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Critiques de Iouri Olécha (6)
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L'envie

Lui, c'est André Petrovich Babitchev, directeur du trust de l'industrie alimentaire,

un charcutier en gros, un confiseur en gros, un cuisinier en gros, bref un personnage en gros 😄, un barine !

“Et moi, Nicolas Kavalérov, je suis son bouffon,” son parasite, le narrateur de cette histoire, “L'Envie”, publié en 1927, dix ans après la révolution bolchevique, et considérée le chef d'oeuvre de mon créateur Iouri Olécha. Je suis l'homme qui haïssait tout le monde et qui enviait chacun, le veinard, l'orgueilleux qui débordait de plans magnifiques, voulait accomplir de grandes choses mais qui n'en fit rien . Ceci est mon histoire, l'ivrogne, le poète, le bon à rien, bref l'homme du monde ancien, et celle de l'homme que j'envie et haï, André Babitchev, l'homme nouveau, le superman du nouveau régime communiste.



Racontée dans le contexte du chaos de l'édification du rêve socialiste russe et des désillusions qui s'en suivirent, un récit qui va inéluctablement vous dérouter.....Sous forme d'une fable mi-baroque, mi-fantastique d'une prose enchanteresse,

une plongée dans la société russe du début du siècle dernier, dans les années qui suivirent la révolution. Un saucisson y devient le protagoniste d'un festin digne d'un tableau de Tiepolo ( le banquet de Cleopatre / la référence est de l'auteur, pas de moi 😀), la verrue d'une tante s'épanouit en une modeste fleur des champs, qu'une piqûre d'abeille enivrée va transformer en “une sorte de serre tropicale”, ......

Iouri Olécha est considéré comme l'un des plus grands romanciers russes du XXiéme siècle. Né en Ukraine d'une famille d'aristocrates polonais ruinée, il accueille avec enthousiasme la révolution bolchevique de 1917, alors qu'il vient d'avoir dix-huit ans; mais il en revient très vite quand le rêve du plan quinquennal prend le pas sur celui de l'homme nouveau. Cette mise en cause de la nouvelle société soviétique est ici mise en scène dans un face à face de l'homme ancien et de l'homme nouveau, dont l'individualité est sacrifiée au profit de la communauté et les sentiments au profit de la raison. C'est son premier roman, considéré comme son chef-d'oeuvre. Un formidable challenge de lecture, que je vous invite à découvrir.



«  Toute époque expirante envie celle qui va la remplacer. »

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L'envie

Une superbe pioche en bouquinerie. Un petit bijou facile à parcourir, où beaucoup de métaphores étonnent, et transportent sur fond de réflexion politique dans une fantasmagorie époustouflante, entre rêve et réalité. C’est clownesque, poétique et merveilleusement écrit.



On est au début du XX è siècle. C’est la révolution en Russie. Kavalerov, un clochard est recueilli saoul dans la rue par Babitchev, directeur d’un trust alimentaire. Celui-ci lui offre un coin de chambre où dormir, et parfois un petit boulot, comme de transporter du saucisson. Kavalerov, désoeuvré, observe tous les faits et gestes de Babitchev, ce qui n’est pas rien. Il devient envieux de lui. Disons plutôt que c’est sa haine du capitalisme qu'incarne Babitchev qui motive son sentiment d’envie. Le sentiment d’envie est illustré en profondeur, et vient avec lui la question des sentiments en général.



Un livre subtil à lire.

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L'envie

L’écrivain Iouri Olécha a fêté ses dix-huit ans en 1917. Son entrée dans l’âge adulte a coïncidé avec la Révolution et il s’est senti « suspendu entre deux mondes ». La révolution dont l’un des objectifs était de former «l’homme nouveau », un travailleur plein d’abnégation et d’enthousiasme, pourvu d’une conscience communiste, entièrement dévoué au collectif, a fracassé l'ancien monde reposant sur l’individualisme . Olécha va illustrer l’opposition entre ces deux mondes avec les personnages de son roman « l’envie » : Andreï Babitchev et son contraire, son frère Ivan ; Volodia Makarov, l’ambitieux, et son adversaire, Kavalerov.

Andreï Babitchev est un entrepreneur infatigable qui travaille dans l’industrie agroalimentaire. Il œuvre jour et nuit à la construction d’une immense cantine qui proposera des repas de qualité pour un coût modique. Il est capable de s’extasier pour la conception d’un saucisson de veau d’un excellent rapport qualité-prix mais n'éprouve aucune sensibilité pour la poésie ou le romantisme. A ses yeux, son frère Ivan est « un paresseux, un propre à rien, un individu nuisible ».Ivan est un inadapté, un rêveur, parfois magicien, médium ou prêcheur. A ce nouveau siècle centré sur le pratique et l’utile, où les idoles sont la machine et l’usine, il réplique en inventant une machine qu’il baptise «Ophélie », du nom de l’héroïne qui a perdu la raison par amour. La machine n’apparaît à aucun moment, elle n’existe que dans ses paroles. Ophélie est « une blagueuse, une menteuse, une fripouille sentimentale », elle est tout à la fois un rêve, une supercherie, une mystification, elle condense les sentiments et les émotions du siècle passé. Pour Ivan, les âmes sont guidées par les génies des sentiments. Pour faire surgir ces diables et les jeter en spectacle dans une arène, il cherche un prototype qui illustre parfaitement sa thèse. Il le trouve dans l’entourage de son frère qui a recueilli le citoyen Kavalérov. Kavalérov est aigri. Il souhaite de tout son cœur réussir par la force de son individualité et être reconnu. Il se sent étouffé dans cette société qui ne parle que d’effort général et d’utilité. Hébergé par Babitchev, il observe avec rage la réussite de cet industriel qu’il trouve stupide. Et la chambre qu’il occupe est réservée à Makarov, jeune homme plein d’avenir, d’ambition, sportif émérite que Babitchev considère comme son propre fils. Makarov symbolise l’homme nouveau. Il recommande à Babitchev de chasser son hôte. Après, l'expulsion, la déception amoureuse : la belle Valia, nièce d’André et fille d’Ivan, convoitée par Kavalérov, est éprise de Makarov et se moque du romantisme de son prétendant. Kavalérov se rabat sur sa logeuse, une veuve qui le dégoûte. Il est le perdant. Et son âme est guidée par un fort sentiment d’envie. Mais même dans les bas-fonds, Iva le foutraque n'est jamais loin...

J’ai été surpris par la liberté de ton et par la fantaisie de ce roman. C’est une critique directe des principes moraux de l’idéologie communiste. Le récit est d’une grande modernité, il pourrait être l’œuvre d’un auteur contemporain. J’ai parfois été décontenancé par la succession des scènes : le récit parfois onirique, politique ou burlesque, peut passer d'une scène de cirque à un match de football... Ce roman impertinent publié en 1927 présage les malheurs à venir : l'individu sera prochainement écrasé par la machine totalitaire et la créativité sera mise au service de la "réalité" et de l'idéologie. Quelques années plus tard, en 1931, Olécha décrètera la mort de la littérature.

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L'envie

Il faut se pincer pour croire, quand on lit L'envie d'Iouri Olecha, que ce roman est paru en 1928 dans une russie déjà stalinienne quoique pas encore tout à fait verrouillée en matière de création littéraire. Le ton, le style sont furieusement modernes jusqu'au 2/3 du roman, pour (malheureusement? je ne sais pas) finir par rejoindre une espèce d'habituel déchéance plus ou moins alcoolisée assez typique de la russie éternelle...

C'est surtout la prise de position formelle d'opposer la tradition du XIXème siècle à l'homo sovieticus, homme de la modernité et du XXème siècle post-révolutionnaire qui surprend; prenant appui sur une fratrie Babitchev opposée, André commissaire politique engagé dans la carrière politique, les honneurs et les succès féminins, Ivan tout à ses rêves de grands sentiments ne supportant pas que soit foulée aux pieds une certaine vison idyllique du XIXème siècle - et détestant son frère. Au milieu se débat Kavalerov - alter ego de l'auteur - qui ne réussit qu'à être envieux d'André tout en approuvant la haine d'Ivan. Car c'est bien le sens du titre "L'envie" ici : dans les grands sentiments qu'Ivan veut préserver du monde d'hier, c'est bien l'envie/jalousie à ne pas confondre avec l'envie/désir qu'on pourrait s'imaginer.

Tout celà donne à cette histoire - qui se termine comme je l'ai dit dans la résignation oblomovienne "Buvons à l'indifférence, ce qu'il y a de meilleur dans l'âme humaine" - une certaine ambiguité qu'on retrouve dans la biographie de l'auteur qui, après le succès apparamment très important de sa publication en 1927, a quasiment cessé toute activité littéraire à partir de 1931, se repliant sur lui-même et son journal (et une certaine quantité d'alcool) qui a paru seulement très récemment dans son intégralité (Le livre des adieux, 2006 en traduction française).

Un auteur à part, un roman très réussi - sauf la fin à mon humble avis personnel qui n'engage que moi, comme il est d'usage de dire...
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Pas de jour sans une ligne

Iouri Olécha est plutôt l'homme d'un grand roman : L'envie (1927), paru d'abord, pour sa version française, à l'Âge d'Homme en 1978, puis repris au Seuil dans les années 80, et qui vient de ressortir en format semi-poche au Sillage. Journaliste, auteurs de nombreuses pièces de théâtre, poète, il cesse toutefois l'écriture d'autres romans dans les années 30, mais, à partir des années 50, Olécha décide de s'atteler à son journal commencé vingt ans plutôt, comme il s'en explique d'ailleurs dans une lettre à sa mère en 1956 : "C'est un livre sur moi-même, sur la littérature, la vie, le monde" ; journal qui ne sera jamais achevé, l'auteur meurt en 1960, à Moscou. Il ne croit plus à la fiction, et se passionne alors pour les mémoires, même s'il avoue parfois simplement manquer d'imagination. Reste alors ses écrits, formidables, avec ce merveilleux titre, Pas de jour sans un ligne (aucun rapport avec la coke ni avec la chansonnette gniangnian de 1974), référence à Stendhal, influence majeure d'Olécha, avec Shakespeare, Edgar Poe et bien d'autres encore puisque c'est un grand lecteur, dès son enfance à Odessa, ville particulièrement bien décrite dans le premier tiers de ce livre métaphorique. On croise beaucoup d'écrivains contemporains d'Olécha : Mandelstam et Akhmatova, furtivement, Boulgakov, Kataïev, Ilf, tous très proche de l'écrivain, et puis bien sûr Maïakovski qui inonde l'imaginaire de ses contemporains d'alors... Pas un jour sans une ligne est aussi un très beau livre sur la littérature, sur les livres, sur les arts en général ; Olécha nous parle ainsi de Gogol, de Tolstoï, du journal de Delacroix, de Rossini, d'Alexandre Grine et son fantastique Attrapeur de rats, etc. Pas de jour sans un ligne est un livre rare et généreux, et les passages sur Maïakovski sont admirables et permettent d'imaginer l'émulation qui existait à cette époque autour du poète qui est allé rejoindre, en 1930, la cohorte des écrivains suicidés avant lui - Kleist, Trakl, Essenine, etc. - et que d'autres encore rejoindront - Tsvetaieva, Walter Benjamin, René Crevel, Unika Zurn, Osamu Dazai, Silvia Plath, etc. -.
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Le livre des adieux

Dans « Le livre des adieux » qui se présente comme un journal couvrant une période de 30 ans de la vie d’Iouri Olecha, il est évident qu’un minimum de repères chronologiques et biographiques auraient été les bienvenus. Malheureusement, Anatolia ne nous donne aucune table des matières et c’est au lecteur à placer des petites étiquettes aux changements d’années.

Fort de ce travail de fourmi, votre serviteur découvre deux faits très significatifs :

1. La période 1937-1954 occupe à peine 40 pages (sur 465) ; même pas 10% pour 27 années !

2. La période 1954-1960 (mort d’Olecha) fait 270 pages

Je pense que, soit les notes prises par Olecha pendant la période la plus dure de la dictature stalinienne ont été tellement bien cachées ou même détruites en urgence lors d’une perquisition qu’elles n’ont pas pu être retrouvées lors de la compilation du « journal » par sa femme, soit l’état de santé physique et moral de l’écrivain (et notamment l’alcoolisme dans lequel il dit lui-même avoir sombré) n’était pas compatible avec l’écriture.

Un autre point intéressant à noter, sur le fond cette fois-ci, est que, contrairement à un Journal, et contrairement à ce qu’en annonce l’éditeur, il s’agit plutôt dans la grande majorité de pages de souvenirs, de réflexions intellectuelles sur la littérature et les amours-haines de Iouri Olecha dans ce domaine. Les grands absents de ce livre ont pour noms : Lénine, Trostky, Staline, Krouchtchev, Beria, etc… même la guerre de 39-45, la bataille de Stalingrad, Hitler, le fascisme… rien, nada, nothing, niente. Quelques allusions très brèves et laconiques à la dictature stalinienne, au dégel à la mort de Staline (1953), … La « vision concrète des années 30-60 » annoncée en quatrième de couverture est, il faut le signaler, un pur coup marketing et je défis un historien de l’URSS de trouver dans les 465 pages le moindre apport historique.

Une fois ces précisions acceptées, il reste essentiellement un livre de mémoires plus qu’un Journal. Les datations des fragments sont d’ailleurs tellement sujet à caution que le livre commence par :

« 20 janvier 1930

…En 1929, Meyerhold me commanda une pièce. Je l’écrivis en février-mars 1930. Durant l’hiver 1931, il se mit à travailler à sa mise en scène »

Une note de bas de page du traducteur indiquant que « le contexte semble indiquer qu’il s’agit plutôt du 29 janvier 1931 ».

Par moments, les souvenirs d’enfance forcément idéalisés et parcellaires de toute littérature sur le sujet prennent un peu trop de place et font baisser l’intérêt du lecteur (les gâteaux de la grand-mère, la cour d’école, « la vie, me disais-je, c’est un éternel été » etc). Fort heureusement, le livre donne souvent des analyses passionnées et argumentées des figures majeures de la littérature russe (et pas que) du XIXème et début XXème siècle : Meyerhold, Tchekov, Maiakovski, Wells au panthéon d’Olecha. Un très long passage également sur l’Enfer de Dante ainsi que sur Montaigne. Critique assez rude de Gogol ou de Dostoievski, rejet total de Bounine, admiration de Lev Tolstoi écrivain mais pas l’homme. Ses amitiés dans le domaine des écrivains des années 20,…

Un point très présent dès le début et de plus en plus : la sensation d’être vieux, d’avoir perdu sa jeunesse et la nostalgie de ses 20 ans, et ce dès 1930 (il a 31 ans !). Il déclare lors d’une assemblée un peu éméchée « La littérature a pris fin en 1931 » - suite aux décisions de l’Union des écrivains de ne plus accepter que les livres à la gloire du prolétaire, l’homme nouveau soviétique). Mais il est très difficile de faire la part des choses entre ses propres problèmes existentiels et la chape de plomb stalinienne dans sa déchéance et sa cessation totale d’activité littéraire – hormis ces fragments souvent désordonnés.

Les 5 dernières années qui, comme je l’ai dit, occupent plus de la moitié de l’ouvrage, sont vraiment extraordinaires : sans doute libéré par le dégel – consciemment ou non - on a la sensation qu’Olecha se lâche et retrouve l’écrivain qu’il a été. L’écriture est magnifique, les thèmes abordés sont bien plus approfondis et intéressants. On se prend à vraiment maudire le gâchis - dont il ne fut pas la seule victime - pendant les 30 ans de destruction de la littérature qu’à vécu l’URSS sous Staline et à rêver de ce qu’aurait pu apporter l’épanouissement des formidables Olecha, Leonov, Babel, Pilniak, etc à leur maturité.

Un livre inégal et décousu, mais Iouri Olecha s’y livre semble-t-il sans retenue et le plaisir est tel par moments que je mets 5* - très subjectives.
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