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Citations de Ingrid Seyman (37)


Désespérant de voir Babeth s'occuper réellement des papiers du divorce, j'entrepris de lire l'intégralité des romans d'Agatha Christie, afin de libérer notre foyer de l'encombrante présence de Patrick. L'idée de commettre un parricide ne m'enchantait pas plus que cela. Mais je n'avais pas le choix. Si personne n'était prêt à prendre ses responsabilités dans cette famille, c'était à moi - qui avait toujours été la plus pragmatique de tous - qu'il incombait de faire le nécessaire.
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Ne connaissant du Judaïsme que les effets secondaires, j'avais découvert avec un vrai bonheur le Dieu de mes camarades. Je l'aimais pour sa générosité et son côté pas revanchard. Mais j'appréciais surtout qu'il n'attire aucune sorte d'ennuis à ses fidèles.
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L'idée pouvait encore moins venir de ma mère qui, de toute son enfance, ne m'avait jamais raconté qu'un seul épisode en détail : l'internat catholique de Notre-Dame-du-Mont, où de méchantes soeurs (qui n'étaient pas mes tantes) l'avaient, quinze ans durant, forcée à croire en Dieu à coups de baguette sur les doigts et contrainte à manger (en remerciant Dieu avant) trois plâtrées d'épinards sans crème à la semaine. C'est grâce à ces soeurs-là qu'on ne mangeait pas d'épinards chez nous. ça s'appelait la résilience. (p.26)
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Quel était le sort le plus enviable ? me demandais-je en observant mon sexe de petite fille à la lueur de la lape de chevet. N'avoir jamais eu de prépuce ? Ignorer qu'on en avait un ? Avoir conscience de son prépuce et en être par la suite définitivement privé ? (p.17)
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Je naquis donc, de droite, dans une famille de gauche. (p.7)
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INCIPIT
Je suis née d’une levrette, les genoux de ma mère calés sur un tapis en peau de vache synthétique. Je n’en suis pas certaine mais j’ai de fortes présomptions. D’abord parce que mes parents étaient aux sports d’hiver lorsqu’ils m’ont conçue. Surtout parce qu’ils n’ont jamais caché leur passion pour cette position. Pour tout dire, j’associe le générique de L’École des fans au tempo crescendo de la première levrette qu’il me fut donné de surprendre. Je sais que tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents soixante-huitards qui faisaient de la « gymnastique » dans leur chambre tous les dimanches après-midi, tandis que leur gamine, collée devant Jacques Martin, rêvait de raies sur le côté et de socquettes en dentelle. Moi, oui.
Je naquis donc, de droite, dans une famille de gauche. Cette inclination, détectable depuis mon premier cri, poussé le jour de Noël au grand désespoir de mon athée de mère – qui ne m’attendait pas si tôt – et de mon Juif de père – qui dans ce coup du sort détecta les stigmates d’un mauvais œil que nous auraient jeté les voisins de palier – se confirma dès mon plus jeune âge. Alors que mes parents consacrèrent les trois premières années de ma vie à tenter de me convertir à leur vision de l’existence, je demeurai une indécrottable réactionnaire. J’étais propre à quinze mois. M’endormais tous les soirs à 8 heures pétantes. Refusais de danser lorsque mes géniteurs me traînaient avec eux en discothèque, préférant m’allonger sur les banquettes des dancings, non prévues à cet effet, tout en les culpabilisant du regard. Je fantasmais sur des robes marine. Me niais à porter des pattes d’éléphant. Pire encore : je ne réussis jamais à briser un seul des vases – pourtant judicieusement posés à portée de mes bras sur la table basse du salon – que ma mère rêvait de me voir lâcher à ses pieds. Car sa meilleure amie était formelle : tous les enfants de soixante-huitards faisaient ça. Ce refus obstiné d’affirmer mon moi ne manqua pas d’inquiéter Elizabeth. Elle voulut m’emmener chez le pédopsychiatre. Mais mon père refusa, au motif qu’il n’y avait pas de pédopsychiatre juif dans le quartier.
À l’inverse d’une partie de notre famille, mon père n’était juif que par intermittence. L’essentiel de sa pratique religieuse consistait à ajouter un suffixe à consonance israélite au patronyme des gens célèbres n’en étant pas encore pourvus. Et il suffisait qu’on entende à la radio les premières notes du tube Boule de flipper pour que Patrick en baisse autoritairement le son et me convoque dans le salon :
Esther, écoute-moi bien !
Corinne Charby mon cul.
C’est Corinne Charbit qu’elle s’appelle.
Mais les Juifs ont peur, tu comprends.
Ils continuent à se cacher.
J’appris ainsi que la plupart des gens qui passaient à la télé étaient de la même confession religieuse que mon père mais préféraient taire leurs origines par crainte des représailles. À trois ans, je ne savais pas encore en quoi consistaient ces représailles mais j’avais déjà peur, au cas où.
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Le poumon de leur appartement était le vase de Souk-Ahras. A vrai dire ce n’était même pas un vase mais un récipient informe en terre cuite, orné de croûtes marron en relief, que Patrick appelait des motifs orientaux. Comme mes grands-parents, mon père et ses deux sœurs, le vase de Souk-Ahras était un rapatrié d’Algérie. Et il trônait depuis 1962 sur le meuble de télévision de mes grands-parents.
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Je jouissais de le voir trépigner d’impatience et me tourner autour comme si j’étais devenue la petite fille la plus intéressante du monde. Puis le dernier carré fondait dans ma bouche et l’interrogatoire commençait.
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Les culottes ça ne sert à rien.
On vit nu comme on naît.
Le reste c’est des conventions.
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Je suis née d’une levrette, les genoux de ma mère calés sur un tapis en peau de vache synthétique.
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En guise de parrain, j'héritai de Pierre, le mari corse de ma tante Josiane, plus connu pour sa fidélité au côtes-de-Provence et à sa passion pour la physique-chimie, qu'il enseignait, généralement soûl, aux élèves d'une boite à bac marseillaise, que pour sa ferveur religieuse.
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A l'inverse d'une partie de notre famille, mon père n'était juif que par intermittence. L'essentiel de sa pratique religieuse consistait à ajouter un suffixe à consonance israélite au patronyme des gens célèbres n'en étant pas encore pourvus. Et il suffisait qu'on entende à la radio les premières notes du tube 'Boule de flipper' pour que Patrick en baisse autoritairement le son et me convoque dans le salon :
« Esther, écoute-moi bien !
Corinne Charby, mon cul.
C'est Corinne Charbit qu'elle s'appelle.
Mais les Juifs ont peur, tu comprends.
Ils continuent à se cacher. »
J'appris ainsi que la plupart des gens qui passaient à la télé étaient de la même confession religieuse que mon père mais préféraient taire leurs origines par crainte des représailles. A trois ans, je ne savais pas encore en quoi consistaient ces représailles mais j'avais déjà peur, au cas où
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J'avais mon rond de serviette chez les Robert, les Lafond et les Barthélemy de Saizieu. Chez eux, je menais la vie de château, une existence sans représailles, faite de gâteaux au yaourt confectionnés par des mères au foyer et par ailleurs profs bénévoles de catéchèse, de dîners en famille sans les couilles de mon père avec des miettes de pain dessus (on ne mangeait jamais nu chez les Robert), de parents qui s'aimaient sans briser d'assiettes sur les murs et jamais en levrette sur le clic-clac du salon.
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En CM1, je me mis ainsi à vouer une passion maladive à l’orthographe et la grammaire, maîtrisant comme personne règles et exceptions. J’aimais les -eau, les -ai au lieu des -é. J’avais de l’affection pour les participes passés irréguliers. Je jouissais en apprenant des listes de « sauf » (hibou, caillou…) et d’obscures terminaisons de subjonctif imparfait. Au Noël de mes huit ans, j’exigeai un tableau de maîtresse et Jérémy me fut livré en guise de cobaye. Chaque soir, après l’école, je fermais la porte de la chambre derrière nous et menaçais son œil sans sparadrap de ma baguette : tu l’as pourtant bien vu ce mot, Jérémy ! Alors tu l’écris ! Et tu le réécriras jusqu’à ce que tu n’aies même plus à penser pour le faire.
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"Mon frère et moi réagissions de façon distincte à ces différends conjugaux. A la première assiette fracassée sur le mur, Jérémy devenait un autre, mais un autre qui lui ressemblait, dans une version plus terrifiante. il se transformait d'abord physiquement, un peu à la manière de Hulk, en suivant toujours les mêmes étapes: il commençait systématiquement par se mordre la main droite avant d'entamer une espèce de ronde autour du ring choisi par mes parents pour s'affronter.
Et tandis que Patrick et Babeth se battaient à la table de la cuisine, autour d'un château de sable ou à même le sol à coups de plateau de Monopoly, mon frère faisait le tour de la table (du château ou de la moquette) en bondissant. Ses yeux, déjà très clairs, se transformaient au fil des coups qui pleuvaient et des sauts qui agitaient son maigre corps en deux billes translucides qui auraient fait pâlir d'envie le plus maléfique des monstres à trois têtes. Il se mettait ensuite à gémir d'une voix bien trop puissante pour son âge. Et puis le gémissement devenait grognement, cri sorti des entrailles de la terre, dont je ne parvenais pas à décrypter le sens. Jérémy menaçait-il mes parents? Les exhortait-il au contraire à continuer à se battre? Je n'aurai su le dire, et j'imagine que Babeth et Patrick non plus. Car ce cri ne produisait jamais le moindre effet sur eux.
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Il fallut que ma mère se remette à pleurer,[...] pour que je cesse enfin de faire ce que j'avais toujours fait pour chasser mes angoisses: chipoter sur des mots ou des règles de grammaire, qui n'avaient aucune importance. La balle, perdue ou retrouvée, dans le cœur de Jean-Louis n'était pas le souci. Car Babeth n'en avait jamais eu qu'un dans sa vie: Patrick.
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J’ignore les raisons qui poussèrent Elizabeth à se séparer de mon père alors que j’avais trois ans. Je sais par contre que cette séparation ne dura pas. En lieu et place du divorce de mes parents, j’eus un frère.
Je me souviens parfaitement du jour de sa naissance puisqu’il occasionna un de mes tout premiers scandales. J’étais à la crèche ce lundi-là, en rogne à l’idée que ma mère, partie à l’hôpital juste après m’avoir déposée, ne viendrait certainement pas me chercher. Ma rogne monta d’un cran lorsque j’appris, de la bouche des puéricultrices, qu’une dénommée « Tata » venait de se présenter à l’accueil avec la ferme intention de me récupérer. D’ordinaire très sage, voilà que je m’époumonais :
– Je n’ai pas de Tata !
Convaincue qu’on voulait m’enlever, je parvins à semer le doute dans l’esprit du personnel de la crèche. À l’accueil, on fit donc poireauter Tata tandis que la directrice essayait, sans y parvenir, de joindre mes parents à la maternité. Horriblement vexée, ma tante Josiane finit par suggérer qu’on organise entre elle et moi une confrontation physique, confrontation d’où il ressortit que je la connaissais parfaitement puisque je lui sautai au cou. p. 15
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