L'avant-propos (puisqu'il y en a dans ce livre) est émouvant, sans toutefois tomber dans le pathos. L'auteur y évoque la manière dont Chrysis a pris naissance, après le décès de sa compagne des suites d'un cancer. C'est elle qui a déniché un des tableaux de Gabrielle, Orgie, chez un antiquaire français, lors d'un ultime voyage thérapeutique en Europe. Il explique pourquoi ce tableau est devenu si important pour lui et comment il en est venu à s'interroger sur la vie de son auteur, un temps figure locale du courant expressionniste de son époque.
Selon les propres termes de Jim Fergus, l'histoire contée dans ce roman se veut simple. Il précise bien qu'il s'agit d'un roman et non d'une biographie. Il a voulu, à travers son écriture, mettre en relief l'exubérance de la jeunesse, le processus de création, le vertige des premières expériences sexuelles, du premier amour dans un contexte où tous les espoirs étaient permis. Bien qu'il s'agisse d'un roman, c'est à un véritable travail de détective auquel s'est astreint Fergus en partant sur les traces de Chrysis.
Le roman ne débute pas avec Chrysis, mais bien avec le héros masculin du livre, Bogart "Bogey" Lambert, jeune américain qui s'engage dans la Légion étrangère par idéalisme pour aller combattre en France lors de la Première guerre mondiale. On suivra les deux héros par alternance de chapitre jusqu'à ce qu'ils se rencontrent. C'est ainsi qu'on ne découvre Chrysis qu'à la page 51. En attendant, l'oeil attentif se délectera des allusions discrètes à la propagande de guerre et aux raisons souvent bien légères qui peuvent pousser à s'engager dans un conflit armé.
On suit donc Bogey (et son cheval, Crazy Horse) sur la route, de l'Amérique à... Mons (et c'est toujours un événement que de retrouver une ville belge mentionnée dans un bouquin!) pendant que Chrysis rejoint son école d'art. Personnellement, à ce moment du récit, je trouve, dans l'ensemble, l'histoire de Bogey bien plus intéressante que celle de Chrysis que j'ai suivi d'un oeil plutôt distrait. Par ailleurs, dès les premières lignes, j'ai trouvé que le récit et l'écriture manquaient de densité. Je ne sais pas pourquoi, mais je m'étais imaginée une écriture plus riche. Cette sensation ne m'a pour ainsi dire pas quittée de ma lecture et ce n'est que vers la page 200 que j'ai enfin réussi à pénétrer pleinement dans le récit au point d'oublier le monde qui m'entoure. Et c'est cette sensation que je recherche quand je lis, il est donc bien dommage que je ne l'ai ressentie que vers la fin (le livre compte 276 pages!). Le livre m'a quand même fait vivre d'agréables moments, comme lorsqu'on apprend pourquoi Gabrielle a choisi de se faire appeler Chrysis, peu après la page 100 ou lorsque Bogey et Chrysis font l'amour pour la première fois (bien que là encore, l'écriture aurait pu être plus dense).
Mon impression finale reste malheureusement ce goût de trop peu, de n'avoir fait que survoler les personnages, leurs sentiments, leurs relations aux autres. Un récit de surface alors que l'histoire, le contexte, l'époque m'avaient fait espérer un récit dense dans sa trame, ses décors, ses ambiances, ses odeurs, ses saveurs. Dense en mots aussi alors que je trouve que nombre des dialogues sonnent creux, voire faux par moment. Je m'attendais à quelque chose de plus littéraire et si je ne devais en retenir qu'une chose, ça serait vraiment le manque de densité, vous l'aurez compris. Ca ne me plait pas du tout d'en arriver à cette conclusion car je sais à quel point le processus d'écriture est quelque chose de compliqué et qu'arriver à écrire une histoire complète est déjà un défi en soi, je me sens toujours mal d'émettre un avis mitigé ou négatif sur le travail d'un auteur.
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