Jo Watson

« Grosse pute ». Quelques années plus tôt, quelqu'un avait gravé ces deux mots sur mon casier. Pourquoi étaient-ils toujours associés, et pourquoi les considérait-on comme une insulte ? A quel moment le mot « grosse » etait-il devenu offensant pour les autres alors que c’était moi qui l'étais, pas eux?

- Mes objectifs, a récité Vicki. Numéro un, sois ta meilleure amie.
- Je ne comprends pas, ai-je soupiré tout en écrivant.
- Si j'étais ta meilleure amie et qu'on me traitait de grosse moche, comment réagirais-tu ?
J'ai grimacé en entendant mes propres mots dans sa bouche.
- Je leur dirais d'aller se faire voir, ai-je répondu.

On ne guérit par l'anxiété et la dépression en un claquement de doigts, a repris Vicki, comme si elle avait lu dans mes pensées. Elles ne font pas de toi quelqu'un de faible. De nombreuses personnes brillantes souffrent de troubles mentaux.

L'anxiété est aussi réelle qu'une maladie chronique. Malgré tout, je voyais les traitements comme un signe de faiblesse, comme si j'étais incapable de guérir par moi-même.

De nouvelles plantes vont pousser à partir de cette tige, et la tête va former de nouvelles racines. Les deux seront aussi fortes, voire plus qu'avant. Le cycle continue.
Quand j'ai tourné la tête vers elle, Mme Stride me fixait toujours.
Les humains se brisent aussi, parfois. Une expérience difficile, un événement douloureux, un traumatisme... Mais avec le temps, avec un peu de thérapie et d'amour, on arrive à renaître, comme ces plantes.

Mme Stride était grosse. Je ne m'en étais même pas rendu compte, sûrement trop distraite par les couleurs de sa tenue. Elle était aussi très grande, avec de grands pieds, de grandes mains et de grandes oreilles.
Chez elle, rien n'était subtil. On aurait dit que le but de son corps était d'attirer l'attention - et qu'elle s'en fichait.

J'étais un cliché ambulant : la grosse qui n'a jamais été embrassée. Je ne pouvais même pas prétendre que c'était volontaire, ni que j'attendais la « bonne personne », parce que c'était faux.
À ce stade, j'étais prête à embrasser n'importe qui. Un jour, Andile m'avait proposé de m'entraîner sur lui, et j'étais tellement désespérée que j'avais failli accepter.
Plus le temps passait, plus je commençais à croire que cela n'arriverait jamais, ou que, le jour où cela arriverait, je serais nulle et le baiser décevant. C'était un cercle vicieux. Et ne parlons pas de sexe - j'avais tiré un trait sur cette éventualité. J'étais incapable de me regarder nue dans le miroir. Je n'étais pas prête à me déshabiller devant quelqu'un d'autre.
Non, j'allais mourir vierge. Pire encore, je finirais par rencontrer quelqu'un sur un site internet réservé aux hommes qui fantasment sur les grosses. C'est fou à quel point notre poids peut être à la fois l'objet de jugement et de fétichisme. Il n'y a pas de juste milieu pour nous dans cette société. Un juste milieu où les gros pourraient exister en tant que personnes, sans être moqués, ni sexualisés.

Forte. Encore un euphémisme. Je venais d'imiter ma mère. Appelons un chat un chat : j'étais la personne la plus grosse du lycée. Ce concept ne m'était pas étranger. En général, j'étais la plus grosse où que j'aille, à l'exception de la fois où ma mère m'avait inscrite au programme Weight Watchers. Je m'en étais même voulu de me réjouir quand j'avais découvert qu'une fille de mon âge était plus grosse que moi.

" Elle n'aimait pas détruire les autres, alors elle se détruisait elle même"

" Tu as perdu ta voix, tu as tout enfoui en toi et lorsqu'on réprime ses émotions, elles finissent toujours par sortir d'une manière ou d'une autre jusqu'à l'explosion. Ta voix a du pouvoir. "

"- Objectif numéro 1, sois ta meilleure amie
- Je ne comprends pas...
- Si j'étais ta meilleure amie et qu'on me traitait de la même manière que les personnes qui t'ont perdre confiance en toi, comment réagirais-tu? "

J'avais passé tellement de temps dans la vie à espérer que des filles comme Amber m'apprécient et m'invitent dans leur club (...). J'avais beau être satisfaite de mon petit groupe d'amis, une partie de moi mourait encore d'envie d'être acceptée par une Amber. Je détestais cette partie de moi.

Non, il étais vraiment là. C'étais vraiment surréaliste que j'avais l'impression d'être entrée dans une toile de Salvator Dali, et que j'évoluais au milieu de monstre fondues , fixé par un oeil géant.

Je savais à quoi il pensait. Avoir un frère ou une sœur comme les nôtres mettait les choses en perspective. Les activités de nos amis nous semblaient souvent futiles, être une perte de temps et d’énergie. Nous étions forcés de grandir plus vite. La vie n’était pas une fête continuelle. La majeure partie de notre quotidien était très sérieuse, remplie de douleur et de tristesse… mais aussi d’une joie indescriptible. 

Quand la sonnerie a retenti pour clore le dernier cours, je suis sortie de classe aussi vite que possible. En sécurité dans ma voiture, j’ai pris le temps d’observer le lycée. Quelle ironie qu’un bâtiment aux murs jaunes comme le soleil et au toit bleu comme le ciel soit si sombre à l’intérieur. Dans les années 1500, Jérôme Bosch a peint des images troublantes de l’enfer. Il aurait dû inclure Amber et BWH dans ses peintures à l’huile. 

“Désolée pour quoi ? Pour la façon dont le monde fonctionnait ? Dans ce cas mes excuses n’étaient pas suffisantes."

Boum ! Mon cœur a explosé dans ma poitrine. J’aurais pu m’envoler jusqu’aux étoiles.

« Puis, d’un mouvement agile, il sortit de l’eau et… oh ! mon dieu ! Il était nu. Mes mains se plaquèrent aussitôt sur mes yeux à l’instant où il se retourna. Heureusement, c’était juste à temps. Dieu merci, je n’avais pas vu son…

Pénis géant !«

[…]

« Oh ! bon sang ! Il avait nagé le zizi dans l’eau que nous allions boire… Je ne sais pas trop ce que ça me faisait. »