Benito Torrentera , professeur de philosophie à l'université, moral et sexe en berne, s'ennuie. La cinquantaine le terrifie, et son salaire ne lui permet d'assouvir que deux impérieux besoins, « les putes et le brandy espagnol ».
Sa rencontre avec une jeune employée de supérette illettrée qui vient de tuer un homme et de s'emparer de la caisse va bouleverser sa vie tranquille. En échange de faveurs sexuelles, il lui offre gite et protection. Puis pressentant que cette histoire représente pour lui une dernière opportunité de se sentir vivant, il décide de quitter Mexico DF et de s'installer à Michoacán avec sa belle.
Mais les histoires d'amour finissent mal en général, on connaît la chanson, et celle-ci portait le sceau de l'échec dès ses prémisses. Toutes les connaissances du professeur Torrentera, ses années de réflexion et de lecture à l'Université ou dans son petit appartement de célibataire ne lui serviront à rien dans ce qui s'apparente à un baroud d'honneur.
Pessimiste, désabusé, résigné, plein de contradictions, Benito analyse sa vie sous le prisme de la philosophie et de l'histoire coloniale du pays. Dire que les animaux sont bornés à l'instinct et que la raison est le propre de l'homme, c'est ne pas voir que l'on fonce droit dans un mur.
Boue est le fruit d'un accouplement du roman noir et d'auteurs d'essais philosophiques, historiques ou géographiques, union assez déroutante, mais très plaisante à parcourir. Je découvre par le plus grand hasard Guillermo Fadanelli, délicieusement cynique, et caustique qui charmera sans doute les amateurs de « realismo sucio » , de Pedro Juan Gutiérrez et de Charles Bukowski. Sous sa plume acérée, l'histoire d'un type antipathique, qui déteste sa ville, sa vie, les autres, mais va jusqu'au bout de sa démarche, dans une sorte de suicide social est captivante.
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Chez Guillermo Fadanelli, Mexico est une ville sordide, une «ville monstre», une ville carnivore avec des «trottoirs aussi étroits que des boyaux». Dans chacun de ses romans, elle dévore ceux qui y vivent et ceux qui osent s'y aventurer. Avec la conscience de la globalisation dans Hôtel Df, ici Mexicains comme étrangers se dissolvent dans une ville mondialisée qui n'a plus aucun charme pour un auteur qui y voit un espace littéraire à sa mesure, le foyer vital de son œuvre.
Vous l'aurez compris, plus qu'un roman, Hôtel Df est avant tout un prétexte pour tirer le portrait en négatif d'une mégalopole contemporaine. L'auteur nous livre un roman pour ainsi dire sans intrigue autour de l'hôtel Isabel dont les allées et venues des touristes alimentent le récit. Les personnages y vivent des expériences plutôt vaines, inconsistantes, une manière de rappeler que l'hôtel n'est qu'un lieu de rencontres futiles et illusoires, un lieu de passage où règne l'anonymat.
Hôtel modeste à la jolie façade coloniale, il ne sert donc pas de refuge face à un réel médiocre et désabusé, il en est le miroir. Un miroir dans lequel se reflète non seulement une certaine vacuité du monde mais aussi un paysage de violence, de drogue et de crime organisé bien trop familier à Mexico.
Face à un tel environnement, on s'attend à ce que l'intrigue se noue derrière les portes des chambres une fois qu'elles sont closes, la mafia occupant l'une des ailes de l'hôtel, mais l'auteur balaie avec indifférence ce qui préoccupe fébrilement les personnages. Mêmes les événements les plus dramatiques n'ont pas vocation à être des éléments perturbateurs, Guillermo Fadanelli glisse sur la tragédie comme sur la banalité du quotidien.
Alors que retenir de ce genre de bouquin qui se dote par ailleurs d'un narrateur passablement désenchanté, «un homme sans ambition, dépourvu d'opinions, et de sujets importants» qui promène sa silhouette parmi les clients et le personnel de l'hôtel et se contente d'écouter et de regarder ce qui s'offre à lui ?
Rien si on s'arrête à l'intrigue squelettique et au style désincarné de l'auteur qui donne à toute chose le goût prématuré de l'amertume. Il y a peu de place pour le rêve et la fantaisie digressive dans ce roman parce que l'auteur ne croit qu'en la puissance de la réalité.
A la manière d'un Bukowski, mais bien moins contondant que celui-là, Fadanelli se fait l'apôtre d'un réalisme qui montre les imperfections au grand jour. Des personnages sans morale mais pas sans principes, la vie dans ce qu'elle a de pathétique, le sentiment d'échec, la désillusion, etc...
On parle de réalisme sale pour caractériser l'écriture de Guillermo Fadanelli, mais cette expression ne dit rien de la rupture suscitée par ses œuvres qui composent avec la violence devenue ordinaire et l'apathie qui semble être pour l'auteur la seule réponse possible.
Malgré tout ce noir, l'auteur parvient à faire exhumer de l'humour, seule manière de survivre dans ce monde chaotique.
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Caustique par nature, Guillermo Fadanelli se caractérise par un certain goût du risque, de la controverse et de l'hédonisme. Associant humour noir et nihilisme, il élabore une vision fatidique de l'existence. L'univers imaginaire de ce livre se dote d'une géographie, celle du Mexique urbain, habité de personnages se vampirisant les uns les autres, marqués par un destin tragique auquel ils semblent résignés.
Sous couvert d'objectivité froide, Fadanelli aime à emprunter le regard de ses protagonistes, plaçant le lecteur dans la position gênante de voyeur. La dureté de ce monde est néanmoins compensée par l'humour et la gouaille colorée de ses personnages.
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Bien que ce roman ne soit pas publié dans une collection policière, c'est bien d'un polar très noir qu'il s'agit. La toile de fond, Mexico, ses bas-fonds, ses immeubles crasseux, ses ruelles sombres. Ses héros, Ramirez, un voyou au couteau facile qui trempe dans des histoires de drogue et détrousse ou élimine les imprudents. Rebecca, sa soeur. Et Johnny, adolescent, qui suit le chemin de Ramirez tout en le haïssant.
L'atmosphère sordide de l'histoire est extrêmement bien rendue et bien sûr l'image que l'on retient de Mexico n'est pas du tout la carte postale habituelle pour touristes. La force de l'histoire vient du sentiment de tragédie implacable qui acccable les personnages sans qu'aucun espoir ou aucune porte de sortie puisse apparaître. En revanche j'ai été gênée par la construction assez tortueuse de l'histoire, ou peut-être aurais-je dû le lire d'une traite pour ne pas m'y perdre ;-)
C'est en tout cas une vision très noire du Mexique...
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Un peu étrange ce mélange de polar et de philo, avec un peu de salsa mexicana.
Ca se laise lire et on finit par baigner dans cette salsa un peu délirante.
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Une autobiographie qui nous entraine dans la réalité des écoles militaires du Mexique, il y a quelques décennies. Des anecdotes et des réflexion introspectives de la part de l'auteur, dans un contexte bien marqué, qui nous font passer une agréable lecture.
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Un peu étrange ce mélange de polar et de philo, avec un peu de salsa mexicana.
Ca se laise lire et on finit par baigner dans cette salsa un peu délirante.
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