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Citations de Hortensia Papadat-Bengescu (52)


Oui ! il faisait un temps tout à fait comme ça, lorsqu’elle s’était liée à Lina… et son énigme semblait éclaircie pour le cocher, car sa bouche large affichait la grimace joyeuse de quelqu’un qui regarde une personne heureuse. Mini avait saisi le billet destiné au cocher et l’avait remis machinalement dans le sac, ensuite elle s’était dirigée doucement vers les escaliers, sur le ciment gelé. […] Elle appuya à peine sur la sonnette, comme d’habitude.

(traduit du roumain par Florica Courriol)
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Souriant dans l’air qui fouettait les visages, sourire lumineux dans le givre qui tombait, Mini regardait la maison d’en face qu’elle ne voyait sûrement pas et le cocher qui frottait ses pattes emmitouflées de gants rudimentaires en laine marron et qui la regardait à son tour, détendu, comme s’il apercevait un peu de soleil dans l’air sacrément froid…et Mini souriait encore plus, réchauffant plus fort l’instant figé.

(traduit du roumain par Florica Courriol)
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Lorsqu’elle descendit de la voiture devant la maison des Rim, Mini glissa légèrement. Il y avait un verglas terrible. Le mouvement appela du souvenir lointain un autre mouvement, semblable : un jour de gel comme celui-ci, le jour où elle arrivait dans la Cité, le premier hiver après la guerre […] Arrêtée près de la voiture à cheval, Mini cherchait distraitement dans son sac, les mains tout à coup réchauffées dans leurs gants, sans le trouver, le billet de vingt « lei », qui était bien à sa place… À la même époque de sa vie, elle avait connu les Rim : l’amie Lina, « la Bonne Lina », et l’escogriffe aux longues griffes, son savant époux, Rim le catholique et surtout le jésuite.

(traduit du roumain par Florica Courriol)
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Hortensia Papadat-Bengescu
Jamais et nulle part, les poèmes ne sont lus, les livres racontés, les pièces de théâtre jouées avec une plus grande gaucherie et avec une plus grande force d’adoration [que pendant les récréations des cours de lycée]. Pour nous alors, le poète était un Dieu. Plus tard, les hommes humanisent trop la divinité ou bien, ne savent plus diviniser les mortels. Moi, j’ai gardé intacte cette force d’aimer le Poète dans l’homme de tous les jours et j’élève des statues toujours aussi belles aux vivants.

(à Alexadru Vlahuță, traduit du roumain par Florica Courriol)
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Marcian ne quitta pas un moment les exécutants, il restait avec eux. La façon de procéder de l’artiste, encore qu’elle ne fût pas préméditée, créait un état d’esprit excellent pour la musique et un état moral semblable pour les musiciens. Leur solidarité avec le chef d’orchestre permettait une interprétation parfaite.

(p. 278)
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Le rythme à la phrase ample ou le chuchotement minutieux de Bach ne quittait jamais l’idée grave, l’émotion concentrée, le dessin tracé de lui-même à travers les méandres harmonieux. Les sons relevaient les reliefs de nobles effigies, les modulations donnaient des suggestions de virtuosité. Il s’élevait là des prières simples pour des amours sans duplicité, à l’ascension sereine ; des amours édifiées par une âme victorieuse, mais sans faste ni vanité, franchissant des obstacles écartés par la virtuosité spirituelle.

(p. 277)
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En revanche, dès que la musique commençait, cela la calmait, lui rendait une certitude absolue. C’était comme si elle flottait sur une mer paisible, avec des ports qui étaient autant de promesses de bonheur. […] La portée musicale était un amphithéâtre féerique sur lequel se projetait l’architecture des palais de marbre. Sur les fondations des cordes, les notes ponctuaient le dessin des jardins, les arpèges faisaient la courbe des collines et à partir de la clé de sol des cascades d’eau envoyaient un tourbillon fluide ou seulement une nappe de fraîcheur, une araignée vaporeuse comme la fine dispersion d’un jet d’eau. Ensuite le soir tombait en accord mineur sur les cités.

(pp. 276-277)
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Elena assistait à la répétition générale du concert de Bach comme une élève bien appliquée à une distribution des prix. Elle ne se rendit pas compte de la succession exacte des numéros du programme, ni de l’attitude de ceux qui y assistaient, pendant les pauses. Une rumeur de soie et de délectation l’envahissait et lui transmettait son message de satisfaction. C’était la palpitation légère des dames en robes de taffetas et de crêpe de Chine.

(p. 276)
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L’olympienne Elena connaissait, elle aussi, quelques émotions, soulevées par son unique passion : la musique. Pour tout ce qui concernait ses matinées musicales, elle éprouvait hésitations, timidité, craintes, soucis, impatiences, bref, toute la gamme des sentiments. Même lorsque tout était au point, les soucis ne manquaient pas : le virtuose X, de passage à Bucarest, accepterait-il de jouer chez elle, avant le concert public ? La musique de Saint-Saëns serait-elle mieux exécutée qu’à l’Athénée ? La partition de Debussy était-elle vraiment celle jouée dans la salle Érard ?.

(p. 173)
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La veille, Elena avait ressenti une faiblesse physique et spirituelle de convalescente et de cette fatigue elle était vite passée à un profond sommeil. […] L’arrivée des invités se fit presque sans qu’elle eût à intervenir, par vagues propices qui les rangeaient favorablement. Elena se tenait parmi eux comme une simple auditrice. Elle éprouva l’émotion des violons qui s’accordaient comme la préparation d’une délectation qui va être offerte, sans avoir conscience de ses responsabilités.

(pp. 274-276)
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Le jour de la répétition générale, préparée depuis si longtemps par Madame Elena Draganescou-Hallipa avec passion et méthode, arriva. Elle avait été longuement organisée avec un zèle systématique, attendue ensuite avec patience et sagesse et, les derniers jours, avec un surprenant énervement.

(p. 274)
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Excellent technicien, peut-être sans grande expressivité, [Rim] était toujours à la hauteur d’une bonne exécution. Et puis, il fallait quelqu’un qui donne le ton, qui sache créer l’atmosphère pour « le style de Bach », qui ne laisse à aucun moment retomber le rythme, ni l’âpreté méticuleuse, ni la sérénité majestueuse du génie de Bach. Elena qui ne supportait pas que l’on puisse déroger à un programme de travail suivi, fut obligée d’envoyer Nory voir ce qui arrivait au docteur et pourquoi il manquait à l’appel.

(pp. 173-174)
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Le corps spirituel présente parfois des désaccords partiels de la santé […] D’autres organismes spirituels, tout comme les êtres physiques, présentent des anémies, rachitismes, dégénérescences et certains, comme celui de Lenora, de brusques lésions.

(traduit du roumain par Florica Courriol)
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Les jumeaux Hallipa, loin d’être des imbéciles, mais conséquents avec leur naissance en double exemplaire, devaient se contenter de la moitié de toute valeur […] [ils] possédaient une curieuse intelligence : médiocre et persévérante, obtuse et perçante… En guise de laboratoire, ils se contentaient pour l’instant d’une pièce au sous-sol de la faculté, d’où on avait délogé l’intendant. Ces vers de terre se sentaient bien dans l’obscurité […] D’une ressemblance parfaite, ils prononçaient les mêmes paroles en même temps, avaient des gestes simultanés et des idées similaires. Étonnants lorsqu’ils étaient ensemble, si on les rencontrait séparément, leurs réactions et pensées étaient banales, voire incompréhensibles. On se trouvait devant une double éprouvette contenant le même liquide toxique, ou on tenait un des deux bouts du même fil.

(pp. 160-162)
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Mini avait alors poussé avec précaution le portillon de la grille fraîchement repeinte et avait gravi l’escalier inconnu avec l’émotion que donne tout escalier que l’on monte pour la première fois […] Maintenant elle attendait, en proie à une légère inquiétude, que la stridence de la sonnerie faisait vibrer en elle. Le docteur Rim, lui, ne connaissait que les vibrations du violon. Quant à Lina, la doctoresse, sa courtaude de femme, elle n’avait ni voix ni oreille musicale, sans parler de Sia, l’infirmière, qui n’était qu’on bloc imperméable et têtu de pensées mesquines et bornées.

(pp. 8-9)
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La maladie lui fournissait une bonne occasion d’organiser des réceptions jusque-là un peu flottantes [...] Toujours en raison de la maladie, les réceptions étaient simples, le plus souvent des dîners restreints, au cours desquels Ada réussissait à introduire le maximum de luxe, sans ostentation, mais de façon que les invités comprennent son bonheur.

(p. 129)
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Elle comptait sur la surprise pour rendre le refus impossible. Bach était son excuse. Sa passion pour Bach lui permettait des procédés absurdes. Ada n’avait point de fibre artistique en elle ni d’informations suffisantes sur ce genre de tempérament, mais elle savait que l’art a ses lois qui permettaient beaucoup d’écarts par rapport à la norme.

(pp. 128-129)
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– Cet hiver je ne sors point, disait-elle, mon mari est malade ; mais quelle merveilleuse initiative ! C’est une admirable idée que d’élargir le cercle. Moi je suis une adepte fanatique de Bach !
Et, avec l’aide du premier dictionnaire musical venu, elle parlait de Bach avec compétence. Même Elena n’en faisait pas autant qu’Ada pour propager la nouvelle de son événement artistique.

(p. 128)
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Elle ne fréquentait pas Elena, car elles ne se connaissaient presque pas, même si elles étaient d’anciennes camarades d’école. […] Elle ne devait pas compter sur Maxence, si peu amène et qui d’ailleurs n’aurait pas pu être à l’aise pour reprendre les relations avec Elena en dehors de circonstances exceptionnelles. Ada ne trouvait pas encore le moyen d’y parvenir, mais elle le cherchait avec acharnement et, en attendant, faisait une publicité active pour le concert d’Elena.
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Dès qu'elle rencontrait quelqu'un, elle lui parlait d'emblée du concert de Bach.

(p. 128)
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