Citations de Jean d` Ormesson (2585)
Il y a quelques années à peine que, venant d'ailleurs et de nulle part, j'ai soudain débarqué dans cette vallée de roses et de larmes. Et il n'y a pas très longtemps que d'autres, semblables à moi et pourtant différents, m'y ont précédé. Ce qu'était le monde avant moi, je parviens à m'en faire une idée. Ce qu'il était avant les hommes est difficile à imaginer.
Longtemps, je n'ai pas été. Et, plus longtemps encore, je ne serai plus là.
Pendant des siècles et des siècles, j'ai été invraisemblable. Et personne ne pouvait me prévoir. Et pendant des siècles et des siècles, je serai oublié.
Vous ne ferez jamais aussi bien que l'Odyssée où Nausicaa, aux yeux d'Ulysse, ressemble à un jeune palmier, que Dante pour qui l'amour fait tourner le soleil et les autres étoiles, que Pétrarque avec Laure, que Racine à qui je vous renvoie en cas de cœur brisé :
J'aimais Seigneur, j'aimais, je voulais être aimée...
ou
Je ne t'ai point aimé, cruel ! qu'ai-je donc fait ?
J'aimais beaucoup ne rien faire. Dans cette occupation suprême j'étais presque excellent. Je ne m'ennuyais jamais. Je rêvais . Non pas tant par paresse que par manque d'intérêt. Travailler ne m'intéressait pas. J'étais désintéressé.
Je crois que le comble de l'art, c'est de donner de l'inattendu qui soit en même temps évident.
J'ai toujours pensé que les écrivains étaient plus dangereux que personne parce qu'ils tenaient moins au bonheur qu'à écrire un beau livre.
L'apparence de légèreté cache parfois un peu d'angoisse.
Ce que nous cherchons sans doute tous, c'est à fermer nos blessures et puis - surtout, surtout - à les laisser ouvertes. Alors, c'est la paix et la guerre, la solidité et les chimères, le bonheur et l'attente.
Et la mort, qu'est-ce donc, sinon le couronnement de la vie?
Nous nous sommes beaucoup amusés avec l'incertitude. Peut-être serait-il temps de cultiver quelques certitudes. Choisissons-les avec soin.
Il est peut-être plus difficile de quitter les choses que de les atteindre.
C'est une institution. Elles ne valent rien, mais elles tiennent.
Je crois que nous devons commencer à nous ménager... mais ne cessons pas tout à fait de nous amuser.
On a toujours un doute, un remords, un scrupule.
J'ai souvent envie de crier aux jeunes gens qu'ils ne savent pas ce qu'ils font en n'exprimant pas leur amour à ceux qui les aiment tant. Ils le sauront, bien sûr. Mais trop tard: les parents seront morts.
Je crois que le pardon est, avec l'amour dont il n'est que l'expression, ce qui peut donner un sens à l'existence des hommes.
Mais les bonnes intentions n'ont jamais empêché personne de se tromper.
Voilà ce qui nous fait souvent tant de peine devant les morts: ce que nous n'avons pas fait pour eux ou avec eux.
Ceux qui, dans une époque, représentent beaucoup de choses ne se rendent pas toujours compte de ce que leur aide, leur sympathie apporte de force, d'encouragement.
Dire ce qu'on pense est un effort et une souffrance.