Dans le laboratoire de Poésie Pratique, Jean Mambrino
Là
Fenêtre pleine
de couleurs de parfums
d'espaces en fleurs.
S'ouvre aussi l'espace
dans ton coeur
tissé d'odeurs et d'oiseaux.
La lumière se retire
dans l'ouvert
par les feuillages.
Tu ne vois que le jardin.
(" Ainsi ruse le mystère ")
La poésie est un langage silencieux
qui efface ses propres traces, pour qu’on
entende ce que les mots ne disent pas.

Clairière
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il y a
le souffle qui monte
la respiration du monde
en toute poitrine
le souffle l’espace de l’herbe
qui s’ouvre
lentement immobile offert
l’herbe aussi profonde que la lumière
qui attire et libère lentement
qui rassemble partage de la lumière
qui l’attire l’enferme
lentement immobile
la libère
l’or de l’herbe et de l’ombre
la transparence
source de la nuit
la transparence sur nos yeux
ouvrant la nuit
l’herbe aussi claire que la nuit
très pauvre ayant perdu même
son odeur avec les pluies
mais dans la forêt la pluie tisse
une forêt seconde
prépare la transparence
éveille au bord des mares
laîches et roseaux
égrise ces cailloux d’enfant
souvenirs d’un chemin en silence
il y a
la fraîcheur de l’ouverture
toujours neuve
l’odeur de la résine à travers le cristal
l’instant la merveille qui persiste
le poids du jour contre le cœur
et l’offrande qui persiste quand un cri léger
traverse la clairière
non pas une voix un simple écho
un écho sans voix aucune
et la clairière couleur de l’herbe
sous la neige
Enfin fleurit l'asphodèle
Enfin la montagne ruisselante
abonde jusqu'au fond des plaines
enfin enfin l'hirondelle
fait son nid dans la couronne du soir.
Mais ne méprise jamais pèlerin
dans les derniers replis du soir
au bord des lacs où dorment les montagnes
la femme plus odorante que les pins
au corps de pollen et de raisin noir.
L’automne
L’automne sur les ailes des oiseaux
Couleur de feuille et de forêt qui meurt
Une tendre rousseur
Une braise qui s’avive
Dans un lambeau de vent arraché à l’automne
Et les ailes qui volent
Avec les ailes délivrées.
Le temps s’achève dans un orage clair.
Un seul mouvement qui arrive
Une seule liberté
Feuilles et plumes fondues dans l’air
Flammes qui descendent
Envol sur les terrasses du soir.
Un seul envol d’automne et de cendres
Une submergeante lumière.
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mais ces montagnes sont sans chemins
envahies par les arbres et la neige
telle une phrase entièrement
muette
d’où vient qu’elles rayonnent ainsi
les Très Obscures
et quelle main a brisé
ces branches
comme pour interdire la pensée même
d’un chemin
absolument désertes
inaccessibles au
souvenir
une voix murmure où les ai-je
déjà vues et comment puis-je
les reconnaître
nuit plus bleue que la nuit
qui étincelle sans fin
dans la jeunesse du soleil
dans le ravissement de la neige
IV/VANITAS VANITATIS
Je chante pour moi tout bas.
L'air mange mes mots.
Trop de silence les enchante.
Ils ressemblent aux couleurs
des fleurs du jardin
que le ciel dévore, ou bien
le temps. L'aurore arrose
de sa rosée les choses qui
meurent avant d'avoir été.
La bouche de la lumière
mâche les fruits, les pensées.
Pour le ventre de la nuit.
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alors surgissent les montagnes
pleines d’arômes
les trônes les tours sans veilleurs
dans la distance infiniment pure et ronde
une seule branche
lente à se balancer
comble l’espace qui m’en sépare
unissant la forêt à la forêt
quel autel s’exhausse dans le parfum et la neige
quelle abondance de cristal et de nuit
quel appel quel sourire de gloire
taciturne sourire
quelle alliance d’enfance et de majesté
ô féminines plus lisses dans l’azur et la neige
que toute chair féminine
ô longues à contempler
faibles petitement là-bas
beauté pour être bue et oubliée
courbes de l’infini
envol des voiles
montagnes passantes et repassantes
derrière les nuées
patience de la paix
qui respirera votre arôme
à travers le ciel acide et vert
jusqu’à la dernière ligne dorée du monde
quand vers le soir s’éloigne
le signal des clarines
Lire comme on se souvient
Se souvenir, c'est non seulement rassembler des faits épars dans le passé, des événements, des rencontres, des visages disparus, mais, ce faisant, retrouver la source même de notre être, et le sens du chemin qui nous a faits tels que nous sommes. (...)
Je parle ici des livres dans le même esprit, et privilégie une forme de lecture proche de la méditation et de l'écoute musicale. elle implique une certaine distance d'avec soi-même, une solitude heureuse et reposée, ouverte sur les profondeurs de la vie. (...)
Il est des ouvrages qui ne relèvent ni de l'information ni du divertissement, même s'ils nous instruisent de l'essentiel en nous charmant, et nous communiquent le sentiment que nous avons découvert à travers eux ce que nous avions de plus intime et de plus caché. (p. 16)