Hélène Devynck

Le silence issu de la honte et du rapport au pourvoir , c'est la banalité du viol qu'il se passe dans un monde sous les projecteurs ou dans l'ombre d'un bureau d'un sous directeur d'une petite entreprise.

. »..seul un oui est un oui » … l
Le consentement sexuel doit être librement et clairement exprimé. Il doit être explicite. (…)
Rien de compliqué, rien de dangereux pour la société : juste un renversement de la charge de la preuve. Quand un homme est accusé de violences sexuelles, c’est la preuve du consentement de celle( ou, plus rarement, de celui) qui l’accuse qu’on doit apporter pour l’innocenter.

Parler reste un combat. On pare les mauvais coups comme on peut. On se bat contre des procédures-bâillons et des mythes vivaces qui nous accablent.
On a encaissé. On a nagé dans les eaux glacées du calcul égoïste et de la résistance patriarcale. On s'est serré les coudes. On s'est défendues.
On a parlé plus haut, plus fort, plus nombreuses.
On a appris.

La pénétration, c’est ce que le droit pénal appelle la « matérialité des faits ». Quand la matérialité des faits est établie, l’agresseur a encore une porte de sortie : il n’a qu’à dire que la victime était d’accord. C’est ce qu’il dit presque toujours. C’est ce qu’il dira de moi.

Un gibier farouche, c'est celui qui ne se laisse pas apercevoir, celui qui fuit au moindre signe de danger. Pour ne pas être violées, les femmes devraient avoir peur, détaler devant les hommes ? Et vivre dans la mâchoire bien serrée de la domination masculine triomphante ? Se défendre d'une accusation de viol en remettant en cause la vertu de la victime est un poncif éculé. La vertu des femmes est l'éternel sujet, l'angle d'attaque ordinaire et toujours payant pour les disqualifier. Certains pays, comme l'Australie, ont pris des mesures juridiques pour éviter ça. Dans les procès de viol, il est interdit d'évoquer le passé de la victime. C'est hors sujet, tout simplement. Ce qu'on juge, c'est l'acte, pas la femme.

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La société réserve à la femme du violeur un sort infect.

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Souvent, les victimes s'en veulent et s'engluent.
Nous même, on n'y a pas échappé.

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En langage d'experts, l 'absence de trace de traumatisme signifie qu'il n'y pas eu de viol et donc que la femme ment.

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La domination peut toujours compter sur l'argent.

Depuis longtemps, je ne suis plus cette jeune femme humiliée. Mais la mémoire émotionnelle vous rattrape par surprise. Le temps de la psyché n'est pas le temps du réel. Le cauchemar se réactive sans s'annoncer. Il s'est réveillé devant les mensonges cauteleux de Patrick Poivre d'Arvor à une heure de grande écoute.
J'apprendrais bientôt que je ne suis pas la seule à avoir été indignée par sa prestation à Quotidien.
L'émission a provoqué un afflux de témoignages chez les enquêteurs. La représentation a perdu ses effets stupéfiants.
Il s'est tiré une balle dans le pied.

À partir d’un certain niveau de célébrité, aucun Français n’a jamais été condamné pour des faits de délinquance sexuelle. Jamais. Aucun.

"Aucune personne raisonnable, homme ou femme, ne peut vivre dans un endroit où les voisins ne veillent pas les uns sur les autres." David Graeber Anthropologue

Le délit de diffamation est une arme puissante. En obtenant la condamnation de l'expression de la victime, il constate l'inversion.
La version de la culpabilité suppose la mise en scène de la souffrance du dominant. Il a droit de mobiliser l'État et sa justice pour valider le préjudice qui lui est fait. C'est la reconnaissance sociale, l'adoubement collectif, la certification par le système judiciaire de son propre statut de victime. L'inversion est ainsi labellisée par l'institution.

Après avoir traité publiquement Ségolène Royal de péripatéticienne dans l'émission "On n'est pas couché", en octobre 2008...
C’est passé sans problème. Sur le plateau, tout le monde a rigolé comme à un bon trait d’esprit. La violence misogyne de la séquence était alarmante. PPDA disait frontalement sa haine des femmes. L’énormité tranquille de la misogynie prépare nos viols et assure l’impossibilité de les dire ou de les faire entendre. Or, PPDA avait animé, quelques mois plus tôt, le débat du second tour. Il était supposé y tenir sa place de journaliste/arbitre impartial. Il méprisait un des deux candidats à cause de son sexe. Une femme, une pute. Aucun homme ne subit ce genre d’insulte, quelle que soit la rudesse de l’expérience politique. Dans un monde où la haine des femmes peut s’exprimer aussi frontalement sans rien provoquer d’autre que des frétillements d’excitation, les femmes ne sont pas en sécurité.

Le Major parait d'un "prédateur". Le mot me gène. Je finirai par m'en accommoder, faute de mieux, mais il évoque les grands fauves, là où je ne vois que la petitesse de la répétition compulsive. Il est du côté de l'animalité, de la déshumanisation. Je n'ai pas été violée par un animal mais par un homme superbement intégré à la communauté. J'ai du mal à me considérer comme un gibier pourchassé.

L’objectif des plaintes déposées pour dénonciation calomnieuse n’est pas d’aboutir à nous faire condamner, hypothèse hautement improbable, mais de dissuader les victimes qui n’auraient pas encore témoigné de le faire. Utiliser l’arsenal juridique pour effrayer. Faire peur pour faire taire.

Gérard Louvin (accusé de viols sur mineurs) : classement sans suite. La direction avait été informée que le producteur embarquait des adolescents qui n’avaient rien à faire là, dans les avions privés de l’entreprise. L’alerte n’avait pas été prise au sérieux.
Nicolas Hulot (accusé de viols et agressions sexuelles) : devrait vraisemblablement échapper aux poursuites grâce à la prescription.
Jean-Jacques Bourdin (accusé de harcèlement et agression sexuelle) : classement sans suite pour prescription.
Olivier Duhamel (accusé d’inceste) : classement sans suite pour prescription.
Tous ceux-là ont été employés par le groupe TF1. Des mâles dominants imposaient leur sexualité destructrice en toute sauvagerie. Les accusations, les alertes, rien n’a entamé l’impunité.

Une fois encore, un temps précieux était cédé au déni.

Le mythe de la promotion canapé est toujours là pour servir les hommes et pour dénigrer les femmes au travail. Un mythe qui justifie le rejet social de la femme hiérarchiquement inférieure et la valorisation de l’homme de pouvoir. On parle dans son dos à elle. On l’évite à la cantine. Le groupe accable la femme, jamais l’homme.

La présomption d’innocence des agresseurs n’est tempérée par aucun crédit de véracité pour les victimes.