Citations de Jean d` Ormesson (2583)
Tout ce qui est né mourra. Tout ce qui est apparu dans le temps disparaîtra dans le temps. Au commencement des choses, il y a un peu moins de quatorze milliards d'années, il n'y avait que de l'avenir. À la fin de ce monde et du temps, il n'y aura plus que du passé. Toute l'espérance des hommes se sera changée en souvenir. En souvenir pour qui ? Il n'y aura plus que ce rien éternel qui se confond avec tout, dont le monde est sorti, où il retournera et que nous appelons Dieu.
Tout le bonheur du monde est dans l'inattendu.
Faut-il à tout prix imposer aux autres une vérité dont ils ne veulent pas ?
Mieux vaut parfois aimer les autres que de leur dire notre vérité.
Parce que Molière est un génie de tous les temps, il faut imaginer Tartuffe, de nos jours, en train de se dissimuler non plus, bien entendu, derrière les valeurs traditionnelles, mais derrière le sacré d'aujourd'hui : la pieuse démagogie, l'égalitarisme cagot, l'affectation hypocrite d'une passion pour les droits de l'homme.
Dans le rien, tout est confondu.
À nous, les égarés, l’univers, le temps, l’histoire, le sens de notre vie apparaissent comme un secret.
« Il y a dans tout début une surprise et une attente qui seront peut-être déçues mais qui donnent au temps qui passe sa couleur et sa vigueur. Connaître, c’est connaître par les causes. Comprendre, c’est remonter aux origines. »
Ce qui va marquer les hommes en train de se hisser au-dessus de ces primates qui s’étaient hissés au-dessus de la matière, c’est l’orgueil.
Vous voilà né. Pour mourir, en attendant, il faut bien vivre ! Vivre est une occupation de tous les instants.
Bolesław Prus - 1847-1912 - Le Pharaon
L'histoire du Pharaon débute il y a trois mille ans, à la fin du nouvel empire égyptien. La nation est en plein déclin rongée à l'ouest par le désert et à l'est par la menace croissante de l'armée assyrienne. Le jeune prince Ramsès est l'héritier officiel de son père qui se meurt.
Dès qu'il accède au trône, Ramsès est décidé à restaurer les pouvoirs du pharaon, à reconstruire l'armée et à retrouver la prospérité. Mais il hérite de coffres vides et d'une population affaiblie par des collecteurs d'impôts et des prêtres cupides.
PAGE 36 : Je commence à apprendre l’orthographe et le calcul dans les jupes de ma mère. L’orthographe, que j’ai pourtant naturelle, m’apparaît non seulement comme un cortège d’exceptions mais comme un abîme d’arbitraire. Imbécile et imbécillité, chariot et charrette me plongent dans des gouffres de perplexité. Et je me demande, je m’en souviens très bien, pourquoi 2 et 2 ne font pas 22 au lieu de 4. Et je lis. Je lis à peu près tout ce qui peut me tomber sous la main. Les affiches sur les murs, les ordonnances des médecins, les prospectus dans la rue, les journaux pour enfants. Tintin n’est pas encore né. Mes préférés sont Bicot et Bibi Fricotin. Un peu plus tard, les Pieds Nickelés.
PAGES 23-24 : J’ai souvent raconté l’histoire du déjeuner ou du dîner du nonce du Pape à la maison, le futur cardinal Pacelli qui deviendra Pie XII : J’avais un frère, Henry, de quatre ou cinq ans plus âgé que moi. Il était plutôt solitaire et un peu sauvage… Le matin de la visite du nonce, mes parents font la leçon à Henry. Il est prié d’être très poli, bien propre sur lui, les mains lavées, les cheveux coiffés avec soin, et de ne pas dire de gros mots. Le repas se passe à merveille. Henry se tient fort bien. La dernière bouchée avalée, mon frère, renvoyé dans sa chambre, prend congé de l’éminence en parfait gentleman. Il incline la tête avec respect, il baise l’anneau du nonce et il s’en va. Mais sur le pas de la porte, il se retourne tout à coup et lance d’une voix de stentor : « au revoir, mon vieux ! ». Tout le monde fait semblant de n’avoir rien entendu. Mes parents sont effondrés… Quarante ans plus tard, mon frère, inspecteur général des finances, à la tête d’une mission au Vatican, présente ses respects à Pie XII dans une brève allocution. La délégation est en train de se retirer quand le Saint-Père fait un geste de la main vers mon frère, le retient un instant et lui demande : « Vous ne dites plus « mon vieux » au Pape ? ».
PAGE 19 : J’appartiens à une famille, probablement d’artisans, qui acquiert un semblant de notoriété au XVIe siècle. Parmi d’innombrables greffiers, notaires, juristes, intendants qui formeront la caste modeste et orgueilleuse des parlementaires, elle se met, avec un esprit d’indépendance, au service du roi.
PAGE 21 : Mon père était diplomate. Il appartenait à une tribu encore autorisée, en ces temps-là, à rouler, avec des plumes sur la tête, dans des carrosses traînés par huit chevaux blancs et entourés de cavaliers en uniforme de parade. Il était ardemment républicain et ardemment démocrate. Avec une nuance de jansénisme. Il combinait un conservatisme social, un idéalisme politique et une extrême rigueur morale. Très ennemi de la guerre, au bord parfois de l’antimilitarisme, il croyait avec force à la réconciliation entre les adversaires de la tuerie de 1914.
PAGE 18 : Mes parents m’ont souvent assuré que j’étais né le 16 juin 1925, quelques jours avant l’été, entre la fin de la Première guerre mondiale et la grande crise tout aussi mondiale. Mais, franchement, je n’en sais rien. Ce n’est pas beaucoup plus qu’une rumeur qui court, appuyée, je crois, sur des liasses de papiers qui se répètent les uns les autres. Sans aucune garantie. Mon identité me paraît souvent très floue et plus proche d’une fiction juridique que d’une évidence scientifique.
Je compris aussitôt, pour la première fois avant d'innombrables expériences encore à venir, que notre passage dans ce monde était un rêve fragile et que l'histoire se chargeait avec une rigueur impitoyable non seulement de préparer du nouveau, mais de réduire à néant tout ce passé éphémère qui se confondait avec nous.
Selon la belle formule du professeur Bjöersenson, "l'empire reposait sur trois piliers, il avait trois soucis et trois lois qui n'en faisait qu'une seule : la guerre, la fête et la religion".
Les chrétiens n'ont pas le droit de se plaindre - d’ailleurs, ils ne se plaignent pas. Non seulement il ne peut pas leur être interdit de croire en un Dieu créateur du ciel et de la terre, mais ils ont la chance d'avoir pour modèle, sous leurs yeux, un personnage à qui l'existence et la place dans notre histoire ne peuvent pas être contestées : Jésus.
Lui au moins, il est permis de l'admirer et de l'aimer sans se poser trop de questions sur sa réalité. Si quelqu'un a laissé une trace éclatante dans l'esprit des hommes, c'est bien le Christ Jésus.
Je ne prétends pas que Dieu existe : je n'en sais rien. Je prétend qu'il peut exister. Je prétends que rien ne s'oppose à son existence. Je prétends qu'il a le droit d'exister. C'est comme un coin de ciel bleu au terme d'une journée plutôt sombre.
Dieu, s'il existe, est non seulement un mystère, mais le mystère des mystères. Il est une sorte d'abcès de fixation de l'incompréhensible. Il est le mystère qui explique tout le mystère du monde.
La question que nous nous posons inlassablement sans jamais obtenir de réponse tient en quelques mots : qu'est-ce que le monde fait là ? Et, plus simple encore : que faisons-nous dans ce monde ?