’espoir de surprendre le Quartier dans son sommeil.
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Les vitrines de magasins tombèrent, et l’on ne sut jamais si la cause en était le pillage ou le miracle vu que, soudain, toutes les fenêtres s’ouvrirent grand, brisant leurs gond, laissant pénétrer un grand souffle de rancune divine jusque dans les pièces les plus secrètes où l’on conservait les corps momifiés des ancêtres afin que leurs petits-enfants puissent continuer à toucher leur retraite.
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Le boulanger avait beau faire deux fournées par jour, à l’aube et au crépuscule, l’étonnement était tel que personne ne s’était jamais habitué à ce parfum et, deux fois par jour, chacun pensait qu’il n’avait jamais rien senti de semblable et faisait un signe de croix.
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Quand le boucher s’approchait avec le couteau, ce n’était pas l’agneau qui hurlait, mais le cousin Nicola. L’oncle et la tante riaient, ils disaient qu’au fond il n’était pas si débile que ça, il avait bien compris qu’on était en train de lui enlever la distraction de l’agneau. Et tandis que Nicola pleurait et bêlait de désespoir, le boucher tranchait la carotide de l’agneau et le sang s’écoulait rapidement dans la bouche d’égout.
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L’écurie de Nanà était propre comme l’hôpital. Mimmo la décrassait tous les soirs avec du savon de cuisine, carreau après carreau, et ensuite avec du vinaigre parce que sa mère lui avait expliqué que ça désinfecte aussi bien que l’alcool des piqûres, et même encore mieux.
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Elle s’assit sur le lit pour faire une retouche de vernis sur les ongles de ses orteils. Du vernis bleu. Tout, chez Carmela, était bleu, céleste. Par superstition. Sa robe de chambre et ses draps, les murs et le frigo, l’abattant des toilettes et la nappe en plastique sur la table du repas. Le plafond était bleu comme le ciel pour que ses clients, quand elle travaillait, puissent s’imaginer au Paradis.
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C’est ainsi que pour la première fois Mimmo et Cristofaro se promenèrent en calèche. Ils avaient l’impression d’être des touristes, et ils regardèrent la ville comme s’ils ne l’avaient jamais vue.
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Les acquéreurs venaient d’autres quartiers par rafales d’autobus, cherchant une chose, une seule chose, parce que l’engrenage de leur vie s’était enrayé sur cette privation-là.
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Sous le coup de l'émotion provoquée par le corps impudent de Carmela, les envoyés de la Sainte Patronne avaient perdu toutes les coordonnées des Festivités et le plan général des illuminations, ole éprouverent l'effroi du chaos, ne sachant plus quels pôles fonctionnaient ensemble et où allaient les amener la toile d'araignée de petites lumières qui s'étalait sur le ciel du royaume de la Patronne. C'est elle-même qui se chargea de les rappeler à l'ordre, car ils sentirent soudain le courant d'air de Toto le voleur qui traversait la place en direction de la cure. Ils détournèrent les yeux du balcon de Carmela, redoutant plus le châtiment de Toto avec son pistolet caché dans sa chaussette que l'ire posthume de la Patronne offensée.
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Il traversa la nuit dans la certitude qu'il allait tuer Carmela et rêva les yeux ouverts qu'il lui tranchait la gorge tout en lui expliquant la plénitude de son amour, il chercherait son coeur en lui racontant que personne, jamais, pas même sa mère, pas même Toto ne l'aimerait comme lui l'avait aimée parce que son corps était parfum et que lui seul savait en distinguer les arômes, lui seul savait lire sur sa peau la poésie émouvante de son indéchiffrable beauté que les autres arrivaient juste à deviner approximativement, lui seul savait la reconnaître dans chacun des plis de ses coudes, lui seul avait rempli ses yeux, ses mains, son nez, sa bouche de l'eau bénite de ses sources les plus profondes, lui seul avait la clé pour accéder à ce mystère.

Il affronta son délire de rage et de larmes en affutant son couteau selon la pente de ce désespoir, il le passait sur la meule comme pour se faire plus mal en imaginant le sein lumineux de Carmela et la lame qui le déchirait, en imaginant la pleine lune des fesses défigurée par la balafre comme le sillage d'une étoile filante, en imaginant la tiédeur de la gorge parfumée de lait où le sang gargouillait.
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Car les flics ne voulaient pas écrire de nouveaux chapitres romans de Toto l'insaisissable qui était en train de traverser la place pétrifiée en un photogramme d'effroi. Tout le monde avait senti l'odeur de la mort et s'était tétanisé, même la fumée des maquereaux qu'on faisait griller sur un feu de cageots se figea dans l'air en un brouillard solide de bois au petit matin, et les gouttes fondues sur le cône de glace des enfants se raidirent dans un frisson de froid, tandis que se retrouvaient bouche bée les vendeurs et les acheteurs de gâteaux de la fête en train de discuter le prix, laissant la négociation en suspens de même que la marchandise tenue en l'air entre une main et l'autre, et puis Nana resta cabré sur ses pattes arrière, avec les ornements qui glissaient d'un côté et Mimmo accroché à son cou qui fermait les yeux parce qu'il ne voulait rien voir d'autre, et Cristofaro qui, lui, avait vu son père avec sa caisse de bière sur l'épaule et une promesse dans les yeux.
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Mais le jour où naquit Mimmo, la brume avait la consistance des contes. C'est ce que lui avait raconté sa mère.
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Il versa des seaux d’eau violente, il souffla des rugissements de vent qui gonflait les bâches du marché et celles-ci se défirent de tous leurs nœuds, arrachèrent toutes leurs cordes et s’élevèrent sur le Quartier pour faire régner la terreur dans un présage de fin du monde. Semblables à des bêtes volantes, elles descendaient en piqué et vous laissaient des marques de fouet et de coup avant de reprendre de l’altitude, voltigeant haut au-dessus des ruelles comme à la recherche de proies, s’abattant soudain dans la méchanceté de leurs anneaux métalliques semblables à des fléaux, et puis encore, insaisissables, recommençaient à s’élever jusqu’au moment où les tissus et les bâches en plastique rencontrèrent un obstacle sur les statues du fronton de l’église. Tout le monde eut l’impression que les saints de pierre détournaient leur tête auréolée de bronze pour se libérer de la gêne des draps qui continuèrent à rouler de statue en statue pour finir par embrasser, à la façon d’un saint suaire, le visage du Christ en croix. Celui-ci avait beau se contorsionner en tentant de se libérer, il ne parvenait pas à arracher ces suaires de son visage, empêché qu’il était par les clous plantés dans ses paumes. Il resta couvert comme pour le vendredi de la Passion, dans la résignation de devoir répéter son Calvaire. En réalité, c’était la tendresse de son Père qui lui voilait les yeux pour l’empêcher de voir la férocité de son irritation.
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Au Borgo Vecchio, tout le monde savait que Cristofaro pleurait chaque soir la bière de son père. Après le dîner, assis devant la télévision, les voisins entendaient ses hurlements qui couvraient tous les bruits du Quartier. Ils baissaient le volume et écoutaient. Selon les cris, ils pouvaient deviner où il le frappait, à coups de poing secs, précis. À coups de pieds aussi, jamais au visage. Le père de Cristofaro tenait à l’honneur de son fils : personne ne devait voir l’outrage des bleus.
Le père de Cristofaro ne se calmait qu’avec la venue de la nuit. Pour Cristofaro, la bière était un malheur, mais c’était aussi son salut. Elle coupait les jambes de son père juste un instant avant qi’il ne le tue. Demeurait seulement, planant sur le Borgo Vecchio, un râle semblable à celui d’un chien malade. Il se mêlait au hurlement du ferry, quand celui-ci larguait les amarres pour le Continent. Alors, dans le Quartier, personne n’écoutait plus les gémissements de Cristofaro. Les gens étaient captivés par le son de cette sirène qui se mouillait de mer et se noyait peu à peu dans la nuit. Ils imaginaient les voyageurs en train de se promener sur les ponts tandis que le navire naviguait et ils raisonnaient sur le mystère de la flottaison. Une fois ou deux seulement le silence de ces réflexions fut troublé par l’ambulance qui venait chercher Cristofaro. Une fois c’était pour le bras cassé. Il n’alla pas à l’école pendant une semaine. Il est tombé dans l’escalier, expliqua la mère aux enseignants. Tandis qu’elle racontait ce énième mensonge, ils regardaient, eux, ses ongles au vernis ébréché, sa permanente vaporeuse, son bracelet aguicheur au poignet, le fond de teint épais étalé sur son visage pour dissimuler la blessure de son impuissance et de sa peur. Quand elle eut fini, ils la virent partir d’une démarche bancale, un talon de ses chaussures s’était cassé et elle essayait de faire comme si de rien n’était.
Le père de Cristofaro jura qu’il allait faire arranger l’escalier de l’immeuble à ses frais car aucun des autres locataires ne voulait faire la dépense. Il menaça même de porter plainte. Ils le laissèrent parler, ils savaient bien, eux, que c’était lui qui avait cassé le bras de Cristofaro.
Une autre fois, l’ambulance vint chercher Cristofaro parce que son père s’était trompé. Il avait pris un couteau dans la cuisine et lui avait ouvert la joue de l’oeil au menton. Il l’échappa belle. Personne ne sut jamais ce qu’il avait raconté aux médecins. Cristofaro de toute façon confirmerait tout. Il savait qu’un jour son père allait le tuer.
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Il s’appelait Domenico, mais il ne le savait pas. On l’avait toujours appelé Mimmo.
Il était né le premier dimanche de septembre en sortant de sa mère par les pieds.
Il y avait une pluie fine qui vous trempait, et une légère brume au parfum de sous-bois, jamais vue dans cette ville-là. D’autres brumes dominaient, elles avaient la lourde consistance des fumées des rôtisseries en plein air que le vent de mer brouillait en tourbillons voltigeurs, apportant des odeurs de viande jusque dans les maisons de ceux qui, de la viande, n’en mangeaient jamais. Ils en éprouvaient à la fois un certain plaisir et une certaine douleur. Mais le jour où naquit Mimmo, la brume avait la consistance des contes. C’est ce que lui avait raconté sa mère.
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