Qui es-tu Bartleby ? Quel est ton message ? Pourquoi ne réponds-tu aux demandes que par : Je ne préfèrerais pas ? Pourquoi t'obstines-tu à t'isoler, à dépérir, à t'effacer, à disparaître ?
Une nouvelle dont le narrateur, un notaire d'une soixante d'années, employeur de Bartleby nous raconte ce qu'il en sait ou croit savoir car Bartleby reste un mystère. Dans son étude à Wall Street, ses trois employés portent un surnom qui le résume par rapport à sa personnalité : Dindon, Pince-nez et Gingembre. Pas Bartleby, lui ne portera aucun surnom car pour cela il faudrait le l'identifier. Il devient l'employé silencieux, efficace, solitaire exécutant son travail consciencieusement jusqu'à une demande banale de relecture de copies avec les autres employés. Et voilà qu'apparaît la réponse qui plus jamais ne quittera ses lèvres : Je ne préfèrerais pas, dite sans colère, sans violence, une phrase qui porte en elle à la fois la fermeté, la négation mais également comme une menace. Le narrateur va tenter de comprendre, d'inciter Bartleby à changer d'avis, le pousser dans ses retranchements mais il n'obtiendra qu'une seule réponse : Je ne préférerais pas. Alors peu à peu Bartleby s'enferme, s'isole, dépérit....
Difficile de vous en dire plus, chacun(e) se fera sa propre opinion mais c'est un récit qui vous tient non seulement par les réponses que l'on cherche, le sens de ce que l'on pourrait imaginer être un conte mais également par la qualité de l'écriture, l'écriture d'un auteur que je découvrais et qui m'a très vite saisie à la fois par sa richesse mais également par tout ce qu'elle pouvait contenir dans l'évocation d'un personnage anonyme, les relations au sein de l'étude notariale, les tentatives du narrateur à comprendre, aider, à trouver la clé de cet homme dont rien ne transpire que sa détermination à ne pas préférer. Quatre mots, seulement quatre mots : Je ne préfèrerais pas sur lesquels repose son récit , quatre mots dits sans colère, sans désespoir mais avec conviction et fermeté, quatre mots qui pousseront son employeur à utiliser tous les moyens pour se débarrasser de lui, allant de la générosité à la fuite,
Cette nouvelle est fascinante par le fait que chacun peut se faire sa propre interprétation de qui est Bartleby, un révolté, un résistant prêt à payer le prix, un homme libre auquel on ne peut rien imposer, rien proposer, rien offrir, qui refuse, un homme qui va, au prix de sa résolution à ne rien préférer, sombrer et paiera le prix de sa détermination ou bien un fou. Faut-il y voir un message : pour obtenir ne faut-il pas simplement exposer ses choix et n'en jamais dévier, sans argumenter. L'auteur nous laisse juge, à nous d'en penser ce que nous voulons.
J'ai beaucoup aimé parce qui va rester longtemps en moi. Je l'ai lu il y a quelques jours et j'y pense depuis chaque jour, essayant de trouver des réponses, un sens. Qu'a voulu nous transmettre Herman Melville, quelle était son idée première et je l'admire d'avoir réussi à faire en 80 pages un récit où la multiplicité des interprétations en fait une œuvre insolite, philosophique, énigmatique. Il y glisse des symboles comme le mur devant lequel Bartleby préfère travailler, semblable à lui-même face aux autres, un scribe qui restera un mystère, lui dont le passé nous est inconnu mais qui contient, peut-être comme il l'est évoqué en toute fin, les raisons de son choix à ne pas répondre aux injonctions. Bartleby c'est lui mais cela peut-être n'importe qui, celui que l'on est, celui que l'on voudrait être, celui que l'on admire ou celui qui reste un mystère, agace, résiste.
Bluffant..... Coup de 🧡
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