(Introduction) Comme les poètes eux-mêmes ont dès longtemps médité sur leur pratique de la poésie, on leur laissera la parole le plus souvent possible.
Bien placés bien choisis
quelques mots font une poésie
les mots il suffit qu'on les aime
pour écrire un poème
on sait pas toujours ce qu'on dit
lorsque nait la poésie
faut ensuite rechercher le thème
pour intituler le poème
mais d'autres fois on pleure on rit
en écrivant la poésie
ça a toujours kékchose d'extrême
un poème
Celui qui entre par hasard dans la demeure d'un poète
Ne sait sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui
Que chaque nœud du bois renferme d'avantage
Des cris d'oiseaux que tout le cœur de la foret
Il suffit qu'une lampe pose son cou de femme
À la tombé du soir contre un angle verni
Pour délivrer soudain mille peuples d'abeilles
Et l'odeur du pain frais des cerises fleuris
Car tel est le bonheur de cette solitude
Qu'une caresse toute plate de la main
Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes
La légèreté d'un arbre dans le matin.
Sont-ils dangereux ou inutiles ? [...] D'où ces images dévaluées et péjoratives : cigale chanteuse, pierrot lunaire, le poète est écarté de la sphère sociale. S'il se laisse entraîner sur la pente de la rêverie, on l'accuse d'extravagance ou de folie : son délire le rend insociable. Qu'il se contente de chanter, on lui reproche cette activité gratuite: sacrifiant au plaisir de l'instant, il se condamne au parasitisme social.
L'image est ainsi un recours désespéré contre le silence qui nous envahit chaque fois que nous tentons la terrible expérience de ce qui nous entoure et de nous mêmes... En deçà de l'image git le monde la langue courante, des explications et de l'histoire. Au-delà s'ouvrent les portes du réel : signification et non-signification deviennent des termes équivalents. Tel est le sens ultime de l'image : elle-même. -
- Il ne s'agit point du tout en poésie de transmettre à quelqu'un ce qui se passe d'intelligible dans un autre. Il s'agit de créer dans le premier un état dont l'expression soit précisément et singulièrement celle qui le lui communique -
Le poète est celui qui ne parle pas comme tout le monde ; qui transgresse les règles de la langue ; qui fait des fautes. Mais son anormalité est valorisée positivement ; ses fautes deviennent beautés au pire licences poétiques.
Maintenant tu marches dans Paris, tout seule parmi la foule
Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent
L'angoisse de l'amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais plus être aimé
Paradoxe du mythe : [...] il est une histoire inventée et pourtant il dit une vérité, reconnue comme telle, sur laquelle se fonde l'interprétation qu'une culture donne du monde.
- Mais au contraire, le poème ne meurt pas pour avoir servi ; il est fait expressément pour renaitre de ses cendres et redevenir indéfiniment ce qu'il vient d'être. -