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Citations de Jean Froissart (13)


Je me mis en sa route et compagnie, et sur le chemin il me dit que l'évêque de Bayeux, le comte de Saint-Pol, Guillaume de Melun et messire Jean le Mercier étoient à Boulogne envoyés de par le roi de France et son conseil. Et d'autre part se tenoient à Calais, de par le roi Richard d'Angleterre, l'évêque de Durem, messire Guillaume de Montagu, le comte de Salsebrin, messire Guillaume de Beauchamp, capitaine de Calais, messire Jean Clanvou, messire Nicole de Grauvorth, chevaliers et chambellans du roi d'Angleterre, et messire Richard Rohale, clerc et docteur en lois. «Et se sont là tenus plus d'un mois, les uns à Boulogne, les autres à Calais, attendant ambassadeurs du royaume d'Escosse qui pas n'étoient venus n'a pas six jours, car mon cousin de Saint-Pol m'en a écrit ; et a le roi de France envoyé devers le roi d'Escosse et son conseil pourquoi il prît trèves ; car les Anglois ne veulent donner nulles trèves si les Escots ne sont enclos dedans.»
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- En vérité, belle Hermondine, étiez-vous donc ma si proche voisine sans que j'en sache rien encore ? C'est pour mon bonheur que j'ai sonné du cor qui vous fit descendre pour venir me voir avec le cerf. Je vous jure à présent, sur ma foi et sur mon âme, que je ferai de vous ma dame ou que je demeurerai dans le tourment, tout comme Pâris à l'égard d'Hélène. Et si je meurs pour l'amour de vous, ce sera tout à mon honneur.
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3
Là et la flour une vertu jolie,
Car elle fist celui avoir amie
Qui devant ce venir n’y pooit mie.
Ne poroit jà estre ensi en ma vie ?
Je ne sçai voir, non-pour-quant je m’afie
En bon espoir, ce grandement m’aye.
Mès toujours ert en coer de moi chierie,
J’en sui certains,

La belle flour que Margherite clains.
Elle le vault pour ce, sus toutes lains.
Et se me sens de la droite amour çains,
Mercurius qui de tous biens fu plains,
Car tant l’ama que tous soirs et tous mains

Quels temps qu’il fust, kalendes ou toussains
Un chapelet en portoit li compains,
Tout pour l’amour

Serès sa dame ; en otel pourpos mains,
Car tant me plaist de la flour li beaus tains
Qu’il m’est avis qu’il ne soit homs humains
Nomméement, ne rudes, ne villains,
Qui atouchier, y doie ongle ne mains.
Et se l’éür j’ai eu premerains
D’elle trouver, ne m’en lo, ne m’en plains
Par nesun tour ;

Fors seulement que dou perdre ai paour.
Dont pour moi mettre en un certain sejour,
En lamentant souhède nuit et jour,
Et di ensi : « Pleuïst au Dieu d’Amour
» Que je véisse enclos en une tour,
» O le closier, la gracieuse flour ;
» Et si n’euïst homme ne femme au tour
» Qui sourvenit,

» Peuïst illuec et fust en un destour,
» À mon cuesir, n’ai cure en quel contour. »
En ce souhet je pense toute honneur.
Mès souhedier me fait plaisance, pour
À grant loisir regarder sa coulour
Blanche et vermeille, assise sur verdour.
S’en ce parti vivoïe, nul millour
Ne doit quérir

Homs, ce m’est vis, qui tant aime et desir
La flour, que fai. Car n’ai aultre desir

Que del avoir pour véoir à loisir
Au vespre clore et au matin ouvrir ;
Et le soleil de tout le jour sievir,
Et ses florons contre lui espanir.
Tele vertu doit-on bien conjoir,
À mon semblant.

Si fai-je voir ; là gist tout mon plaisir.
Il m’est avis, le jour que le remir,
Qu’il ne me poet que tous biens avenir,
Et pour l’amour d’une seule, à qui tir,
Dont je ne puis que de regars joir.
C’est assés peu ; mès ce me fault souffrir.
Toutes les voeil honnourer et servir
D’or en avant

Et si prommec à la flourette, quant
Ès lieu venrai, là où il en croist tant,
Tout pour l’amour de la ditte devant,
J’en cueillerai une ou deus en riant,
Et si dirai, son grant bien recordant :
« Veci la flour qui me tient tout joiant,
» Et qui me fait en souffissance grant
» Tous biens sentir.

» Com plus le voi et mieuls me sont séant
» Si doulc regard et si arroi plaisant ;
» Car en cascun floron, je vous créant,
» Porte la flour un droit dart ataillant,
» Dont navrés sui si, en soi regardant,
» Que membre n’ai où le cop ne s’espant.
» Mès la vertu au Dieu d’Amours demant
» De moi garir. »
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2
Quant j’ai en coer tel flourette enchieti
Que sans semence, et sans semeur aussi,
Premièrement hors de terre appari.
Une pucelle ama tant son ami,
Ce fut l’hérès, qui tamaint mal souffri
Pour bien amer loyalment Cephéy,
Que des larmes que la belle espandi
Sus la verdure

Où son ami on ot ensepveli,
Tant y ploura, dolousa et gémi
Que la terre les larmes recueilli.
Pité en ot ; encontre elles s’ouvri ;
Et Jupiter qui ceste amour senti,

Par le pooir de Phébus les nourri ;
En belles flours toutes les converti
D’otel nature

Comme celle est que j’aim d’entente pure,
Et amerai tous jours quoique j’endure.
Mès s’avenir pooie à l’aventure,
Dont à son temps ot jà l’éüz Mercure,
Plus éüreus ne fu ains créature
Que je seroie, ensi je vous le jure.
Mercurius, ce dist li escripture,
Trouva premier

La belle flour que j’aim oultre mesure ;
Car en menant son bestail en pasture,
Il s’embati dessus la sepulture
De Cephéy, de quoi je vous figure,
El là cuesi, dedens l’encloséure,
La doulce flour dont je fac si grant cure.
Merveilla soy ; il y ot bien droiture,
Car en janvier,

Que toutes flours sont mortes, pour l’yvier,
Celle perçut blancir et vermillier,
Et sa couleur viveté tesmongnier.
Lors dist en soi : « Or ai mon desirier ! »
Tant seulement il en ala cueillier
Pour un chapiel ; bien les volt espargnier
Et à l’Irès ala celui cargier
Et si le prie

Que à Sérès le porte sans targier
Qui de s*amour ne le voelt adagnier.

S’en gré le prent, sa vie aura plus chier.
Ce que dist fist errant le messagier.
À Sérès vint le chapelet baillier.
Celle le prist de cler coer et entier,
Et dit : « Bien doi celui remercier
» Qui s’esbanie

» À moi tramettre un don qui me fait lie ;
» Et bien merir li doi sa courtoisie.
» Et je voeil que, de par moi, on li die,
» Que jamais jour n’amera sans partie. »
Moult liement fu la response oye.
Car tout ensi l’Irès li signefie
À son retour et li acertefie.
Ne plus ne mains
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LE DITTIE.

DE LA FLOUR DE LA MARGHERITE.

Je ne me doi retraire de loer
La flour des flours, prisier et honnourer.
Car elle fait moult à recommender.
C’est la Consaude, ensi le voeil nommer.
Et qui li voelt son propre nom donner,
On ne li poet ne tollir ne embler,
Car en françois a à nom, c’est tout cler,
La Margherite,

De qui on poet en tous temps recouvrer.
Tant est plaisans et belle au regarder.
Que dou véoir ne me puis soëler.
Toujours vodroie avec li demorer,
Pour ses vertus justement aviser.
Il m’est avis qu’elle n’a point de per.
À son plaisir le volt nature ouvrer.
Elle est petite,

Blanche et vermeille, et par usage habite
En tous vers lieus ; aillours ne se delitte.
Ossi chier a le préel d’un hermitte,
Mès qu’elle y puist croistre sans opposite,

Comme elle fait les beaus gardins d’Égypte.
Son doulc véoir grandement me proufite ;
Et pour ce, est dedens mon coer escripte
Si plainnement :

Que nuit et jour en pensant je recite
Les grans vertus de quoi elle est confite ;
Et di ensi : « Li heure soit benite
» Quant pour moi ai tele flourette eslitte,
» Qui de bonté et de beauté est ditte
» La souveraine ; et s’en attenc mérite,
» Se ne m’y nuist fortune la trahitte,
» Si gandement

» Qu’onques closiers, tant sceuist sagement,
» Ne gardiniers ouvrer joliëment,
» Mettre en gardin pour son ébattement
» Arbres et flours et fruis à son talent,
» N’ot le pareil de joïe vraïement
» Que j’averai, s’eure le me consent. »
De ce penser mon espoir fait présent
Un lonc termine ;

Et la flourette en un lieu cruçon prent,
Où nourie est d’un si doulc élément
Que froit ne chaut, plueve, gresil ne vent
Ne li poënt donner empècement ;
Ne il n’i a planette ou firmament
Qui ne soit preste à son commandement.
Un cler soleil le nourist proprement
Et enlumine

Et ceste flour qui tant est douce et fine,
Belle en cruçon, et en regard bénigne,
Un usage a et une vertu digne
Que j’ai moult chier, quant bien je l’imagine.
Car tout ensi que le soleil chemine
De son lever jusqu’à tant qu’il decline,
La Margherite encontre lui s’encline
Comme celi

Qui monstrer voelt son bien et sa doctrine ;
Car le soleil qui en beauté l’afine,
Naturelment li est chambre et courtine,
Et le deffent contre toute bruïne,
Et ses couleurs de blank et de sanguine
Li paraccroist ; c’en sont li certain signe
Pourquoi la flour est envers li encline.
S’ai bien cuesi
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BALADE.


Sus toutes flours tient-on la rose à belle
Et en après, je croi, la violette ;
La flour de lys est belle, et la perselle ;
La flour de glay est plaisans et parfette ;
Et li pluisour aiment moult l’anquelie,
Le pyonier, le muget, la soussie.
Cascune flour a par li sa merite.
Mès je vous di, tant que pour ma partie,
Sus toutes flours j’aime la Margherite

Car en tous temps, plueve, gresille ou gelle,
Soit la saisons ou fresce, ou laide, ou nette,
Ceste flour est gracieuse et nouvelle,
Douce et plaisans, blancete et vermillete ;
Close est à point, ouverte et espanie ;
Jà n’y sera morte ne apalie ;
Toute bonté est dedens li escripte ;
Et pour un tant, quant bien y estudie
Sus toutes flours j’aime la Margherite.

Et le douc temps ore se renouvelle,
Et esclaircist ceste douce flourette ;
Et si voi ci seoir dessus la sprelle
Deus cuers navrés d’une plaisant sajette,
À qui le Dieu d’amours soit en aye.

Avec eulx est plaisance et courtoisie
Et douls regars qui petit les respite.
Dont c’est raison, qu’au chapel faire, die :
Sus toutes flours j’aime la Margherite. (*)



(*) Dans le manuscrit 7214 ce couplet est donné ainsi :

Mès trop grant doel me croist et renouvelle
Quant me souvient de la douce flourette ;
Car enclose est dedens une tourelle :
S’a une haie, audevant de li faitte
Qui nuit et jour m’empèce et contrarie.
Mès s’amours voelt estre de mon aye,
Jà pour craniel, pour tour, ne pour garite
Je ne lairai qu’à occoision ne die :
Sus toutes flours j’aime la margherite.
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LE DÉBAT

DOU CHEVAL ET DOU LEVRIER.
Froissars d’Escoce revenoit
Sus un cheval qui gris estoit ;
Un blanc levrier menoit en lasse.
« Las ! dist le lévrier, je me lasse.
» Grisel, quant nous reposerons ?
» Il est heure que bous mengons.
— « Tu te lasse, dist li chevaus ;
» Se tu avoïes mons et vauls
» Porté un homme et une male,
» Bien diroïes : Li heure est male
» Que je nasqui onques de mère. »
» — Dist li levriers : C’est chose clère ;
» Mes tu es grans, gros et quarrés,
» Et as tes quatre piés ferrés ;
» Et je m’en vois trestous deschaus ;
» Assés plus grans m’est li travauls
» Qu’à toi, qui es et grans et fors,
» Car je n’ai qu’un bien petit corps.
» En ne m’appelle-on un lévrier
» Fais pour le gens esbanoyer ;
» Et tu es ordonnés et fès
» Pour porter un homme et son fès.

» Quant nous venrons jà à l’ostel,
» Nos mestres, sans penser à el,
» Il t’aportera del avainne ;
» Et s’il voit qu’aïes éu painne,
» Sus ton dos jettera sa cloque,
» Et puis par dalès toi se joque.
» Et il me fault illuec croupir.
» Il ne me vient point à plaisir.
» — Je t’en crois bien, respond Griseaus ;
» Tu me comptes bien mes morseaus,
» Mès je ne compte point les tiens.
» Pleuïst Dieu, que je fuisse uns chiens
» Ensi que tu es par nature ;
» S’auroïe dou pain et dou bure
» Au matin, et la grasse soupe.
» Je sçai bien de quoi il te soupe.
» S’il n’avoit qu’un seul bon morsel,
» Ta part en as-te en ton musel ;
» Et si te poes par tout esbatre.
» Nul ne t’ose férir ne batre.
» Mès quant je ne vois un bon trot,
» Jà n’en parlera à moi mot,
» Ains dou debout de ses talons
» Me frera de ses esporons,
» Si qu’à la fois me fait hanir.
» Se tu avoïes à souffrir
» Ce que j’ai par Saint Honestasse
» Tu diroïes acertes, lasse ! »
— Dist le chien : « Tu te dois bien plaindre !
» Ains qu’on puist la chandelle estaindre,

» On te frote, grate et estrille,
» Et te cuevre on, pour la morille,
» Et si te nettie-on les piés.
» Et s’on voit que tu soies liés
» On t’aplanoïe sus le dos,
» Et dist-on : Or, pren ton repos,
» Grisel, car bien l’as desservi
» L’avainne que tu menges ci.
» Et puis on te fait ta littière
» De blanc estrain ou de fléchiere
» Là où tu te dois reposer.
» Mès j’ai aultre chose à penser ;
» Car on me met derrière un huis,
» Et souvent devant un pertuis,
» Et dist-on : Or garde l’ostel.
» Et se laïens il avient tel,
» Que bien j’en ai toutes les tapes ;
» Car, s’on envolepe ens ès nappes
» Pain, char, bure, frommage ou let,
» Et la meschine ou li vallet
» Le mengüent, par aucun cas,
» Sus moi en est tous li debas ;
» Et dist-on : Qui a ci esté ?
» Cils chiens ! Et je n’ai riens gousté.
» Ensement sui, sans ocquison
» D’estre batus en souspeçon.
» Mès on ne te requiert riensnée,
» Fors que bien faces ta journée.
» Si te pri cor, avances toi,
» Car droitement devant nous voi

» Une ville à un grant clochier.
» Nos mestres y vodra mengier ;
» Tu y auras là del avainne,
» Et je aussi prouvende plainne.
» Si te pri, et si le te los
» Que tu y voises les galos. »
» — Respont Griseaus : Ossi ferai-je
» Car de mengier grant talent ai-je. »
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» En une aultre bourse plus grans.
» Quant je cuidai trouver mes frans,
» Certes, je ne trouvai riens née ;
» Et sçai bien qu’à la matinée
405» Je les avoïe. Fin de somme.
» Onques n’oy de tel fantomme
» Parler, par l’ame de mon père !
» Ma folie je le compère

» Et comparrai, jusques au jour
410» Que je serai mis au retour
» Et à monseignour revenus ;
» Car esté n’a nulle ne nuls
» Qui m’en ait dit nulle nouvelle. »
Et adonques me renouvelle
415Mon florin un aultre pourpos,
Et me dist : « Vous estes un sos,
» Se vous pensés là longement.
» Tout dis recoevre-on bien argent.
» Legièrement vous sont venu
420» Et legièrement sont perdu.
» Encores n’avés vous, sans faute
» Éu droit à nulle desfaute,
» Et si saves encor derrière
» Le bon seigneur de la Rivière,
425» Et le bon conte de Sansoirre ;
» Cescuns des deux, c’est chose voire,
» Pour l’amour dou conte de Blois,
» Qui est de coer frans et courtois
» Et estrais de haulte lignie
430» Pour dix frans ne vous faudront mie ;
» Et se vous trouvés le Daufin
» D’Auvergne, qui a le coer fin
» Et de qui vous estes d’ostel,
» Il vous fera, certes, otel ;
435» Ne vous faudroit pour nulle rien ;
» Car de tant le cognoi-je bien.
» Aussi ne fera, s’il besongne.
» Uns qui est en celle besongne,

» Jehans le visconte d’Asci ;
440» Car dou bon seignour de Couci,
» Qui est noblès, gentils et cointes
» Estes vous privés et acointes ;
» Et s’avés pour lui celle peinne,
» Et l’expectation lontainne
445» Sus les chanesies de Lille.
» Cent florins vous a, par saint Gille !
» Moult bien coustée celle grasce,
» Qui n’est ores bonne ne grasse
» Mès mal revenans à proufit,
450» Quoique dou premier an est dit
» Dou pape que le grasce avés ;
» Mès voirement vous ne sçavés
» Quant vous en serés pourvéus
» Ne à chanonnes recéus.
455» Tout fault passer ; oublyés, mestre,
» Toute chose qui ne poet estre ;
» Et si vous mettés au retour
» Sans attendre nil aultre atour
» Avec les seignours dessus dis.
460» Vous ne serés jà escondis
» D’avoir leur bonne compagnie.
» Et si, soyés un aultre fie
» Mieuls avisés et plus songneus
» De garder en tels petit neus
465» Une quantité de florins,
» Se les avés ; car nuls cousins,
» Ne parent, ne vous sont si bon,
» Ne si très loyal compagnon,

» Ne pour qui on esploite tant
470» Que florins sont, je vous créant. »
Adonc di-je : « Sus toute rien
» Tu m’as ores conseillié bien ;
» Encores je te garderai,
» Ne point je ne t’aleverai,
475» Car tu n’es mies trop prisiés
» Mès contrefés et débrisiés.
» Or t’en va, dont tu es venus ;
» Je ne voeil à toi parler plus ;
» Mès il me souvenra souvent,
480» Cela t’ai-je bien en convent,
» Comment le sire de Biau-Ju,
» Antones qui grans galois fu,
» En riant moult souvent disoit,
» Et d’argent on se devisoit :
485» Aussi a fait Gerars d’Obies
» Qui pas n’a vie aux oublies ;
» Autant vaudroit au jugement
» Estront de chien que marq d’argent. »
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» Que fist le bon duc de Braibant,
» Wincelaus dont on parla tant ;
» Car uns princes fu amourous
» Gracious et chevalerous ;
305» Et le livre me fist jà faire
» Par très grant amoureus afaire
» Comment qu’il ne le véist onques.
» Après sa mort je fui adonques
» Ou pays du conte de Fois
310» Que je trouvai larghe et courtois,
» Et fui en revel et en paix
» Près de trois mois dedens Ortais ;
» Et vi son estat garant et fier
» Tant de voler com de chacier.
» J’ai moult esté et hault et bas
» Ou monde, et véu des estas ;
315» Mès, excepté le roi de France,
» Et l’autre que je vi d’enfance,
» Édouwart, le roy d’Engleterre,
» Je n’ai véu en nulle terre

» Estat qui se puist ressambler
320» À celui dont je puis parler,
» Se ce n’est Berri et Bourgongne.
» Mès bien croi, sans point de mençongne
» Que ces deus dus, cascuns par soi,
» Qui sont oncle dou noble roy
325» Charles de France, qui Diex gart !
» Ont estat de plus grant regard
» Que ne soit li estas dou conte
» De Fois. Mès tant y a en compte
» Qu’il est larghes aux estragniers,
330» Et parle et vie volentiers
» À euls, et dist otant de choses
» Où on poet prendre bonnes gloses
» Que de seigneur que onques vi,
» O un, que Diex face merci !
335» Amé, le conte de Savoie,
» Cils, tant qu’il vesqui, tint la voie
» De larghece, en toutes saisons.
» Revenir voeil à mes raisons.
» Gaston le bon conte de Fois,
340» Pour l’onnour du conte de Blois,
» Et pour ce que j’oc moult de painne
» Tamaint jour et mainte sepmainne
» De moi relever à mie-nuit,
» Ou temps que les cers vont en bruit »
345» Sis sepmainnes devant Noël
» Et quatre après, de mon ostel
» À mie nuit je me partoie
» Et droit au chastiel m’en aloie.

» Quel temps qu’il fesist, plueve ou vent,
350» Aler m’i convenoit souvent ;
» Estoïe-je, vous di, mouillés ;
» Mès j’estoïe bel recoeilliés
» Dou conte, et me faisoit des ris.
» Adont estoi-je tous garis,
355» Et aussi, d’entrée première
» En la salle avoit tel lumière,
» Ou en sa chambre à son souper,
» Que on y véoit ossi cler
» Que nulle clareté poet estre.
360» Certes à paradys terrestre
» Le comparoïe moult souvent.
» Là estoïe si longement
» Que li contes aloit couchier.
» Quant léu avoie un septier
365» De foeilles, et à sa plaisance,
» Li contes avoit ordenance
» Que le demorant de son vin
» Qui venoit d’un vaissiel d’or fin,
» En moi sonnant, c’est chose voire,
370» Le demorant me faisoit boire ;
» Et puis nous donnoit bonne nuit.
» En cel estat, en ce déduit
» Fui-je à Ortais un lonc tempoire ;
» Et quant j’oc tout parlit l’istoire
375» Dou chevalier au soleil d’or
» Que je nomme Melyador,
» Je pris congié, et li bons contes
» Me fist par la chambre des contes

» Délivrer quatre vins florins
380» D’Aragon, tous pesans et fins ;
» Des quels quatre-vins les soissante,
» Dont j’avoïe fait frans quarante,
» Et mon livre qu’il m’ot laissié,
» Ne sçai se ce fut de coer lie,
385» Mis en Avignon sans damage.
» Or veci tantos trop grant rage :
» Je vinc là par un venredi,
» Et voloïe voir, je te di,
» Mettre tous ces florins au change ;
390» Mès pourpos qui se mue et change
» Se mua en moi sans sejour.
» J’avoie acheté en ce jour
» Une boursette trois deniers ;
» Et là, comme mes prisonniers
395» Les quarante frans encloy.
» Le dimence après, eschéy
» Que je me levai moult matin ;
» Je oy l’offisce divin.
» Or avoi-je mis mon avoir
400» Et la boursette, très le soir,
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» Moult bien en povés mettre un mille
» En chevauçant de ville en ville,
» N’avés vous en Escoce esté,
» Et là demi an arresté,
» En Engleterre et en Norgalles,
220» Où bien avés eù vos gales
» De là partir, aler à Rome,
» En arroi de souffisant homme
» Mené hagenée et roncin,
» Retourné un aultre chemin
225» Que ne fesistes au passer
» Pour mieuls les pays compasser,
» Cherchié le royalme de France
» De chief en cor, par ordenance,
» Tele que tous jours à grans frès.
230» Et avés éu tous jours près

» Or et argent parmi raison
» Pour bien employer vo saison.
» Tout dis avés esté montés,
» Et d’abis enhupelandés,
235» Bien gouvernés et bien péus.
» J’ai tous vos afaires véus.
» Otant de choses avés faittes,
» Sans vous bouter en grosses debtes,
» Que uns aultres bons coustumiers
240» Autre tant, pour quatre milliers,
» N’en feroit, foi que doi saint Gille !
» Que fait en avés pour deux mille.
» Si ne devés pas le temps plaindre,
» Ne vous soussyer, ne complaindre.
245» Vous avés vescu jusqu’à ci ;
» Onques ne vous vi descoufi
» Mès plain de confort et d’emprise,
» Et c’est un point que moult je prise.
» Je vous ai véu si joious
250» Si joli et si amourous
» Que vous viviés de souhédier. »
— « Ha ! di-je, tu me voels aidier ;
» Mès c’est trop fort que jà oublie
» La belle et bonne compagnie
255» De florins que l’autr’ier avoie ;
» Et si s’en sont ralé leur voie,
» Je ne sçai pas en quel pays.
» Certes, je m’en tiens pour trahis
» Quant aultrement n’en ai penset. »
260Lors dist mon florin qu’il ne scet

Nulle riens de ceste matère.
— « Mestres, par l’ame vostre père !
» Dites moi quel chose il vous fault,
» Ne a falli, et dou default
265» Volentiers y adrecerai. »
Je respons : « Je te le dirai.
» Tu scés comment je me parti
» De Blois, et sus un bon parti,
» Don conte Gui, mon droit seignour.
270» Je, qui ne tenc qu’à toute honnour,
» Et qui moult desiré avoie
» D’aler en mon temps une voie
» Véoir de Fois le gentil conte
» Pour un tant que de li on compte,
275» Moult de largheces et de biens ;
» Et vraiement il n’i fault riens
» Que largheces et courtoisies,
» Honneur sens ; et toutes prisies,
» Qu’on peut recorder de noble homme
280» Ne soïent en celui qu’on nomme
» Gaston, le bon conte de Fois.
» Mon mestre, le conte de Blois
» Escrisi pour moi devers li ;
» Et le conte me recoelli
285» Moult liement et doucement.
» J’ai là esté si longement
» Dalès lui, qu’il ma pléu voir ;
» Se je desiroie à avoir
» De son estat la cognoissance ;
290» Je l’ai éu à ma plaisance ;

» Car toutes les nuis je lisoie
» Devant lui, et le solaçoie
» D’un livre de Melyador,
» Le chevalier au soleil d’or,
295» Le quel il ooit volentiers ;
» Et me dist : C’est un beaus mestiers,
» Beaus maistres, de faire tels choses.
» Dedens ce romanc sont encloses
» Toutes les chançons que jadis,
» Dont l’ame soit en paradys !
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» Se tu fuisses de leur manière,
» De bon pois et de bon afaire,
» Tu eusses bien o euls à faire.
135» Di moi quel part s’en sont alé
» Ceuls qui n’ont chanté ne parlé,
» Mès sont partis lance sus fautre,
» Tout ensamble, l’un avec l’autre,
» Ou tantost je te partirai
140» En quatre, et si te porterai

» Fondre en la maison d’un orfèvre,
» Ou cuire ou fu d’un aultre fèvre. »
Adonc dist-il : « Pour Dieu merci !
» Sire, j’ai demore droit ci,
145» En ce bourselot, moult lonc temps ;
» J’ai là dormi moult bien contens ;
» De vous je vous voeil dire voir :
» Alevé avés moult d’avoir.
» Depuis que m’euïstes premiers,
150» Tous jours ai esté darrainniers,
» Ne onques vous ne m’alevastes ;
» Engagié m’avés bien en hastes
» Et puis tantos me rachetiés.
» Je sçai François, Englois et Thiès,
155» Car partout m’avés vous porté.
» Je vous ai souvent conforté.
» Quant il vous souvenoit de mi
» Vous m’avés trouvés bon ami ;
» Se j’euïsse esté uns plus grans,
160» Uns bons nobles, ou uns bons francs,
» Uns doubles, ou uns bons escus
» On en n’euïst eu nul refus ;
» J’euïsse ores par mille mains
» Passé. Et n’en penses jà mains ;
165» Mais pour ce que je suis si fés
» Que retailliés et contrefés,
» On m’a refusé trop de fois.
» Vous venez dou pays de Fois,
» De Berne, en la Haute Gascongne,
170» Et n’avés point éu besongne

» De moi ; mès m’avés, sans mentir,
» Tout un yver laissié dormir
» En un bourselot bien cousu.
» Quel chose vous est avenu ?
175» Dittes le moi tout bellement ;
» Je sui en vo commandement,
» Soit dou vendre ou del engagier. »
Quant ensi l’oy langagier
En corage me radouci,
180Et li dis : « Je suis ores ci
» En Avignon, en dure masse. »
» — Pour quoi, monseignour, sauf vo grasce,
» Dist le florin, vous estes bien
» Pour avoir pourfit et grant bien.
185» Ne tendés vous à benefisces ?
» — Compains, di-je, se tu desisses
» Aultre chose, par saint Hylaire
» Je te donroïe bon solaire,
» Ne jamais ne t’aleveroie,
190» Mès grant honnour te porteroie. »
» — Et que volés-vous que je die ?
» Descouvrés moi vo maladie,
» Si en serai un peu plus aise ;
» Car pas n’est drois que je me taise.
195» Puisque compte volez avoir
» Dou beau meuble et dou bel avoir
» Que vous avés jadis éu,
» Je sçai bien qu’ils sont devenu.
» Tout premiers vous avés fait livres
200» Qui ont cousté bien sept cens livres.

» L’argent avés vous mis là bien ;
» Je le prise sus toute rien
» Car fait en avés mainte hystore
» Dont il sera encor memore
205» De vous ens ou temps à venir,
» Et ferés les gens souvenir
» De vos sens et de vos doctrines ;
» Et les favreniers de Lestines
» En ont bien éu cinq cens frans.
210» Regardés les deux membres grans
» De quoi je vous fac ordenance,
» Après, n’avés-vous souvenance
» Comment vous avés traveillié
» Et pluisours pays resvillié.
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2
Et pour porter fondre au billon.
Souvent de moi s’esmervillon
Comment sitos je m’en délivre ;
J’ai plus tos espars une livre
75Qu’uns aultres n’auroit vingt deniers ;
Si n’en mac-je bleds en greniers
Avainnes, pois, fèves ne orges ;
Je n’en fais moustiers ne orloges,
Dromons, ne naves, ne galées,
80Manoirs, ne chambres, ne alées,

Je n’achate soiles ne lins,
Aultres grains, ne fours, ne moulins,
Fuerres, gluis, estrains ne esteules,
Hasples, ne fuseaus, ne keneules,
85Ne faucilles pour soyer blés.
Il s’est tantost de moi emblés ;
Il me defuit et je le chace ;
Lorsque je l’ai pris, il pourchace
Comment il soit hors de mes mains.
90Il va par maintes et par mains ;
Ce seroit uns bons messagiers,
Voires mès qu’il fust usagiers
De retourner quand il se part !
Mès nennil, que Diex y ait part,
95Jà ne retournera depuis,
Non plus qu’il chéist en un puis,
Lorsqu’il se partira de moi.
Se je ploure après, ou larmoi,
Il m’est avis il n’en fait cure.
100Puis vingt et cinq ans, sans la cure
De Lestines, qui est grant ville,
En ai-je bien éu deus mille
Des frans ; que sont ils devenu ?
Si coulant sont et si menu,
105Quand ma bourse en est pourvéue,
Tost en ai perdu la véue ;
De quoi, pour ravoir ent le compte
De deux milliers que je vous compte,
Le fons et toute la racine
110J’en mis l’autr’ier un à jehine,

Que je trouvai en un anglet
D’un bourselot. « Diex ! doux valet,
» Di-je lors, es-tu ci quatis ?
» Par ma foi tu-es uns quetis,
115» Quant tous seuls tu es en prison
» Demorés, et ti compagnon
» S’en sont alés sans congié prendre.
» Or çà, il t’en fault compte rendre. »
Adoncques le pris à mes dens,
120Et le mors dehors et dedens
À la fin qu’il fust plus bleciés ;
Et quant je me fui bien sauciés,
Sus une pierre l’estendi
Et dou poing au batre entendi ;
125Et puis si tirai mon coutiel
Et jurai : « Par ce hateriel !
» Je t’esboulerai, crapaudeaus ;
» Bien voi que tu es uns hardeaus
» Tailliés, rongniés et recopés ;
130» Pour ce n’es-tu point eschapés ;
» Les autres t’ont lalssié derrière.
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LE DIT DOU FLORIN.

Pour bien savoir argent desfaire,
Si bien qu’on ne le scet refaire,
Rapiecier ne remettre ensamble,
Car tel paour a que tous tramble
5Quand il est en mes mains venus,
Point ne faut que nulle ne nuls
Voist à Douay ou à Marcienes,
À Tournay ou à Valencienes,
Pour quérir nul millour ouvrier
10Que je sui l’esté et l’ivier,
Car trop bien délivrer m’en sçai.
Je l’alève bien sans assai
Ne sans envoyer au billon.
Aussi à la fois m’en pillon
15Aux dés, aux esbas et aux tables,
Et aux aultres jus délitables ;
Mès pour chose que argens vaille,
Non plus que ce fust une paille
De bleid, ne m’en change ne mue.
20Il samble voir qu’argens me pue ;

Dalès moi ne poet arrester.
J’en ai moult perdu au prester ;
Il est fols qui preste sans gage.
Argent scet maint divers langage ;
25Il est à toutes gens acointes ;
Il aime les beaus et les cointes,
Les nobles et les orfrisiés,
Les amourous, les envoisiés,
Les pélerins, les marchéans
30Qui sont de leurs fais bien chéans,
Ceuls qui sievent soit guerre ou jouste ;
Car à tels gens argent ne couste
Nulle chose, ce leur est vis ;
Dalès euls le voïent enuis.
35Argent trop volentiers se change ;
Pour ce ont leur droit nom li change ;
Pas ne le scevent toute gent.
Change est paradys à l’argent,
Car il a là tous ses déduis,
40Ses bons jours et ses bonnes nuis ;
Là se dort-il, là se repose.
Là le grate-on, c’est vraie chose !
Là est frotés et estrillés,
Lavés et bien appareilliés ;
45Il en vïent com par enfance ;
Ils le poisent à la balance ;
Avoir li font toutes ses aises ;
Au devant de lui mettent haises.
Afin qu’on ne le puist haper.
50Cil qui se mellent de draper

En prendent la plus grans puignies.
Argens est de pluisours lignies ;
Car lors qu’il est issus de terre
Dire poet : « Je m’en vais conquerre
55 » Pays, chasteaus, terre et offisces. »
Argent fait avoir bénéfisces,
Et fait des drois venir les tors,
Et des tors les drois au retors.
Il n’est chose qu’argens ne face,
60Et ne desface, et ne reface.
Argent est un droit enchanteur,
Un lierres et un bareteur ;
Tout met à point et tout toveille.
Il dort un temps, puis se resveille.
65Se gros tournois leur cours avoient
Et les changéours y sçavoient
Gaagnier, quoique peu de cours
Aïent ores, dedens briefs jours
Vous en veriés sus establies
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