Jo Watson

La perfection et moi, on avait une relation compliquée. J'essayais à tout pris de l'atteindre tout en faisant mine de la haïr.

C’est fou à quel point notre poids peut être à la fois l’objet de jugement et de fétichisme. Il n’y a pas de juste milieu pour nous dans cette société. Un juste milieu où les gros pourraient exister en tant que personnes, sans être moqués, ni sexualisés.

J'ai repensé aux succulentes. Depuis ce premier rendez-vous, je n'arrivais plus à les sortir de ma tête. Le fait qu'on puisse les déraciner, les arracher, les couper, et qu'elles survivent malgré tout m'impressionnait. Je me suis remémoré le jour où on m'avait détruite, moi. Avais-je vraiment réussi à renaître depuis cet incident ?

Quand tu reconnaitra ta propre valeur, tu t'éloigneras de ceux qui ne la voient pas .

 J’adorais la façon dont mon frère voyait le monde. Pendant que les autres enfants jouaient au foot, Zac élaborait des pièges, construisait des machines à énergie solaire, et créait du courant électrique avec des pommes de terre ou des citrons. C’était un génie dans de nombreux domaines, mais il suffisait de lui demander quelque chose de simple, comme se brosser les dents, pour que tout s’effondre. Le dentifrice était trop fort, l’eau était trop mouillée, les poils de la brosse à dents trop durs. 

Les filles comme moi… On est toujours cantonnées aux mêmes rôles. On est meilleure amie, où la fille drôle ; la fille culottée, la fille bizarre que personne ne veut apprendre à connaître. Bref, des seconds rôles. Dans les comédies romantiques on n’est jamais les héroïnes. Jamais ! On a pas le droit d’être la star ni de séduire l’homme de notre vie. On ne finit jamais avec Jake Jones-Evans, la star de l’équipe de water polo, le mec le plus populaire du lycée. La fille grosse ne gagne jamais. Le garçon n’ignore jamais sa cellulite et ne voit jamais qui elle est à l'intérieur - sauf dans un roman jeunesse irréaliste qui jette les codes sociaux à la poubelle. Dans la vraie vie ça ne se passe jamais comme ça.

La perfection et moi, on avait une relation compliquée. J'essayais à tout prix de l'atteindre tout en faisant mine de la haïr. Je savais que, dans mon cas, la perfection était hors de portée. Je ne serais jamais comme les filles du lycée. Si on m'avait demandé si je rêvais de leur ressembler, j'aurais répondu que non. Mais si on avait posé la question à la vrai Lori, celle que je cachais au fond, la réponse aurait été différente.
C'était peut être pour cette raison que j'aimais l'art.
C'était le seul domaine où je pouvais être moi-même.
C'était la vraie Lori qui créait, et ce qu'elle créait était parfait. [...]

D’après Léonard de Vinci, admirer sa propre œuvre dans le miroir permet de l’étudier comme si il s’agissait de celle d’un autre artiste, et d’analyser ses défauts avec objectivité.

j'ai fixé mon reflet d'un regard noir. le reflet m'a fixé en retour. froid et incapable, je n'avais q'une envie : briser son jugement glacé, comme il avait l'habitude de me briser.

Le monde était souvent cruel envers les personnes comme lui. Quand on n'entre pas dans une case, peu de gens sont prêts à nous faire une place.

L'art avait été mon échappatoire pendant si longtemps. Je le méritais. J'avais une voix !

J’avais trouvé ma voix et ma force, et je savais désormais que ma valeur surpassait les chiffres sur la balance.

Désolé, je ne peux pas.

Désolé, je ne peux pas.

Désolé, je ne peux pas.

Peu importait combien de temps je fixais le message gribouillé, le sens restait le même. Je le levai en l’air en espérant, en priant pour que le soleil révèle les autres mots qui auraient été écrits à l’encre invisible.

Mais rien n’apparut.

Seulement cinq petits mots… et pourtant, ils avaient le pouvoir de faire s’écrouler le monde qui m’entourait en un instant. Brisé, fracassé, explosé en un million de petits morceaux. Oui, c’était aussi dramatique que ça !

Je finis par réussir à décoller mes yeux du message et à fixer les visages terrifiés de ma belle-sœur et mes deux meilleures amies. Elles me regardaient comme si j’étais une star qui allait s’effondrer, se raser la tête, puis crever les yeux de quelqu’un avec son parapluie. Elles avaient l’air très inquiètes. Comme si j’étais une bombe à retardement qui s’apprêtait à exploser.

Et elles avaient raison.

C’était le cas.

Tic. Tac.

J’étais prête à sombrer dans la folie. Je la sentais essayer de m’aspirer comme un trou noir engloutissant tout sur son passage. Combattre cette force d’attraction était presque au-dessus de mes forces.

Avais-je au moins envie de la combattre ?

Que se passerait-il si je me laissais aller ? Je savais que j’étais en état de choc, noyée dans une sorte de sentiment d’hébétement, de détachement. Mais je sentais aussi les autres émotions hostiles monter à la surface et lutter pour prendre le contrôle.

Je clignai des yeux. Ils piquaient.

J’essayai d’ouvrir la bouche pour prendre la parole. Elle était sèche et rien n’en sortit.

Je regardai mes meilleures amies Sue et Val, mes rocs ; les deux personnes sur lesquelles j’ai toujours pu compter… Rien. Pas un mot. Juste l’horreur.

Je suis une œuvre d'art. Mon corps est un chef-d’œuvre. C'est un kaléidoscope d'images et de formes qui racontent mon histoire.
Il m'a portée pendant toutes ces années, dans les plus beaux moments mais aussi dans les plus dificiles. Mon corps n'est pas parfait. Il a des lignes et des creux et des bosses, mais il m'appartient. Il est unique.

Les standards de beauté qu'on nous impose sont absurdes et impossibles, Lori. Les magazines, les défilés, l'industrie de la mode et de la beauté nous les inculquent dès notre plus jeune âge. Les femmes du monde entier commencent enfin à lutter contre ces normes, en occupant le devant de la scène et en nous montrant qu'on peut toutes être sexy.
Et puis, la beauté n'a aucun rapport avec les apparences. Regarde Picasso, par exemple. On ne peut pas dire que ce qu'il peignait était beau. Tout comme Francis Bacon, Frida Kahlo, et j'en passe. Pourtant, on voit leurs créations comme des chefs-d'œuvre. Le concept de beauté est complexe. Elle n'est pas seulement synonyme de ventre plat ou de visage symétrique. Certains voient de la beauté dans le rire de l'autre, dans ses opinions... voire dans ses pieds ! Plus vite tu en prendras conscience, mieux tu te sentiras. J'ai appris à mesurer mon amour-propre avec une unité différente. Je sais que je ne suis pas un canon de beauté, mais je possède de nombreuses qualités qui font de moi une femme magnifique! Un jour, peut-être même plus tôt que tu le penses, quelqu'un te regardera comme si tu étais la plus belle femme du monde.

Les filles comme moi... on est toujours cantonnées aux mêmes rôles. On est la meilleure amie, ou la fille drôle; la fille culottée, la fille bizarre que personne ne veut apprendre à connaître. Bref, des seconds rôles. Dans les comédies romantiques, on n'est jamais les héroines. Jamais !
On n'a pas le droit d'être la star, ni de séduire l'homme de notre vie. On ne finit jamais avec Jake Jones-Evans, la star de l'équipe de water-polo, le mec le plus sexy du lycée. La fille grosse ne gagne jamais. Le garçon n'ignore jamais sa cellulite et ne voit jamais qui elle est à l'intérieur - sauf dans un roman jeunesse irréaliste qui jette les codes sociaux à la poubelle. Dans la vraie vie, ça ne se passe jamais comme ça.

- Je déteste le mouvement body positive, ai-je grogné.
- Pourquoi ?
- C'est un énième moyen de nous faire complexer! si tu n'es pas fière de ton corps, si tu ne l'acceptes pas et que tu ne postes pas des selfies en bikini, c'est que tu as un problème! Comme si, aujourd'hui, on était obligées d'être heureuses d'être grosses. Il n'y a pas de juste milieu !
Et si je ne veux pas être grosse ? Est-ce que je trahis toutes les filles qui luttent contre la grossophobie et qui assument leurs formes ? J'ai le droit de ne pas être heureuse comme je suis !
- Et si ton bonheur n'avait aucun rapport avec ton corps? a suggéré Vicki.

On me l'a servi avec une paille biodégradable en carton. J'essayais de faire ma part pour sauver la planète, mais ces pailles se ramollissaient et se transformaient en bouillie entre les lèvres.

J'étais tellement émue que j'en ai perdu mes mots. Ce simple geste m'a donné envie de pleurer. Les gens faisaient rarement des efforts pour Zac. Le monde était souvent cruel envers les personnes comme lui. Quand on n'entre pas dans une case, peu de gens sont prêts à nous faire une place.
Ce cupcake était une place. Une place rare.

Tu as tout enfoui en toi. Le problème, quand on réprime ses émotions, c'est qu'elles finissent toujours par sortir, d'une manière ou d'une autre. Parfois, ça peut être explosif.