Citations de Jérôme Kerviel (100)
Plusieurs d'entre eux m'ont assuré en privé de leur soutien. Malheureusement, ils se sont jusqu'à présent refusés à porter un témoignage public, par crainte de subir des représailles pouvant aller jusqu'à la perte de leur emploi.
Aujourd'hui, je regarde le champ de ruines qu'est devenu ma vie ; impossible de reconstruire quoi que ce soit tant que le procès ne se sera pas déroulé. De lui dépendra mon avenir.
"À ce stade de l'instruction il m'apparaît indispensable de faire cette déclaration pour souligner les lacunes considérables de l'instruction vraisemblablement dues à une volonté dont j'ignore la nature et les raisons destinées à clore l'instruction au plus vite, et dont l'intégralité a été sponsorisée par la Société Générale."
Agacé et dépité, je me revois lui dire [au juge], en souriant un peu jaune, que je constatais que la seule fois que des juges avaient accepté d'organiser une audience, c'était pour me mettre en prison.
Éric Dupont-Moretti, bien connu des médias, aurait pour mission de contrer Renaud Van Ruymbeke, tandis que Francis Tissot et Caroline Wasserman travailleraient les aspects techniques.
Le juge revint de la tour [de la banque] en affirmant que je lui avais menti ; l'ambiance de la salle de marchés était telle que j'avais parfaitement pu y mener mes opérations à l'insu de tout. J'en conclus que la Société Générale n'avait pas dû lui montrer la salle où je travaillais. La lecture du procès-verbal m'apporta en outre la preuve qu'il avait rencontré plusieurs personnes parties prenantes à l'instruction. La confiance que j'avais placée en lui s'en trouva fortement ébranlée.
Tout le monde comprendrait [...] que certaines pratiques du milieu bancaire ne puissent plus se résumer à cette phrase : lorsque les règles aboutissent à un mauvais résultat, il suffit de les modifier.
Au derniers trimestre 2009, le cumul des pertes [...] se montait à près de 10 milliards [...] Ce qui n'a pas empêché la Société Générale [...] d'afficher des résultats positifs...
... on se souvient que par deux fois au cours de cette année j'avais engagé au total 120 milliards d'euros par une série d'opérations d'achat et de vente sur le marché allemand. Lorsque le marché s'écroula, en août et octobre 2007, je devais à chaque fois engager 30 milliards d'euros à l'achat, afin de solder les positions préalablement prises quelques semaines ou mois avant, volumes tellement considérables que de mon seul fait je soutenais le marché allemand tandis que les autres places européennes dévissaient fortement.
Leur démonstration fut d'autant plus laborieuse qu'elle était impossible.
Un de mes avocats posa alors une question habile : que se passait-il si un trader dépassait la limite ? Christophe Mannié n'hésita pas à répondre : il était licencié. "Vous est-il arrivé de licencier quelqu'un ?", demanda alors l'avocat. "Jamais", répondit Christophe Mannié.
... de manière générale, plus on montait dans la hiérarchie de la banque et plus les responsables semblaient en difficulté face au juge.
La thèse [de Van Ruymbeke] tenait en une phrase : il était clair qu'ils s'étaient montrés laxistes, mais je ne les en avais pas moins abusés.
En trois ans, disais-je à Van Ruymbeke, j'ai vu croître mes résultats de 1700% ! Dans quelle entreprise peut-on obtenir une telle croissance sans truquer ouvertement les règles ? Durant ces mêmes trois ans, j'ai laissé plus de 900 opérations en pending, c'est-à-dire en ne renseignant jamais les contreparties avec lesquelles la banque était supposée avoir négocié des milliards d'euros, contreparties d'autant moins référencées dans ses fichiers qu'elles n'existaient pas !
À force de crever les yeux, les choses deviennent invisibles [...] J'ai tendance à croire que, pour la seule fois dans une carrière ponctuée de positions courageuses et indépendantes, Renaud Van Ruymbeke a connu cet aveuglement ; les évidences étaient trop énormes pour qu'il puisse les croire.
Après trente-huit jours d'incarcération, un nouvel épisode de ma vie commençait.
Je n'avais qu'une seule idée : rentrer dans ma cellule, retrouver le seul endroit qui était devenu mon chez moi, mon unique lieu de vie. Pendant sept ans, c'est la Société Générale qui avait constitué mon havre ; aujourd'hui, c'était ma cellule.
La célèbre réflexion de Michael Douglas dans le film Wall Street, "Si tu veux un ami, paie-toi un chien", était sinistrement vraie.
Le constat était amer. J'avais donné sept ans de ma vie à une société pour moisir dans une cellule de prison, et mes amis se révélaient intrigants et dissimulateurs.
Quant à Moussa, je découvris plus tard, à la lecture des procès-verbaux d'instruction, qu'il n'était pas l'ami fidèle que j'avais cru. Ce fut une réelle épreuve, une de plus.