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Critiques de Jean Ristat (3)
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Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés

NOSTALGIE DE L'ALEXANDRIN.



Le lecteur cherchant ici une poésie "à la pointe" de la modernité poétique en sera certainement pour ses frais. Jean Ristat a trop l'amour de la versification classique, de son cher Aragon - qu'on ne peut s'empêcher d'entendre à plusieurs reprises - des formes anciennes et bientôt oubliées, n'était sa patience sourde à nous les remémorer, des "Tombeaux", "Éloges funèbres" et autres "Déplorations".



L'éloge funèbre - hommage ? - de Monsieur Martinoty nous plonge dans un monde baroque, celui du théâtre (ce metteur en scène disparu en 2016 était un fidèle re-créateur d'opéras de cette époque), celui du siècle de Louis XIV, un monde d'acteurs, de faussaires volontaires, revendiqués reconnus comme tels, de paris sans cesse renouvelés sur le temps, sur les modes, sur la vie, mais sans doute dans sa phase la plus finale :



«Le voici donc l'homme que la gloire un instant

Caressa de son aile volage au jour

D'hui rendu à la terre où grouille la vermine (...)»



Si le théâtre derrière l'existence semble être la thématique majeure de ce premier moment, c'est encore à un théâtre d'ombre, plus intime et personnel, que Jean Ristat nous convie dans "Le pays des ombres", semblant regretter d'être Hic et Nunc, dans cette contemporanéité malheureuse qu'il décrit ainsi :



«Je suis né au pli du crime Ô la puanteur

Des corps démembrés et sans visage au feu

Du ciel indifférent le bruit bleuté des bombes



Les griffes de la lumière sur la peau»



Dans un monde où, nous explique-t-il, «on a enterré la parole partout». C'est encore le temps de la déploration, des gémissements sans réels pleurs ni angoisse mais qu'une grande vague de nostalgie emporte à chaque vers - toujours ces alexandrins tords et dé-composés, permettant ici et là des doubles, des triples sens qu'une versification plus sage et respectueuse ne permettrait pas :



«(...)

Comme on voit aux jeux de cartes les figures cul

Butées y a-t-il donc maldonne »



Mais qu'on ne s'y trompe pas : le poète ne s'adonne en rien à quelque tentative risible de jeu de mot sans envergure, non ! car l'essentiel est d'amener le lecteur à entendre que rien n'est jamais si solide qu'on le croit, que ce qui semble entamé ici s'achève plus loin, mais s'achève toujours, que rien n'est stable malgré la volonté formelle. Est-ce ce monde où le poète parait se sentir si mal à son aise, si peu "en phase", qui en est cause ?



"Détricoter la nuit" qui achève ce recueil plus spleenétique qu'il y parait de prime abord - les références aux grands siècles baroques cachent à l’œil distrait ce fond subtil d'un romantisme grisâtre et enrobant - est une proposition de lecture des Tableaux d'une exposition du russe Modest Moussorgski. Si le mélancolique s'y trouve toujours présent, la verve poétique, une certaine fraîcheur que renouvelle la visite et le parcours musical qui, suppose-t-on, accompagnent l'écriture, apporte son lot d'images d'une resplendissante spontanéité un instant retrouvée :



«un jour un jour me

Disais-je j'irai jusqu'à la mer où les

Grands fleuves s'abouchent au ciel avec les oiseaux

Rieurs

(...)»



Faussement classique, la poésie de Jean Ristat semble vouloir éviter ce monde-ci qu'il fuit depuis toujours, mais que rattrape parfois une mise en mot plus vive et brève qu'il faudrait pour y échapper tout à fait. "Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés" laisse un léger goût de sel et de larmes sèches dans la gorge de qui découvre ce temps suspendu, au seuil de abattement, jusqu'à la suivante imperturbable seconde, assurant sans fin sa propre soif de tristesse. Inexorable.



Pour mémoire, Jean-Louis Martinoty était un metteur en scène et écrivain français, né le 20 janvier 1946 à Étampes et mort le 27 janvier 2016 à Neuilly-sur-Seine. Remarqué pour ses mises en scène d'opéras baroques à partir des années 19802, il fut également administrateur général de l'Opéra de Paris de 1986 à 1989. [Source : Poezibao]
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Aragon :

Jean Ristat a présenté, en 1997, dans la collection « Découvertes Gallimard » un portrait biographique d’Aragon intitulé : Aragon « Commencez par me lire ! » Jean Ristat a rencontré, travaillé et échangé avec Aragon, il est son exécuteur testamentaire et il est secrétaire de l’Association pour la Fondation Aragon-Elsa Triolet. C’est dire que l’auteur connaît l’écrivain et son œuvre, reste le nécessaire recul du lecteur sur les propos d’un proche collaborateur d’Aragon. La collection « Découvertes Gallimard » présente une remarquable documentation qui illustre et découpe le texte nécessairement ramassé sur un tel thème. La synthèse en 95 pages (plus 26 pages de documents et témoignages) parcourt une vie longue (85 ans), traversée par deux guerres, et riche de nombreuses rencontres artistiques (les Surréalistes, Elsa triolet ….) et politiques (les responsables politiques communistes français et soviétiques). Les évènements se succèdent, Aragon croise de très nombreux écrivains, peintres… la synthèse paraît chargée (trop chargée ?) mais le format de la Collection l’impose. L’auteur ne cache pas les ambigüités, « le mentir-vrai » d’Aragon, sa prise de distance avec le PCF et l’URSS dans les années 60 et 70. Un court livre qui donne au lecteur l’envie de découvrir, ou de reprendre les écrits d’Aragon car « l’homme et l’œuvre ne peuvent être compris que dans une continuité ».
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Ode pour hâter la venue du printemps : Suivi ..

Par le secrétaire d'Aragon, un rare mélange contemporain de culture classique et d'engagement socio-politique.



Secrétaire d'Aragon jusqu'à sa mort (et éxécuteur testamentaire), actuel directeur des "Lettres françaises" (le supplément littéraire de l'Humanité) Jean Ristat est un poète contemporain attachant, même si son maniement agressif de la césure peut parfois dérouter, ou ravir.



Ce recueil regroupe "Ode pour hâter la venue du printemps" (1978), "Tombeau de Monsieur Aragon" (1983), "Le parlement d'amour" (1993) et "La Mort de l'aimé" (1998).



On y trouvera des vers parfois magiques :



"Et dis-moi camarade pour qui chanteront

Les lendemains qui ne viennent pas attendre elle

Disait tandis que les mains s'usaient et les genoux

Pliaient au service les noms changent le fouet

Est le même il nous faudra pour apprendre à être

Libre du temps et beaucoup plus encore à sa

Voir que faire de cette part de nous-même é

Touffée sous l'abat-jour des siècles les dieux

Sont morts qui gouvernaient sous le masque des ty

Rans aux longues jambes d'échassiers avec

Plumes cléricales"



"On abat les arbres dans la forêt j'entends

Craquer les grands chênes

Et jusque dans leur chute fatale ils écrasent

La tendre et native pousse qui donc parlait

De pitié qui rêvait de justice et de

Fraternité disaient en riant les notables

Le dimanche après-midi à la fin d'un ban

Quet"



"Paroles dis-tu je ne suis qu'un homme de

Papier mais je veux garder mémoire de

L'ignoble et de l'injuste dire les luttes et

L'espérance ranimer le feu qu'on croyait

Éteint à jamais sous la cendre d'intermi

Nables batailles je ne m'appartiens pas

Ecrire me dépossède O comme je te

Ressemble et tu ne le savais pas camarade"



"Nous allons sur les grandes routes de par le

Monde en guerre nous avons tout perdu le vent

Nous habille le ciel nous lave l'amour

Est notre livre défendu nouveaux croisés

Nous aimions autrefois les rolling stones

Et la musique ébranlait le capitalisme

Insolents nous forgions l'avenir dans un

Atelier de rythmes inouïs et de sono

Rités éclatantes une tendre violence

Déchirait nos cœurs nous avons dressé dans pa

Ris des barricades lancé des pavés comme

Bouteilles à la mer nous fûmes vaincus par des

Vieillards tristes et apeurés qu'avons-nous fait

De l'espoir nous avons reconstruit les temples et

Changé d'uniforme tu as oublié ca

Marade le mois de mai tu enseignes l'ordre

Démolis ta maison sors dans la rue et

Regarde tu es comme un aveugle qui tend

Toujours la main jette ta canne avoue les

Songes qu'on ne t'a pas appris lève-toi et

Ose"



Et une remarquable introduction d'Omar Berrada, en 30 pages, qui nous détaille notamment l'impressionnante maîtrise du poète, nourri de modernité et de luttes sociales autant que de Virgile, de Malherbe ou de Byron, rare conjonction...

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