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Citations de Ingrid Seyman (37)


«  Outre la gymnastique, mes parents partageaient une passion pour l’exhibitionnisme d’intérieur .
Ils vivaient donc nus, regardaient la télé nus, mangeaient des huîtres nus, sans crainte du ridicule ni de la facture de gaz puisque nous avions le chauffage central .
À l’unisson aussi , ils votaient à gauche , militaient contre la peine de mort et refusaient de m’acheter le journal Pif au motif que les communistes avaient du sang ( Juif) sur les mains . »
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Je suis née d’une levrette, les genoux de ma mère calés sur un tapis en peau de vache synthétique.
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Désespérant de voir Babeth s'occuper réellement des papiers du divorce, j'entrepris de lire l'intégralité des romans d'Agatha Christie, afin de libérer notre foyer de l'encombrante présence de Patrick. L'idée de commettre un parricide ne m'enchantait pas plus que cela. Mais je n'avais pas le choix. Si personne n'était prêt à prendre ses responsabilités dans cette famille, c'était à moi - qui avait toujours été la plus pragmatique de tous - qu'il incombait de faire le nécessaire.
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En guise de parrain, j'héritai de Pierre, le mari corse de ma tante Josiane, plus connu pour sa fidélité au côtes-de-Provence et à sa passion pour la physique-chimie, qu'il enseignait, généralement soûl, aux élèves d'une boite à bac marseillaise, que pour sa ferveur religieuse.
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A l'inverse d'une partie de notre famille, mon père n'était juif que par intermittence. L'essentiel de sa pratique religieuse consistait à ajouter un suffixe à consonance israélite au patronyme des gens célèbres n'en étant pas encore pourvus. Et il suffisait qu'on entende à la radio les premières notes du tube 'Boule de flipper' pour que Patrick en baisse autoritairement le son et me convoque dans le salon :
« Esther, écoute-moi bien !
Corinne Charby, mon cul.
C'est Corinne Charbit qu'elle s'appelle.
Mais les Juifs ont peur, tu comprends.
Ils continuent à se cacher. »
J'appris ainsi que la plupart des gens qui passaient à la télé étaient de la même confession religieuse que mon père mais préféraient taire leurs origines par crainte des représailles. A trois ans, je ne savais pas encore en quoi consistaient ces représailles mais j'avais déjà peur, au cas où
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J'avais mon rond de serviette chez les Robert, les Lafond et les Barthélemy de Saizieu. Chez eux, je menais la vie de château, une existence sans représailles, faite de gâteaux au yaourt confectionnés par des mères au foyer et par ailleurs profs bénévoles de catéchèse, de dîners en famille sans les couilles de mon père avec des miettes de pain dessus (on ne mangeait jamais nu chez les Robert), de parents qui s'aimaient sans briser d'assiettes sur les murs et jamais en levrette sur le clic-clac du salon.
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En CM1, je me mis ainsi à vouer une passion maladive à l’orthographe et la grammaire, maîtrisant comme personne règles et exceptions. J’aimais les -eau, les -ai au lieu des -é. J’avais de l’affection pour les participes passés irréguliers. Je jouissais en apprenant des listes de « sauf » (hibou, caillou…) et d’obscures terminaisons de subjonctif imparfait. Au Noël de mes huit ans, j’exigeai un tableau de maîtresse et Jérémy me fut livré en guise de cobaye. Chaque soir, après l’école, je fermais la porte de la chambre derrière nous et menaçais son œil sans sparadrap de ma baguette : tu l’as pourtant bien vu ce mot, Jérémy ! Alors tu l’écris ! Et tu le réécriras jusqu’à ce que tu n’aies même plus à penser pour le faire.
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"Mon frère et moi réagissions de façon distincte à ces différends conjugaux. A la première assiette fracassée sur le mur, Jérémy devenait un autre, mais un autre qui lui ressemblait, dans une version plus terrifiante. il se transformait d'abord physiquement, un peu à la manière de Hulk, en suivant toujours les mêmes étapes: il commençait systématiquement par se mordre la main droite avant d'entamer une espèce de ronde autour du ring choisi par mes parents pour s'affronter.
Et tandis que Patrick et Babeth se battaient à la table de la cuisine, autour d'un château de sable ou à même le sol à coups de plateau de Monopoly, mon frère faisait le tour de la table (du château ou de la moquette) en bondissant. Ses yeux, déjà très clairs, se transformaient au fil des coups qui pleuvaient et des sauts qui agitaient son maigre corps en deux billes translucides qui auraient fait pâlir d'envie le plus maléfique des monstres à trois têtes. Il se mettait ensuite à gémir d'une voix bien trop puissante pour son âge. Et puis le gémissement devenait grognement, cri sorti des entrailles de la terre, dont je ne parvenais pas à décrypter le sens. Jérémy menaçait-il mes parents? Les exhortait-il au contraire à continuer à se battre? Je n'aurai su le dire, et j'imagine que Babeth et Patrick non plus. Car ce cri ne produisait jamais le moindre effet sur eux.
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Il fallut que ma mère se remette à pleurer,[...] pour que je cesse enfin de faire ce que j'avais toujours fait pour chasser mes angoisses: chipoter sur des mots ou des règles de grammaire, qui n'avaient aucune importance. La balle, perdue ou retrouvée, dans le cœur de Jean-Louis n'était pas le souci. Car Babeth n'en avait jamais eu qu'un dans sa vie: Patrick.
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Toujours bien rangée dans la file de ma classe, j'observai le corps du Christ qu'arboraient à leur cou mère Charles, Mme Monasterio - ma maîtresse de CP - ainsi que la quasi-totalité de mes camarades. Si j'avais déjà pénétré dans une église, c'était la première fois que je le voyais de si près. Le suspendre dans de tels états - agonisant au-dessus du tableau ou étouffant entre les seins de ma truculente maîtresse - ne me rassura pas.
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En guise de parrain, j'héritai de Pierre, le mari corse de ma tante Josiane, plus connu pour sa fidélité au côtes-de-Provence et à sa passion pour la physique-chimie, qu'il enseignait, généralement soûl, aux élèves d'une boite à bac marseillaise, que pour sa ferveur religieuse.
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Ne connaissant du Judaïsme que les effets secondaires, j'avais découvert avec un vrai bonheur le Dieu de mes camarades. Je l'aimais pour sa générosité et son côté pas revanchard. Mais j'appréciais surtout qu'il n'attire aucune sorte d'ennuis à ses fidèles.
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[ première rentrée à l’école privée Jeanne-d’Arc ]
Toujours bien rangée dans la file de ma classe, j'observai le corps du Christ qu'arboraient à leur cou mère Charles, Mme Monasterio - ma maîtresse de CP - ainsi que la quasi-totalité de mes camarades. Si j'avais déjà pénétré dans une église, c'était la première fois que je le voyais de si près. Le surprendre dans de tels états - agonisant au-dessus du tableau ou étouffant entre les seins de ma truculente maîtresse - ne me rassura pas.
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Mon grand-père déposait sur la table de la cuisine 'Le Méridional' et 'Le Provençal', qui étaient les deux journaux de Marseille. Babeth, qui ne jurait que par 'Libération', refusait de lire ces torchons, au prétexte qu'ils faisaient semblant d'être de droite ('Le Méridional') et de gauche ('Le Provençal'), mais réussissaient l'exploit de ne parler de rien, tout en disant peu ou prou la même chose.
(p. 106)
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[Ma mère] posa la poêle sur le dessous-de-plat et commença à nous servir.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Agnès en désignant les rectangles de colin qui baignaient dans leur huile de friture.
- T'as jamais mangé de poisson ? s'étonna Jérémy sans soupçonner qu'Agnès n'ait pu connaître de cet aliment que sa version préindustrielle.
- J'en mange tous les vendredis soir, répondit Agnès. Je n'aime pas trop, à cause des arêtes.
Babeth [ma mère] s'engouffra dans la brèche :
- Esther se plaint tout le temps parce que je ne cuisine jamais et que je préfère de loin jouer à 'La Bonne Paye' avec elle. La maman d'Agnès passe certainement des heures aux fourneaux et Agnès n'est pas contente non plus.
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A l'inverse d'une partie de notre famille, mon père n'était juif que par intermittence. L'essentiel de sa pratique religieuse consistait à ajouter un suffixe à consonance israélite au patronyme des gens célèbres n'en étant pas encore pourvus. Et il suffisait qu'on entende à la radio les premières notes du tube 'Boule de flipper' pour que Patrick en baisse autoritairement le son et me convoque dans le salon :
« Esther, écoute-moi bien !
Corinne Charby, mon cul.
C'est Corinne Charbit qu'elle s'appelle.
Mais les Juifs ont peur, tu comprends.
Ils continuent à se cacher. »
J'appris ainsi que la plupart des gens qui passaient à la télé étaient de la même confession religieuse que mon père mais préféraient taire leurs origines par crainte des représailles. A trois ans, je ne savais pas encore en quoi consistaient ces représailles mais j'avais déjà peur, au cas où.
(p. 8-9)
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♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=mBiTrNzJ7DE (1986)
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Nous n'avions pas de maison avec jardin, pas de salle à manger puisqu'on bouffait tous nus dans la cuisine et encore moins de pièce en trop, comme celle que les parents d'Agnès appelaient le "hall d'entrée" et dont la parfaite inutilité me semblait être le comble de la distinction. (p.63)
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L'idée pouvait encore moins venir de ma mère qui, de toute son enfance, ne m'avait jamais raconté qu'un seul épisode en détail : l'internat catholique de Notre-Dame-du-Mont, où de méchantes soeurs (qui n'étaient pas mes tantes) l'avaient, quinze ans durant, forcée à croire en Dieu à coups de baguette sur les doigts et contrainte à manger (en remerciant Dieu avant) trois plâtrées d'épinards sans crème à la semaine. C'est grâce à ces soeurs-là qu'on ne mangeait pas d'épinards chez nous. ça s'appelait la résilience. (p.26)
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Quel était le sort le plus enviable ? me demandais-je en observant mon sexe de petite fille à la lueur de la lape de chevet. N'avoir jamais eu de prépuce ? Ignorer qu'on en avait un ? Avoir conscience de son prépuce et en être par la suite définitivement privé ? (p.17)
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Je naquis donc, de droite, dans une famille de gauche. (p.7)
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