« Je ne sais pas si ce qui suit est une histoire qui ressemble à un conte ou un conte qui ressemble à une histoire; ce que je puis dire c’est qu’au fond de ce récit il y a une vérité, une vérité très triste, de laquelle je serai peut-être le dernier à tirer profit étant donné mes dispositions imaginatives.
Avec cette idée, un autre eût peut-être fait un gros livre de philosophie larmoyante; moi, j’ai écrit une légende qui pourra distraire un moment ceux aux yeux desquels elle ne signifierait rien. »
Ainsi commence l’une des cinq légendes narrées par Gustavo Adolfo Bécquer, poète et dramaturge sévillan du XIXème siècle surtout connu pour ses Rimes et Légendes.
De Soria à Tolède, en passant par Séville, dans les villages de Castille ou les rues des villes millénaires, le poète est un promeneur. Il s’imprègne des lieux, se nourrit du passé, et brode de courts récits pétris de romantisme, de surnaturel, et de mystique religieuse. Le lecteur ressent son amour pour les ruines, les châteaux, les forteresses antiques et les ruelles médiévales.
Ma préférence va au « Bracelet d’or (Légende tolédane) », dans lequel le jeune Pedro décide de dérober le bracelet d’or de la Virgen del Sagrario, sainte patronne de Tolède, pour l’amour de la belle María. Mais face à la statue qui semble s’animer, le destin de Pedro bascule.
On pense à Hoffmann (à la lecture du « Gnome (légende aragonaise) » , à Gautier, à Grimm. Cette mise en bouche est efficace. Séduit par ce fantastique romantique, on a très envie de lire les Légendes espagnoles et contes orientaux.
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Poète sévillan, amoureux de la vieille Espagne dont il assiste impuissant à la mort annoncée conséquence d' un progrès industriel qui va grandissant, Gustavo Adolfo Bécquer (1836-1870) est considéré comme le dernier des grands romantiques espagnols.
Poèmes, récits, légendes lyriques, la plume de Bécquer trempe dans l'encre du mystère, du rêve mais également de l'effroi.
Les ombres d' Aloysius Bertrand, d' E.T.A. Hoffmann et d' E.A.Poe ne sont pas très loin!...
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J'ai relu "les légendes" de Gustavo Adolfo Becquer, après avoir lu "La Tres Fechas" de César Aira. Un peu de théorie littéraire avant d'ouvrir la Grande Bibliothèque.
« Les Trois Dates » forment le titre d’une légende, contée par Gustavo Adolfo Becquer, traduites par M.A.L.C. (2017, Hachette – BNF, 84 p.). L'auteur (1836-1870) raconte une anecdote vécue lors d'un voyage effectué à Tolède. Marchant dans une rue étroite et inhabitée, il regarde une fenêtre et il croit apercevoir derrière un rideau une main blanche de femme qui bougeait. Il passe plusieurs jours devant cette fenêtre et à chaque fois il revoit la main blanche. « j'ai passé d'autres jours, et chaque fois que je passais, le rideau se levait de nouveau, restant ainsi jusqu'à ce que le bruit de mes pas se perde, et de loin j'y retournai les yeux pour la dernière fois ». Un an plus tard, il retourne à Tolède et entend sonner les cloches du couvent de San Juan de los Reyes. Il assiste à la cérémonie durant laquelle une fille devient novice. Ce n'est pas n'importe quelle fille, c'est la femme dont il est obsédé.
Une belle écriture de ce romantique avec de longues descriptions. « L'église était haute et sombre : ses nefs étaient formées de deux rangées de piliers formés de colonnes élancées réunies en faisceau, reposant sur une large base octogonale, et de la riche couronne de chapiteaux s'élevaient les robustes ogives. Le maître-autel était situé à l'arrière, sous une coupole de style Renaissance constellée d'angelots à boucliers, de griffons, dont les sommets simulaient des feuillages abondants, de corniches à moulures et de rosaces dorées, et de dessins fantaisistes et élégants. Autour des nefs on apercevait une multitude de chapelles obscures, au fond desquelles brûlaient des lampes, comme des étoiles perdues dans le ciel d'une nuit noire. Chapelles d'architecture arabe, gothique ou churrigueresque : certaines fermées par de magnifiques portails en fer ; d'autres, avec d'humbles balustrades en bois ; certaines plongées dans les ténèbres, avec un ancien tombeau de marbre devant l'autel ; ceux-ci, abondamment éclairés, avec une image vêtue de paillettes et entourée de vœux d'argent et de cire avec de petits nœuds de ruban colorés ».
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Ce recueil de Gustavo Adolfo Bécquer se divise en deux parties. La première est dédiée à sa poésie et la seconde aux légendes.
Gustavo Adolfo Bécquer était un poète romantique et son oeuvre s'inscrit pleinement dans ce courant littéraire. Ses poèmes parlent d'amour, de la femme adorée, on y lit l'exaltation des sentiments. La nature, la désillusion et la mort sont d'autres thèmes récurrents. J'ai apprécié lire ces poèmes car ils sont très accessibles. Bécquer a un style très imagé et épuré.
C'est avec ce même style qu'il a écrit les Légendes que j'ai trouvé plus intéressantes. Ces textes transportent le lecteur dans la "vieille Espagne", son passé, ses ruines. Cette Espagne traditionnelle que Bécquer chérissait tant et dont il redoutait la disparition avec la modernité. En plus de leur dimension romantique, les légendes sont aussi fantastiques. L'élément fantastique émane souvent d'un rêve ou d'une illusion, s'immisce dans une messe de minuit ou un rayon de lune et mène souvent les personnages à la folie. Pour Bécquer le rêve vaut mieux que la réalité.
Là encore le style est très accessible et le rythme est vif.
J'ai vraiment aimé cette deuxième partie notamment "El beso" où comment une statue de femme en marbre blanc oubliée dans une église en ruines peut rendre fou d'amour un homme...
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