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Citations de Jean Colombier (30)


On peut diviser les joueurs de rugby en deux catégories : les avants et les trois-quarts.
Les avants sont assez ou très grands, assez ou très costauds, parfois gros. D'instinct grégaire, ils aiment les choses simples et les idées carrées. On les appelle les avants, les gros, les mules (ou mulets), à l'occasion les boeufs.
Les trois-quarts sont en principe plutôt élégants. Leur tempérament individualiste et taquin agace parfois les avants qui les aiment bien, malgré tout. On les appelle les trois-quarts, les gazelles; les danseuses quand ils énervent vraiment les avants.
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Il y avait aussi Brigitte. Brigitte prenait du recul. Sa quête de l'âme soeur, souvent effrénée, constituait un handicap dans son cursus universitaire. Rien à faire, j'ai la tête ailleurs, résumait-elle en prenant connaissance de notes dont elle ne pouvait certes pas se prévaloir pour aguicher l'hidalgo qui eût accepté de faire l'impasse sur une croupe décevante.
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Ah, les premiers accords du premier slow, quand ils surprennent tout le monde, les filles occupées à une valse ou à un rock avec la copine, les garçons à boire un gorgeon, la bousculade pour arriver en tête là où tout à l'heure on a aperçu un paquet, et, si le paquet a déjà été emballé, le tour de piste, vraiment à la queue leu leu, les yeux écarquillés dans la pénombre pour tâcher de deviner si celle-là, des fois, ou celle-là à côté. Non ? Bon tant pis. Et les regards mauvais jetés aux malins, aux professionnels du samedi soir, faciles, dominateurs, une main dans le dos de leur partenaire, l'autre dans la poche, les mecs à qui on ne la fait pas, ceux qui obtiennent d'un mouvement de la tête, d'un signe de l'index, l'assentiment d'une ténébreuse que n'ont pas décidée les prières à genoux de futurs maris trompés.
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Ils ne pouvaient pas rater le match contre Aurillac. L'événement. Même la presse nationale en parlait. Quant aux quotidiens locaux, c'était à celui qui oserait le titre le plus emphatique, l'image la plus poignante : "La garde allait peut-être mourir mais elle ne se rendrait pas", "Saint-Junien attendait ça depuis le début du siècle", "Le vent de l'histoire allait enfin souffler sur les sapins du Chalet".
Il a soufflé juste ce qu'il fallait pour faire passer le ballon entre les poteaux, l'arbitre ayant eu l'idée saugrenue de nous accorder d'entrée une pénalité en bonne position. Après, il a cédé, le vent, à des sautes d'humeur qui nous ont mis dans l'embarras... Trois à zéro, c'était une lucarne ouverte sur le bonheur, mais la muraille aurillacoise nous parlait de malédiction. Faute d'y mettre la manière, faute d'ajouter à notre jeu cette touche de panache dont nous parlions, avant les matches, avec le sourire mélancolique du pauvre devant un yacht, nous nous sommes comportés avec une vaillance de pioupious...
Enfin bref, notre mince avance, nous l'avons conservée jusqu'au bout, nous avons gagné, nous nous sommes qualifiés. Décrire la liesse qui s'est emparée du stade serait vain. Jusqu'à l'arbitre qui a failli être porté en triomphe. Il avait eu la bonne idée de refuser un essai aux Auvergnats à deux minutes de la fin. Ah le brave homme, s'étaient écriés quatre pépés, spécialistes de la sortie délicate de ce qu'ils appelaient les corbeaux, ah le brave homme, et ils avaient entrepris de le hisser sur leurs épaules, exercice auquel ils avaient rapidement renoncé, par manque d'habitude et de peur de créer un précédent. Ils tenaient à leur réputation.
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L'avant veille du match à la sortie de Saint-Junien... Ligne blanche, phares non allumés, vitesse excessive, la totale. Un coup de sifflet rageur m'a surpris la main dans le sac ...
_ Alors, on gagne dimanche, hein ?... Vous vous êtes bien entrainés hein, Béloni a l'air confiant.
Les gendarmes m'entouraient, un automobiliste interpellé juste avant moi a cru bon de préciser que vu l'heure, ça l'arrangerait que ça aille un peu plus vite...
La tournure des événements m'a incité à les gratter là où ça les démangeait, bien sûr que nous allions gagner, on était au complet, Béloni n'avait rien négligé. Ils ont arrêté la circulation... Au moment où je démarrais, il m'a rattrapé :
_ Ah dis donc, au fait, fais gaffe quand même aux lignes blanches, tu sais, y a des flics qui sont cons des fois, et puis mets tes phares, tu verras mieux, et quand tu auras le temps, change tes pneus, ils sont complètement lisses. Et n'oublies pas ton clignotant quand tu t'engages sur la chaussée. Allez à dimanche, hein !
Satisfait de s'être ainsi adonné à la prévention, il s'est retourné, un vilain sourire aux lèvres, vers le contrevenant à qui tant de conseils judicieux avaient rendu espoir. Il ne connaissait pas Chaisemartin et sa définition de ce métier qu'il exerçait avec passion : la gendarmerie, c'est comme le pastaga, une dose de prévention, quatre doses de répression.
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Ce pouvait être une affaire de coeur ou des ennuis familiaux. Alors Béloni remplissait davantage et plus souvent les verres, baissait encore la lumière. D'un geste, il encourageait le malheureux dont les épanchements duraient parfois jusqu'à l'aube et qui repartait, la démarche incertaine, pas forcément éclairé mais libéré. Soulagé de quelques billets, si Béloni avait du mal à suivre, sinon les tournées restaient à la charge du patron. Béloni ne prélevait ses honoraires que quand il estimait les mériter. Il pratiquait la psychanalyse sans chichis, en amateur éclairé, ses clients n'avaient pas besoin de s'allonger pour causer. Ils le faisaient en revanche souvent en fin de consultation. Plus d'une fois on en avait retrouvé, ronflant sur la banquette du fond après avoir ployé peu à peu sous le faix de leurs confidences et de l'alcool ingurgité.
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Il ne s'est pas contenté de servir du Coca, il s'est mis à en boire. Nous l'aurions préféré alcoolique, paralytique, n'importe quoi. Mort, s'écriait un Bussat aux accents pathétiques, je le préférerais mort que buveur de Coca. Tandis que là, à le contempler avec à la main ce verre empli d'une boisson nauséabonde et pernicieuse (Copyright s'était renseigné, ça attaquait même le béton armé), à l'entendre nous encourager, à l'entrainement d'un "come on", d'un "magnez-vous boys", nous refusions de nous résigner, mais l'évidence nous cernait. Béloni nous échappait, il allait nous quitter.
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Belle soirée, pas grandiose, mais belle soirée. Les chants commençaient à s'élever d'un coin du bar, les commandes à pleuvoir, les rires à éclater, les bras trouvaient des épaules, les coudes des côtes, les verres s'entrechoquaient, les défis fleurissaient, les aveux sourdaient, les blagues retentissaient, les billets défilaient, le tiroir-caisse cliquetait...
Notre univers manquait de souffle, il s'arrêtait là, devant ce comptoir assailli par une faune rigolarde aux ambitions modestes, nous misions sur l'alcool et nos amis pour nous donner la force et l'envie de renverser les montagnes, pour nous faire croire, au moins l'espace d'une nuit, que nous étions heureux. Les aubes n'étaient jamais navrantes. L'ivresse estompée, il restait l'amitié, le plaisir de n'avoir pas été raisonnables, l'envie de l'être moins encore. Il nous restait aussi les souvenirs et tous ces souvenirs futurs qu'il faudrait d'abord vivre, ces souvenirs si chers au coeur des vieux rugbymen que nous serions un jour.
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