Jay Haley

Un patient a sans cesse besoin de sentir qu'il est dans le rai même quand il se trompe, et un thérapeute doit avoir la même attitude que le patient. Puis, lorsque le moment est venu pour le patient de corriger son erreur, lui et le thérapeute sont en mesure de le faire ensemble, et ainsi la thérapie devient davantage une entreprise commune.

... je lui racontai l'histoire de ce fermier près de ses sous qui savait qu'une mule, c'est quasiment la même chose qu'une "bête de travail", mais au lieu de lui faire manger de l'herbe, il lui mit des lunettes vertes et lui donna copeaux d'emballage en guise de nourriture. Puis il déplora qu'après lui avoir appris à subsister en mangeant des copeaux, elle fût morte avant qu'il ait pu la mettre au travail.

Habituellement, [Erickson] trouve dans l'existence de quelqu'un un élément positif qu'il utilise comme un levier pour modifier le comportement de ce patient. Dans le cas d'Harold, celui-ci était fier d'être un bon travailleur, et Erickson organisa ses suggestions en fonction de cela.

Les suggestions thérapeutiques ont souvent un caractère de grande banalité ; en tant que telles, ce sont des généralités dont les applications personnelles ne se remarquant pas immédiatement et qui deviennent ensuite impossibles à contester. [Exemple] "Personne ne peut savoir ce que devient un bébé en grandissant, et personne ne sait comment il sera dans cinq ans ni même l'année prochaine."

Une partie de la valeur de l'utilisation de l'hypnose réside dans le recours éventuel à l'amnésie chaque fois que l'on propose une suggestion essentielle ou du moins vraiment très importante qui risquerait d'être contestée ou remise en question. On empêche ainsi le patient de rejet une idée valable susceptible d'avoir ultérieurement des prolongements.

L'hypnose constitue un moyen d'assurer l'obéissance aux consignes, d'obtenir par moments une amnésie destinée à éviter la résistance, et, à un stade plus avancé de la thérapie, cette technique permit de réaliser chez le patient une distortion de la perception subjective du temps afin qu'il pût accomplir davantage de choses en un laps de temps plus bref.

... il faut une structure qui définisse la relation comme une situation conçue pour amener un changement, et, à l'intérieur de cette structure, aucune demande directe de changement ne doit être faite, il faut seulement accepter le patient tel qu'il est.

... il minimise par une formulation ambiguë les objectifs que le patient est censé atteindre, et il lui garantit qu'il n'a pas à en faire plus que ce qu'il peut, ni à aller mieux que cela ne lui est possible.

Bien plus que bon nombre de thérapeutes, Erickson, au cours des séances de début, demande à ses patients de définir leurs objectifs aussi précisément que possible? Il pose des questions,, encore des questions [...].

Harold disait qu'il était un crétin, un stupide crétin, et Erickson accepta cette opinion comme il le fait toujours avec ses patients. "Que nous ayons été initialement d'accord sur le fait qu'il était un crétin, cela n'avait en fait aucune importance et n"'apportait absolument rien dans le cas présent. Dans les limites mêmes de son aptitude à saisir la situation, il était un stupide crétin totalement indifférent et même franchement hostile à tout opinion opposée à la sienne.

"Lorsque le patient, dit-il, fit demi-tour pour quitter mon cabinet, il avait atteint affectivement le fond de l'abîme. Il était venu chercher de l'aide, et il repartait les mains vides. Psychologiquement aussi, il était vide. C'est à ce moment précis que je lui ai adressé une série de suggestions qui, de par leur nature même, exigeaient de lui une réaction positive. Il était passé d'un extrême à l'autre ; du plus profond du désespoir, il avait soudain émergé pour accéder à la réalité de l'espérance."

... il ne faut pas oublier que ce ne sont que les grandes lignes d'une approche thérapeutique extrêmement complexe ; chaque manoeuvre est indissolublement liée à chacune des autres manoeuvres de la thérapie, et le choix de quelques éléments à des fins de lise en lumière entraîne nécessairement une simplification excessive du cas.

Il fit demi-tour et se dirigea vers la porte, les épaules voûtées et en traînant les pieds. Au moment où il s'apprêtait ) sortir, je lui dis : "Eh ! Ecoutez-moi. Vous n'êtes qu'un pauvre crétin. Vous en connaissez un bout côté travail et vous avez besoin d'aide. Vous n'y connaissez rien pour soigner les gens, mais ça, c'est mon rayon. Assez-vous sur cette chaise et laissez-moi faire mon boulot."
Je formulai intentionnellement ma réponse dans un style qui s'accordait avec le sien, et qui de plus était susceptible d'attirer et de fixer son attention. Lorsqu'il s'assit, tout désorienté, il était presque déjà dans un état hypnotique léger.

Erickson utilise les moyens qui sont à la disposition de tout le monde, comme par exemple la bibliothèque municipale; Plutôt que d'aider Ann à comprendre pourquoi elle avait un excédent de poids - ce serait l'approche traditionnelle -, il la força à s'interroger pendant quinze jours de façon obsédante sur les raisons de son embonpoint. Etant donné qu'elle n'avait réussi à trouver aucune raison valable, elle pouvait à juste titre être autorisée à perdre du poids.

Je dis cela simplement pour éclairer votre lanterne et vous montrer que moi, j'y vois clair. Ensuite, vous serez vraiment forcée de croire ce que je dois vous dire. Vous n'êtes pas une affreuse grosse dondon. Vous êtes un as de lard, le plus gros, le plus laid et le plus répugnant que j'aie jamais vu, et vous êtes laide à faire peur.
[...]
Bon sang, il ne faut pas trop vous en demander, parce que vous êtes affreusement handicapée. Mais je veux que vous fassiez une expérience d'hypnose maintenant. Je veux que vous fassiez tout ce que je vous dirai de faire : vous vous êtes gavée de nourriture au point de ressembler à une outre trop pleine, et cela prouve que vous avez bien besoin d'apprendre à ne pas continuer ainsi à offenser les regards. Maintenant que vous savez que je suis capable de vous parler franchement, fermez les yeux et entrez dans un état de transe profonde. Cessez de faire l'imbécile, et cessez aussi de vous rendre ridicule en vous transformant en épouvantail.
[...]
"Quand vous disiez toutes ces horreurs à mon sujet, vous étiez tellement dans le vrai ! Je savais que vous me disiez la vérité? Mais si vous ne m'aviez pas hypnotisée, je n'aurais jamais fait tout ce que vous m'avez fait faire."

J'insistai pour faire asseoir la jeune femme, et, après un bref instant de réflexion, je compris que la seule manière possible de communiquer avec elle était de me montrer dur et brutal. C'était l'unique moyen de la convaincre de ma sincérité. L'amabilité serait mal interprétée, et un langage courtois n'aurait aucune crédibilité. Elle devait absolument être convaincue, sans aucun doute possible, que je la comprenais, que je voyais quel était son problème, et que je n'avais pas peur de dire ouvertement le fond de ma pensée, objectivement et sans réticence.

L'une des caractéristiques d'Erickson est la volonté de souplesse qui apparaît dans chacun des aspects de sa thérapie. Non seulement il consent à voir des patients dans son cabinet, à domicile, ou encore sur leur lieu de travail, mais il accepte aussi que les séances soient courtes ou durent au contraire plusieurs heures. Il n'utilise pas l'hypnose de façon systématique. Certaines fois, sa thérapie implique la participation des membres d'une famille, mais pas toujours. Comme dans le cas précédent, il accepte aussi qu'une séance ressemble plutôt à une visite amicale.

Non seulement Milton Erickson a une expérience professionnelle longue de plusieurs années en ce qui concerne la thérapie des jeunes gens, mais il possède aussi une expérience personnelle pour avoir élevé ses propres enfants, au nombre de huit. Un jour, son épouse avait calculé que c'était comme s'il y avait eu un adolescent chez eux pendant trente ans. Erickson envisage le problème des jeunes en fonction de sa connaissance de leur sensibilité.

Jeune Thérapeute. - Pourquoi lui avez-vous demandé ça ?
Erickson. - Pour qu'elle sache que ça m'intéressait vraiment.
J.T.- C'était un moyen d'établir le contact avec elle ?
Erickson. - Non, c'était pour qu'elle sache que ça m'intéressait vraiment.

Trop souvent, on admet qu'un simple traumatisme subi dans le passé est seul responsable d'une difficulté ou bien qu'une prise de conscience au cous d'une thérapie entraine une transformation de la personne. Pour ma part, je considère qu'il s'agit davantage, pour résoudre le problème, de trouver un arrangement qui permette à un patient de tirer parti de ce qu'il a appris et lui donne l'occasion de perfectionner le savoir déjà acquis afin de pouvoir s'épanouir sexuellement.