Citations de Jaroslav Kalfar (25)
Et mon corps disparaîtrait avec tout le reste – les sensations, les plaisirs, et les soucis que je ne pouvais chasser de mon esprit: les gens que j'aimais, les petits déjeuners servis comme des diners et les cocktails servis comme des petits déjeuners, les changements de climat, le gâteau au chocolat chaud, mes cheveux de plus en plus crie, Les mots croisés du dimanche, les films de science-fiction, la conscience d'un monde consumé par l'effondrement financier ou une catastrophe environnementale, ou par une une grippe baptisée une fois de plus du nom d'un énième animal inoffensif.
- On n'a rien fait, proteste Grand-mère. Le fils de la vieille Sedlakova est en prison pour avoir molesté un adolescent, et qu'est ce que tu vois sur sa porte ? Rien. Tout le monde prend soin de tapoter son épaule , pauvre femme, ayant donné naissance à un monstre - "Tenez, nous vous avons fait du strudel". Pourquoi elle ne fuit pas, elle ? En quoi est-on différents ?
- Ce ne sont pas des pervers qui ont occupé le pays pendant soixante ans.
- Ils occupent la planète depuis l'aube du monde."
C'était exaltant, tout cela - l'existence seule n'était-elle pas une révolution ? Nos efforts pour établir des routines dans un monde qui les interdisait, pour comprendre des profondeurs que nous ne pourrions jamais plus attendre, pour déclarer des vérités alors même que nous méprisons collectivement la piété virginale du mot. Quel chaos de contradictions les dieux créèrent-ils lorsqu'ils nous gratifièrent de la conscience de soi. Sans elle, nous serions en train de courir dans les bois comme des sangliers, de creuser la terre avec nos truffes pour trouver des vers, des insectes, des graines, des noix. Pendant la saison de rut, nous hurlerions comme des loup, des femelles alpha grifferaient le dos et les oreilles des mâles alpha.
Le pays avait été vendu au plus offrant lors de la Trahison de Munich, où, en notre absence, Chamberlain-Daladier-Mussolini-Der Führer s'étaient serré la main, avaient mangé des petits-fours et décidé qu'une petite Tchécoslovaquie était un moindre prix à payer pour la paix mondiale. Hacha avait-il été sur le point de provoquer le Grand Génocide des Tchèques et des Slovaques ? N'aurait-il pas été plus facile de mourir de la main du Führer, tout simplement, et de permettre à quelqu'un d'autre de gérer les questions plus vastes ? Hacha fit le choix de sa vie, et de la honte. Sa récompense fut de voir la nation survivre, voir la capitale sortir indemne de la guerre, contrairement aux belles tours de Varsovie et de Berlin. Après l'agression d'Hitler, Hacha s'évanouit. L'aristocratie Nazi l'aida à se relever peu de temps avant de signer le protectorat du pays par l'Allemagne. Un lâche qui sauva la nation en l'abandonnant, tout comme sa fierté.
Nous sommes plus que notre capacité à concevoir un fœtus viable. Nous sommes des amoureux. Nous sommes la plus grande contradiction de l'Univers. Nous allons contre tout cela. Nous vivons pour le plaisir de vivre, et non pas pour la sauvegarde de l'évolution. Aujourd'hui, du moins, nous aimerions le penser.
Voici ce que nous pouvons nous permettre avec la retraite de mes grands-parents : un appartement où je n'inviterais jamais un ami, s'il m'en restait. Il n'y a pas d'histoire ici, aucun héritage - tout ce que nous possédons ou louons maintenant semble être en plastique ou en étain fabriqué dans une usine par des travailleurs immigrés pour quelques sous.
"Tu sais que le monde est toujours en train d'essayer de nous attraper. Ce pays-ci, ce pays-là. Nous ne pouvons pas combattre le monde entier, les dix millions d'entre nous, donc nous choisissons des gens que nous considérons comme devant être punis, et nous les faisons souffrir du mieux que nous pouvons. Dans un livre, ton père est un héros. Dans un autre livre, c'est un monstre. les hommes qui ne sont pas dans les livres ont une vie plus facile."
(...) Internet était devenu une fois de plus un tribunal populaire, l'agora de Rome où la foule tendait le pouce vers le bas.
Chaque jour maintenant , ma progression vers le nuage était reprise aux nouvelles, et la communication au sujet de ma mission devenait frénétique. Le New York Times publia un portrait de six pages détaillant les actions de mon père, le héros du régime, le traître à son peuple. C’était un bel essai sur l’histoire de la République tchèque (je me demandai si le Times avait déjà dédié tant d’espace à mon pays) combiné à des commentaires hors-sujet et condescendants sur ma success-story de garçon issu d’un petit pays qui avait le cran d’un grand.
Grâce au sol, debout ;
Grâce au vaisseaux, vivants ;
Par les étoiles, l'espoir.
Proverbe exodien
Si. Et je leur ai toujours permis de faire ce dont ils avaient besoin. C'est le fondement de toute relation. Ne pas se piéger les uns les autres.
La grandeur d'une nation se niche dans ses symboles, ses gestes, ses actions sans précédent. C'est la raison pour laquelle les Américains sont à la traîne - ils ont construit une nation sur l'idée de nouvelles choses, et maintenant ils préfèrent s'asseoir et prier pour que le monde ne leur en demande pas trop.
Je n'étais pas un humain, j'étais un flux de poussière.
Printemps 2018. Du sommet de la colline de Petrin, par une chaude après-midi d'avril, la nation tchèque assista au décollage de la navette JanHus1 depuis un champ de pommes de terre nationalisé.
Nous ne pouvons pas combattre le monde entier, les dix millions d’entre nous, donc nous choisissons des gens que nous considérons comme devant être punis, et nous les faisons souffrir du mieux que nous pouvons. Dans un livre, ton père est un héros. Dans un autre livre, c’est un monstre. Les hommes qui ne sont pas dans les livres ont la vie plus facile.
Je vais te laisser te reposer, maigre humain, mais dis-moi, y a-t-il dans le garde-manger du vaisseau des ovas du genre aviaire ? J’en ai entendu le plus grand bien, et j’aurais plaisir à les consommer.
Je servais la science, mais je me sentais plus comme un casse-cou sur sa moto-cross, surplombant l’immense fossé du plus grand canyon du monde, priant tous les dieux dans toutes les langues avant de faire le saut de la mort, de la gloire, ou des deux. Je servais la science, pas la mémoire d’un père dont l’idée du monde s’était émiettée dans l’hivers de Velours; pas la mémoire du sang de porc sur mes chaussures. Je n’échouerais pas.
Ma première semaine dans l’espace avait été un exercice de patience ininterrompue, comme si j’étais assis dans une salle de cinéma vide, attendant que le bourdonnement d’un projecteur éclaire un écran et chasse toute pensée. La légèreté de mes os, les fonctions de mes machines, les craquements et bruits sourds du vaisseau comme si j’avais des voisins à l’étage, tout cela paraissait excitant, digne d’émerveillement. Mais au cours de la deuxième semaine, le désir de quelque chose de nouveau s’installait déjà, et l’acte de cracher du dentifrice dans une serviette jetable au lieu d’un lavabo terrestre avait perdu de sa fraîcheur.
Nous détournons les yeux de notre passé qui nous a été spolié par d’autres, dans lequel notre langue a été presque éradiquée, et durant lequel l’Europe a fermé les yeux et les oreilles alors que son cœur même était pillé et brutalisé. Ce n’est pas seulement notre science et notre technologie qui vont franchir le néant ; c’est notre humanité, notre beauté, sous la forme de Jakub Procházka, le premier astronaute de Bohême, qui va porter l’âme de la République jusqu’aux étoiles. Aujourd’hui, nous l’affirmons finalement et absolument : nous appartenons à nous-mêmes.
(...) mon esprit vagabondait ici et là, partout, tour à tour maniaque ou passif, une mouche bourdonnante parcourant une pièce, déchirée entre la liberté promise par la lumière du soleil passant par une fenêtre et le buffet infini de miettes éparpillées dans les coins sombres.