Chacun porte en soi un livre rêvé, le livre idéal qui dit tout de nous et du monde. Il arrive parfois que l’on trouve ce livre déjà tout fait, fort commodément écrit par quelqu’un d’autre, ce qui nous dispense de l’écrire nous-même. Il peut s’agir de Babar l’éléphant ou de À la recherche du temps perdu. On le referme ébloui, apaisé, prenant rendez-vous avec soi dans le futur pour le relire. Je crois qu’un écrivain est un malheureux qui doit se résoudre à écrire son propre livre après avoir bien vérifié dans les librairies et dans les bibliothèques que décidément personne d’autre ne l’a écrit à sa place. Aussi, plus il y a de livres, moins a-t-on besoin d’écrivains.
Un éditeur m’avait déjà demandé d'écrire un livre sur mon père . Mais de tous les livres que je n’allais pas écrire dans ma vie ratée , c'était le livre absolument impossible.Si je n’en n’étais déjà réduite à n’avoir rien d’autre à écrire qu’un livre sur mon père , c’était bien la preuve que je n’étais pas un écrivain.
Tout d’abord, mettons-nous d’accord sur ce que l’on appelle déclaration d’amour. L’amour peut se déclarer comme un incendie se déclare chez quelqu’un, et le premier surpris est celui qui se trouve sur place
Il est donc de la responsabilité de la voix narratrice de susciter et d’entretenir mon intérêt de lectrice. Cela se passe à deux niveaux. Tout d’abord, comme lorsque je suis spectatrice d’une tragédie, je suis invitée, en tant que lectrice d’un récit, à m’intéresser au sort des personnages de l’histoire, à leur désir et à leur quête, voire à m’identifier à l’un d’entre eux. Mais de surcroît, dans le récit, il revient au narrateur d’agencer la narration en créant une tension de lecture, autrement dit, en suscitant et en ménageant mon désir d’arriver au dénouement.
Et c' est bien que cela soit tombée sur moi, parce qu' il savait que j' aurais adoré aussi cet autre homme en lui, celui qui aurait écrit, ce Jacques Marcel Versoud avec qui j'aurais aimé discuter littérature comme Philippe et Laurent avaient tant de plaisir à discuter politique avec leur père. Il savait aussi qu'après sa mort, j' allais non pas écrire à sa place Un certain D. Ou La Promesse au tombeau, mais continuer de fouiller les possibilités de livres qui n' ont pas été écrits dans des existences qui ne sont pas menées.
Pour lui c 'était vivre ou écrire, dilemme connu, pour moi, pas de vie qui ne soit captée par l'écriture, posture éculée.
Il n’est pas nécessaire de tuer un homme pour en devenir un soi-même.
Est-ce-que j'aurais préféré qu'il assume sa préférence pour les chansons désuètes étiez collection de lampes à pétrole ou bien est-ce-que ce compromis me convenait, entre un homme de droite font les convictions politiques commençaient déjà à me defriser mais dont l'intérêt pour l'art africain et la pop américaine me flattait?
Ce n'était qu'un fragment de lui, incomplet et trompeur, si on avait vraiment prétendu le saisie dans sa totalité. Entreprise vaine : par quelque image qu'on voulût saisir, par quelque document, témoignage, anecdote, il était impossible de recomposer son existence.
Pour ceder la place il faut que la douleur s' inscrive dans une courbe, s'amoindrisse et tente de disparaître. Ils confondaient deuil et douleur. Il n' y a pas de processus dans la douleur. (...) La douleur ne passe pas. Il faut en.passer par elle.