« Je croyais savoir ce que je voulais. Mon futur était prêt. Mandy et moi avons toujours été bien ensemble. C’était facile et discret. Pas de drame. Peu de disputes. Peut-être un peu vieux jeu parfois, mais c’est normal quand on est avec la même personne pendant une décennie et demie.
Mais maintenant, j’ai l’impression que quelque chose a toujours manqué.
Cette étincelle.
Une connexion profonde.
L’amusement.
J’ai la sensation d’être une personne différente et Mandy n’a pas changé du tout. J’évolue, et elle stagne. Je décortique toutes les choses qui nous rendent différents, tous nos défauts et nos manques. Je tiens à Mandy, vraiment, mais est-ce que je l’aime ?
L’ai-je déjà aimée ?
Peut-être… peut-être, mais ça a toujours été un amour superficiel. Confortable. Peu profond.
Nous n’avons pas de cicatrices, pas de blessures de guerre. Nous ne sommes pas allés en enfer et n’en sommes pas revenus, nous ne nous sommes pas accrochés l’un à l’autre dans l’ombre, en pleurant, en tremblant, en expulsant ensemble les morceaux les plus sales de notre âme.
C’est ce que je veux ? »
Je croise son regard, ivre de bonheur, et je fais tournoyer une mèche de ses cheveux autour de mon doigt alors qu’elle me fait face sur le lit.
— Tu es toujours mienne ?
Cora n’hésite pas.
Elle attrape ma main et la place sur son cœur.
— Il bat toujours, dit-elle.
Son visage s’illumine d’un sourire radieux qui fait écho aux battements de son cœur.
— Tant qu’il battra, je serai à toi.
Ses poings sont serrés, son visage rempli de colère.
— Ou tu imagines que tomber amoureux de toi a été amusant ? Tomber amoureux de la seule femme au monde que je ne peux pas avoir, la regarder me glisser entre les doigts, petit à petit, jour après jour, pour la retrouver presque morte d’une overdose ? Ou peut-être que tu fais référence au sexe. Le sexe est toujours amusant, non ? Ça a été tellement amusant d’essayer de t’atteindre de la seule façon possible, de te faire l’amour alors que tu ne peux même pas me regarder dans les yeux, et d’essayer de ramasser tous les petits os que tu me jettes sans jamais vraiment t’avoir. C’était très amusant de se réveiller chaque matin dans un lit vide, avec des draps qui sentent ton odeur et qui me rappellent que tu n’es pas là. Et ça a été particulièrement amusant de devoir me déraciner de ma propre vie parce que je tiens tellement à toi que je ne peux pas supporter de continuer à te voir souffrir.
« — Mais je suis heureux d’avoir été là. Et je referais tout ça, des milliers de fois, juste pour t’empêcher de vivre cette merde toute seule. Je suis content d’avoir été là avec toi.
Un gémissement semblable à un souffle s’échappe d’elle. Je ne l’ai jamais vue me regarder comme ça avant.
Je ferme les yeux et pose mon front sur le sien.
— Et ne me demande pas ce que cela signifie, Corabelle, parce que je n’en ai pas la moindre idée. Tout ce que je sais, c’est que je tuerais ce fils de pute encore et encore pour que tu sois en sécurité. Je tuerais même cent hommes si je pensais que cela pourrait chasser tes cauchemars et t’apporter la paix. Et je sais que ça a l’air dingue, crois-moi, je le sais, mais je ne peux pas te laisser te sentir coupable, responsable ou faible une minute de plus. Tu es une guerrière. »
« — Qu’est-ce que nous sommes ? demandé-je à voix haute.
Je ne m’attendais pas à ce que ces mots sortent, mais ils me tourmentent depuis des jours. Dean a toujours eu une place bien précise dans ma vie. Dean, le connard. Dean, le petit ami débile de ma sœur. Dean, mon ennemi juré.
Mais…
— Je n’ai plus l’impression que tu es mon ennemi.
Tu es comme ma bouée de sauvetage.
Je le vois froncer légèrement les sourcils alors qu’il m’étudie. Les secondes passent et se transforment en minutes. Nos regards dérivent et se heurtent. Dérivent et se heurtent.
Il réfléchit. Il se pose probablement la même question.
— Je ne sais pas, répond finalement Dean, avec une certaine forme de tristesse dans chaque mot. Mais je pense que tu avais raison… nous ne serons jamais amis. »
Je distinguerais l’expression dans son regard dans le rétroviseur après que nous avons secouru Blizzard au milieu d’une route enneigée.
Je verrais l’horreur et la culpabilité quand il pensait m’avoir blessée avec le beignet à la fécule de maïs.
Je décortiquerais ses clins d’œil, ses sourires et l’étincelle dans ses yeux quand j’étais là.
Je sentirais ses bras prudents autour de moi chez le vétérinaire alors qu’il me remplissait d’espoir.
Je me souviendrais de la façon dont il est venu me chercher cette nuit fatidique de novembre à presque deux heures du matin, sans hésitation, sans poser de questions.
J’entendrais ses nobles paroles dans cette cave : « Fais ce que tu veux de moi. Laisse-la tranquille ».
« Dean rit, et étire ses longues jambes, ses chaussettes frottant sur le sol.
— Je pensais emporter ce secret dans ma tombe, admet-il avec un sourire en coin. Mais je ne pouvais pas te laisser continuer à croire que je te détestais. C’est bien loin de la vérité.
— Tu aurais pu. Pourquoi t’es-tu comporté en crétin avec moi ?
Son sourire disparaît.
— Je te l’ai dit. J’étais un enfant, et c’est ce que font les garçons débiles quand ils aiment une fille. Ils les malmènent.
— Je ne comprendrai jamais ça.
— Oui, c’est stupide. Puis nous avons tous les deux grandi, et se donner du fil à retordre faisait partie de ce que nous étions. Il n’y avait pas de retour en arrière possible. »
« — Tu es malade. Tu souffres de stress post-traumatique… tu as passé la nuit à te tourner et te retourner, parfois en criant et en secouant le lit. Tu n’as pas réglé ton problème de voiture, tu ne sais pas quand tu vas reprendre le travail ni comment tu vas payer quoi que ce soit quand tu auras épuisé tes économies. Tu bois toute la journée, tous les jours. Tu n’as pas dit un mot à propos du mariage. Tu n’as pas envie de me toucher ou de m’embrasser, en fait, on dirait que tu ne veux même pas que je sois là.
Mandy baisse la tête, refoulant ses larmes.
— Tu ne vas pas bien, et je ne sais pas comment t’aider.
Je ne sais pas non plus comment m’aider. »
« — Ça va lui briser le cœur. Le dernier gars avec qui elle était l’a trompée et elle ne s’en est pas remise. Allez, laisse tomber. Ça n’arrivera plus.
Je fais courir ma langue le long de mes dents, analysant ses mots. Puis je souffle lentement.
— Dis que c’était de ma faute.
— Quoi ?
— Dis-lui que tu romps avec elle parce que je t’ai menacé. Elle me déteste déjà. Elle le croira.
Brandon me regarde, abasourdi.
— Tu es complètement fou. Tu es secrètement amoureux d’elle ou quoi ?
Je me jette sur lui, le plaquant contre le capot.
— Fais-le, ou je jure devant Dieu que demain tu seras chez le chirurgien plastique pour avoir un nouveau nez. »
« — Je sais que tu ne vas pas comprendre ce que je dis, mais je crois que j’avais juste besoin que quelqu’un m’écoute. J’ai vécu des choses assez folles il y a quelques mois, et je ne pense pas que je le gère très bien. Je suis confus à propos de beaucoup de choses. Je fais encore des cauchemars. J’ai besoin de toute ma volonté pour ne pas boire jusqu’à en mourir. Et…
Je ferme les yeux, en grinçant des dents.
— Je crois que je suis en train de tomber amoureux de la seule foutue femme au monde qui est complètement hors limites. Je sais qu’elle le ressent aussi, ce qui devrait être génial, non ? Les gens écrivent des livres sur ces conneries. »