Hélène Soumet

Pourtant, aux yeux des Athéniens, habitués à ne voir que des femmes voilées, effacées et fragiles, le charme des belles plantes pleines de vigueur opérait. Dans la comédie Lysistrata, Aristophane (-445-375) ne manque pas de souligner la beauté sauvage de Lampito femme de Sparte ou de Lacédémonienne.

Les préjugés misogynes sont une constante en philosophie, lors même que la philosophie se vante de combattre les préjugés, presque tous les penseurs, les écrivains et les philosophes ont tenu des propos plus qu’odieux sur les femmes et ont constitué une base fort solide pour entériner l’attitude misogyne. Ainsi, c’est presque amusant de constater que les philosophes, éternellement en conflit de doctrines ont au moins un point sur lequel ils s’entendent, c’est l’accord sur l’infériorité de la femme, un préjugé que tout dément mais auquel les philosophes s’accrochent.

Aristoclès grandissait. Les femmes redoublaient de tendresse avec lui, redoutant le moment où cet enfant plein de charme leur serait ôté. À Athènes l’enfant quittait le gynécée vers six ans car les femmes, quasi illettrées ne sauraient former des citoyens accomplis. Pourtant, certaines étaient cultivées et la mère de Platon devait être l’une d’entre elles. D’ailleurs n’enseignait-elle pas la lecture et la littérature à sa fille Potoné ?

À la guerre, victoires et défaites étaient ponctuées de chants. Pourtant Platon a condamné la musique à plusieurs reprises, dans la République ou dans les Lois. Ce qu’il condamne et ce dont il faut se méfier, c’est la musique susceptible de déposséder l’âme d’elle-même. La transe musicale qui par exemple exalte les danseurs et les porte à tous les excès : transes dionysiaques où le corps domine l’âme. Une telle musique fait perdre la raison, d’autant que le rythme saccadé, les scansions frappent comme le marteau sur l’enclume du forgeron. Une telle musique débridée menace l’âme et la cité qui risquerait de sombrer dans le désordre.

La musique, pour les Pythagoriciens nous reliant à la beauté du monde, à l’harmonie du cosmos ramène l’harmonie dans nos âmes. La musique est alors le reflet de l’harmonie de l’univers, musique des sphères célestes, émanation du cosmos. Platon reprend cette perspective pythagoricienne et considère la musique comme le reflet de l’harmonie de l’univers. Elle élève l’âme vers le Beau et le Bien.

Le monde est là sous nos yeux et notre esprit entre en connivence avec lui puisqu’il le comprend, puisqu’il y décèle une régularité mathématique. Ainsi par la musique, l’enfant comprend intuitivement que l’ordre existe dans la nature et que l’esprit peut saisir cette réalité ordonnée par l’intelligence. Non seulement la musique élève l’âme mais elle établit un rapport essentiel quasi miraculeux entre l’âme et le monde. Une merveilleuse coïncidence.

L’éducation idéale chez Platon doit commencer par la musique, art du rythme. Le terme grec de « rythme » viendrait de rhéô qui signifie couler, rappelant ainsi les vagues s’échouant régulièrement sur le rivage. Le rythme pour Platon n’est pourtant pas un simple modèle empirique qui vient de l’expérience, comme les battements du cœur ou le mouvement des vagues, mais une donnée sensible qui entretient un rapport avec l’âme, avec l’intelligible.

Dans le monde grec, les nourrices et les mères, souvent illettrées et sans éducation, transmettent ces connaissances pratiques pourtant fort utiles, mais qui relèvent davantage du dressage que de l’éducation. Car l’éducation pour Platon ne se réduit pas à un conformisme social, elle n’est pas une transmission, elle ne consiste pas du tout à apprendre à se soumettre aux normes. L’éducation n’a rien à voir avec une technique qui ne vise que l’utile, qui ne prépare que des animaux sociaux. L’éducation cherchant à épanouir la nature de l’homme relève de la philosophie et consiste à élever l’enfant au sens propre pour le sortir de la tyrannie naturelle qu’exerce le corps sur l’âme et à le porter vers la plus haute humanité.

mais il doit rester à sa place, qui n’est jamais la première. L’humanité, au contraire, est le règne de l’âme sur le corps, et, pour opérer ce bouleversement l’enfant, ne pouvant y parvenir seul, a besoin d’un éducateur.Mais l’éducation, notion essentielle dans la pensée de Platon, et plus particulièrement dans son ouvrage la République, ne consiste jamais à apprendre quelques savoir-faire utiles, ni à connaître les règles et les traditions qui rendent l’enfant adapté aux normes sociales.

« De son naturel, la jeunesse est bouillante, incapable de rester tranquille, de se retenir aussi bien que de se remuer, que de parler, qu’elle bavarde et gambade sans arrêt, d’une façon désordonnée. »

Aristoclès ressemblait à tous les enfants du monde. Ardent comme un jeune poulain, bruyant et perpétuellement agité. C’est ainsi que Platon, des années plus tard, se souvenant sans doute de l’enfant qu’il avait été, décrira l’enfant qui montre selon lui « de fougueuses dispositions qui caractérisent la jeunesse » écrit-il dans Les Lois 666a. Cette agitation perpétuelle de l’enfant n’est pas un hasard ; Platon l’attribue à la nature même de l’homme.

Platon se souviendra de ces mythes qui illustreront poétiquement son œuvre, le mythe de Prométhée, le mythe de l’Âge d’Or, le mythe d’Er, le mythe des androgynes…

Sous la fraîcheur des arbres, l’enfant curieux observait la nature, courait à perdre haleine et grimpait sur les vieux oliviers. Avec ses frères, il jouait avec des galets, des soldats en terre cuite, des osselets, des cerceaux, des crécelles bruyantes, jeux d’enfants qui semblent éternels. Les garçons plongeaient dans le fleuve aux eaux transparentes où Aristoclès apprenait à nager avec son frère Adimante.

Ariston loua sa noble épouse qui descendait du législateur Solon, issu de la lignée divine du dieu Poséidon et du dieu Nérée, car les nobles Athéniens, pourtant citoyens d’une république, se réclamaient souvent d’illustre origine.

« Un fils on l’élève toujours même si l’on est pauvre, une fille on l’expose, même si l’on est riche. » Dans Les Lois 930d, Platon, soucieux également des problèmes de démographie, écrira que « le nombre d’enfants regardé comme suffisant par la loi sera un garçon et une fille ».

À quoi bon élever une fille qui, à peine sortie de l’enfance abandonnera les siens en emportant une partie de leur richesse avec sa dot ? Si l’enfant était mal formé, il invitait le malheur sous le toit familial, car son infirmité, résultant de forces maléfiques, souillait l’oïkos. Les enfants issus d’adultère, ceux des filles non mariées ou ceux des esclaves étaient systématiquement exposés.

L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.

Le saviez-vous?
Pour Sénèque, les pires ennemis de l'homme étaient l'arrivisme et le surmenage.

Flaubert dit de G. Sand : "Il fallait la connaître comme je l'ai connue pour savoir tout ce qu'il y a de féminin dans ce grand homme. " ( p211)

Pour en finir avec la servitude, rien ne vaut le célibat et la chasteté, forme de résistance qui permettent d'échapper au contrôle qu'exercent les hommes sur leurs épouses et maîtreses. (p 154)