Une mouche imbécile, totalement hébétée par les premiers jours de l'automne nordique, se conduisait comme une pute bon marché, ivre de s'être cuitée sans bourse délier : elle s'envolait, se posait sur des papiers en tirant sur ses pattes, vrombissait d'une manière déchirante, rampait dans tous les sens en essayant de goûter aux dernières joies de sa courte vie de mouche. Monsieur le lieutenant-colonel grimaça, fouetta l'air de sa main sans regarder, serra bien son poing et l'approcha de son oreille. L'importune petite bête sonnait, retentissait d'un tremblement plaintif. De toute façon, il ne lui restait plus que la mort, une minute avant ou une minute après, quelle différence?
Pour rien au monde vous n'auriez voulu quitter cette place chaude et vous traîner de nouveau quelque part, dans le froid. Mais vous étiez obligés de le faire. Voilà le sort des déportés ! Tu penses être en liberté, que tu as achevé ta peine, et non : marche à travers la forêt, le jeu n'en vaut pas la chandelle ! Parce que si tu ne fais pas enregistrer à temps ton arrivée auprès du sous-officier, tu finis à nouveau au bagne, pour insoumission et violation des « Ordres concernant les déportés... » Si on te colle pas en plus sur le dos une tentative de fuite.
Lorsqu'un savoir venu de nulle part sortait de lui involontairement et naturellement, Fedor le sentait toujours : la voilà, Rachelia, elle se tient derrière mon épaule gauche. Où qu'elle fût réellement, elle se tenait toujours derrière son épaule, l'aidait. Offrait des cadeaux.
Il faut du courage pour accuser de paresse celui qui, de son plein gré, s'attelle à une besogne à laquelle, en guise de punition, on fait cravacher des forçats sous escorte.
(Couper des bûches).
La visite du bureau de censure avait été curieusement porteuse de chance : en deux temps trois mouvements, et l'affaire était dans le sac. Trop vite pour que cela plaise à Fedor Sokhatch, habitué depuis l'enfance à prêter avec circonspection l'oreille au silence de la forêt. Et la Princesse disait aussi souvent : si une affaire que tu ne connais pas s'arrange trop bien, empresse-toi de ne pas y croire.
« Celui qui est considéré comme fort
Sait : pas de pitié pour les forts.
La pitié humilie, à ce qu'on dit,
La pitié ne vaut rien, à ce qu'on dit.
La force, voilà la récompense du fort,
Et des allées d'automne,
Et encore...
Mais d'ailleurs, c'est assez,
Beaucoup trop pour une personne. »
Chercher justice était de toute façon impossible, et même si tu la trouvais brusquement, tu te ferais des ennemis.
Ne te précipite pas pour comprendre. La compréhension, mon ami, est une Loi. Et elle est irréversible. À chaque nouvelle compréhension, nous cessons d'être comme avant : nous changeons pour toujours. Que cela te plaise ou non, le choix est fait et il est inutile de se dépêcher.
C'est en sachant perdre qu'on apprend à vaincre.
- Donc, selon toi, un meurtrier est meilleur qu'un mage ?
- Sans aucun doute ! Faire de la sorcellerie, c'est ce qu'il y a de pire.