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Citations de Jean Colombier (30)


La pluie tapait sur les vitres et Mahalia Jacskon chantait In the upper room, chantait de toute son âme pour la longue agonie qui attendait maman. Je m'étais dit que c'était beau, la pluie, la voix et la présence impalpable de la mort, et puis je m'étais demandé s'il était normal de s'émerveiller au lieu de s'abandonner au chagrin, d'attendre de la mort qu'elle revête des atours de séductrice.
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Le rêve, c’est le célibataire. Jeune de préférence. Imagine un jeunot tétraplégique : pas drôle pour lui, dramatique pour l’assureur. Entre les frais divers et la tierce personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une fortune. A s’arracher les cheveux. Le même rend l’âme : personne à charge, préjudice moral des parents, des frères et sœurs, quelques bricoles, de la rigolade. Je sais, ça peut choquer, mais il faut regarder les choses en face. La dure loi du marché. Que vaut la vie humaine ? Moins cher qu’une jambe coupée ? Ca remet les pieds sur terre. Celui qui reste, du moins.
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Parfois mon métier me pesait, la misère humaine me pesait, cette misère que je m'efforçais d'atténuer en posant sur les plaies des emplâtres de billets de banque. Thérapie dérisoire. les larmes se transformaient en chiffres, les handicaps en pourcentage. Perte d'une main, de 40 à 50%. Amputation au niveau du genou, 60%. Perte d'un oeil, 25%. Perte des deux, 85%. Dans tous les cas, il te reste 50, 70, 15% de validité, c'est-à-dire qu'il te reste de quoi bouger, communiquer, vivre à peu près. Il arrive aussi qu'il ne te reste rien, tu es invalide à 100%, tu as gagné le gros lot ! Tu n'es pas beau à voir. Un légume. mais un légume hors de prix. Cher du kilo. A dégoûter les assureurs de devenir végétariens. Les dossiers qui plombent leurs résultats,...
Et moi avec mon chéquier, mes mots emmiellés, j'essaie de leur faire oublier leur peine, aux amputés, aux détruits. Ils ne savent pas (mes employeurs) ce que c'est que de représenter l'assureur du coupable, de l'automobiliste débile, ils ne savent pas combien la suspicion, l'agressivité de la plupart des victimes finit par me miner. J'arrive en père Noël, on m'accueille en Père fouettard.
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J'ai failli poser ma main sur la sienne, qui paraissait n'attendre que cela. Comme à la messe l'autre jour, j'ai tergiversé. Au restaurant, l'exercice m'a toujours paru périlleux. Doigts enlacés, yeux dans les yeux, le silence. Et puis le plat arrive ; tu ne vas pas rompre une douce étreinte pour une cause aussi triviale, alors tu serres un peu plus les doigts, tu ébauches un sourire éthéré, mais vite tu dois te rendre à l'évidence, ta viande est en train de refroidir, le poisson de madame également, l'amour c'est une chose, mais manger froid peut nuire gravement aux sentiments. Pour désenlacer les doigts, tu tentes le sourire douloureux, toujours les yeux dans les yeux, mais que tu le veuilles ou non, le charme est rompu, le ventre l'a emporté sur le coeur, tu as perdu la partie, la belle ne voyait aucun inconvénient à manger froid.
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Et ma chambre ! Oh ma chambre, ma chambre... Je m'y suis installé il y a huit mois, quand nous nous sommes séparés, Anne-Sophie et moi. Je l'ai jouée grande classe, garde l'appartement en attendant de trouver quelque chose, je me débrouillerai, ne t'en fais pas. Ce que je peux être con ! Je me suis retrouvé là, une valise à la main, un carton sous le bras, bien content de dénicher dans la journée une chambre de bonne, sixième avec ascenseur. Jusque là, tout va bien. Après les choses se gâtent : neuf mètres carrés, lit à une place, mais à petite place, trop souple en plus, les soirs de cuite j'y suis sujet au mal de mer. Alors imagine avec une fille. La tête de la belle lorsqu'elle découvre le nid d'amour de son héros ! Grâce au ciel, pour l'instant j'ai réussi à leur éviter la déception. Autre version des faits : malheureusement, je n'ai pas encore réussi à en entraîner une jusqu'à ma couchette.
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Je n'ai pas de chance avec les filles. Si j'avais eu de la chance, le dossier aurait été confié à la petite Sylvette. Elle n'est pas là depuis longtemps, c'est vrai, mais quand même, le hasard ne fait pas bien les choses. Sylvette. Jolie comme un coeur, et avec ce prénom elle a du mérite. Parce que ce n'est pas un surnom (..), elle se prénomme bien Sylvette. A-t-on idée ? Joli minois, jolie silhouette, et une démarche ! Une démarche ! Je l'ai suivie l'autre jour, rencontre fortuite, elle remontait la rue Sainte-Catherine, j'aurais traversé Bordeaux sans m'en apercevoir, léger balancement des hanches, juste ce qu'il faut, cambrure des reins, juste ce qu'il faut, galbe parfait des mollets, allure réservée mais avec ce soupçon de sensualité qui change tout. Un tout petit peu aguicheuse, la Sylvette ? peut-être, mais son regard innocent fait tout pardonner.
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Accoudé au comptoir, l'inévitable routier dont le ventre gonflé et la fesse fuyante causaient bien du tracas à un pantalon que ne repêchaient plus des bretelles déprimées amusait la galerie. C'était un habitué, il tenait à le faire savoir, plaisantait très fort avec le patron, vérifiait autour d'eux l'effet produit, prêt à sceller une amitié bruyante avec quiconque manifesterait son contentement. Deux verres, à côté du sien, comme des armes abandonnées sur un champ de bataille, témoignaient d'une récente embuscade.
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Mozart me tenait souvent compagnie. J'avais enregistré son Concerto pour harpe et flûte dont la mélancolie et les imprévisibles enjouements donnaient chair au fantôme de Louise, traduisaient à merveille ce chaud et ce froid qu'elle soufflait en permanence. L'ironie et la douceur, l'ingénuité et la rouerie, l'entrain et le marasme se succédaient, se mélangeaient jusqu'à composer un bouquet qui me tournait la tête. Il me restait l'incertitude, je n'en souhaitais pas plus. J'ouvrais les bras à ses petites soeurs, l'attente et l'espérance, étonné là encore d'avoir pu oublier ses saveurs vénéneuses, convaincu qu'elle exhalait ce que l'amour propose de plus précieux.
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Sur le trottoir, un clochard buvait des yeux son collègue qui buvait un fond de bouteille.
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Je savais, je me répétais que les fantasmes ressemblent à une bulle de savon. Souffler mais pas toucher.
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Je la regardais s'approcher, je me demandais si elle glissait devant les êtres de la même façon qu'elle glissait devant les choses, je regardais une forme blanche, dans un sentier envahi d'herbes, de pluie et de silence, de ciel gris et de bouleaux effeuillés. Et soudain, une bonde en moi a cédé, des mots m'ont traversé la tête, j'étais amoureux, je l'aimais, j'avais l'impression qu'ils me prenaient par la main, m'empêchaient de réfléchir, m'entraînaient dans une ronde qui me fascinait et m'épouvantait (...) Elle m'a souri. Un sourire éclatant qui ne lui ressemblait pas. J'ai cru qu'elle avait deviné. Son sourire a bousculé ce qui en moi résistait encore.
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J'ai mis beaucoup de sincérité dans mon signe de croix, confié le goupillon à mon voisin en imperméable et me suis posté devant le porche, maillon anonyme de la haie d'honneur, dernier hommage que ses amis rendaient à Julien. La veuve a attendu que les portes du fourgon se referment sur le cercueil. Elle avait relevé son voile. Elle ne pleurait pas, pressait contre elle le plus jeune de ses enfants. Les deux autres, une fillette et un garçon d'une dizaine d'années, se tenaient par la main, les yeux rouges et gonflés. Il est des gens doués pour le malheur d'autres ne le sont pas pour le bonheur. J'avais vu à l'époque où faisant feu de tout bois j'assistais à des messes de mariage ou des baptêmes (...) des mariées enlaidies par leur accoutrement immaculé, leurs afféteries, leur sourire. Pensait-elle, la jolie veuve, au jour pas si lointain où elle avait posé, sur cette même place, au bras de son mari, voile blanc sur pensées douces ?
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Mme Lucienne Duval n'avait pas attiré la foule. A quatre-vingt-douze ans elle avait vu partir l'essentiel de ses amis. J'ai compté dix-sept personnes. L'époux, enterré depuis longtemps, quelques petits-enfants dont les obligations professionnelles justifiaient la défection, des malades agrippés à leurs draps et implorant le Seigneur de n'être pas le prochain, cela tempérait la sévérité du jugement que l'on eût pu porter sur la négligence des villageois. La fille de la défunte dissimulait sous un voile noir des larmes authentiques. On ne pleure pas le décès d'une nonagénaire, mais on éprouve un vrai chagrin à se découvrir tout à coup en première ligne sur la liste familiale. Plus d'écran, plus de protection parentale, l'heure approche.
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Novembre ne méritait pas cette permanente référence à la mort, la mort c'est octobre qui l'avait annoncée, avec les flamboiements trompeurs d'une nature qui croyait encore à l'été. Novembre ouvrait sur la beauté simple de paysages délivrés de l'ornementation fallacieuse des fleurs, des feuilles et du ciel bleu...
... le mois des morts ressuscitait l'épure des champs, des bois, des vallons, rendait au Limousin, avec le vent et la pluie, avec le froid de la terre et les rumeurs imperceptibles de l'océan, une présence secrète, la vérité d'un chant grégorien.
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J'étais perdu. Qui était qui ? Julien avait-il en définitive accepté un avocat ? J'espérais que ce serait celui qui se dissimulait dans la robe de gauche. Il avait belle allure, le menton énergique, le front réfléchi, un regard vif. Je sais qu'une physionomie intelligente déguise souvent les imbéciles, mais sa ressemblance avec Humphrey Bogart me rassurait.
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Cet ancien condisciple du lycée de Limoges avait vieilli à défaut de grandir. Il confiait à des lunettes excentriques le soin de détourner l'attention de ses talons d'Achille : sa taille et sa calvitie.
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Pourquoi m'étais-je marié ? Pour faire comme les autres ? Pour me déguiser en adulte ?
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Et je me suis retrouvé à l'intérieur (du café). J'ai eu un coup d'oeil circulaire. Bien des choses avaient été changées (mobilier, sol, éclairages, etc.) mais la géographie des lieux était restée la même. S'il avait été rénové, le comptoir n'avait pas été déplacé. Il a connu le temps du Cinzano, du 421, du cendrier en opaline, du présentoir d'oeufs durs. Il a entendu dire un grand nombre d'inexactitudes. D'exagérations aussi, particulièrement à la saison des cèpes et des palombes. Sa patine maîtrise le patois landais, connaît la légende et la poésie locales. Un zinc immuable. Peut-être même immortel. Seuls les anciens se sont effacés du décor. Partis avec leur béret.
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A Lendrosse, au mojns, tu ne galères pas pour stationner. J'ai laissé la voiture à environ soixante mètres... Un platane m'a proposé son ombre. Ses frères et lui n'ont toujours été avec nous que bienveillance. Et discrets, avec ça. Cet arbre était-il celui contre lequel, enfants, nous appuyons nos vélos à l'heure du goûter ? Celui sur lequel nous jouions à plante-couteau ? Celui sur les racines duquel, plus tard, les soirs de fête, nous soulagions nos vessies ?
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J'avais à présent la photo de l'équipe sous les yeux, celle des juniors de 1977. On n'a pas vingt ans. Le stock d'illusions est intact. Aucun d'entre nous ne voudrait se trouver ailleurs. On ne croit pas à la mort ni aux conneries de ce genre. Sinon, quand on ne joue pas au rugby, quand on ne pose pas pour une photo, on parle sans calcul, on fume sans filtre, on baise sans capote, on roule sans ceinture...
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