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Critiques de John D`Agata (12)
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Yucca mountain

Ouvrage mutant, typique de cette superbe maison d'éditions qu'est Zones Sensibles. Déroutant, tant par la forme que le fond, ce court livre refuse d'être synthétisé.



Il s'agit d'un film documentaire cinématographique réalisé à l'aide de mots. Une Lucarne écrite.



Las Vegas comme noeud central du Rêve Américain, dont Hunter S. Thompson déjà en cherchait l'existence dans "Fear ans Loathing in Las Vegas", décor de ces interrogations nombreuses, qui n'appellent pas d'autres réponses qu'un relativisme contraint, qu'un désarroi devant cette civilisation qui ne peut que disparaitre.



L'ombre de David Foster Wallace plane au-dessus de son désert: en plus de sa "phrase de presse" — adoubant D'Agata comme écrivain majeur — reproduite sur la 3ème de couverture, une vraie parenté stylistique et conceptuelle peut être établie, jusqu'au vertige de la conclusion, prolongée et précisée dans son livre suivant "Que faire de ce corps qui tombe"; car on peut considérer que le sujet principal, s'il y en a vraiment un à ce livre, est le suicide de cet adolescent de 16 ans, et pas de cette montagne, dont le titre original anglais s'y réfère, "About a mountain" .

Pourtant, c'est bien de cette Yucca Mountain qu'il s'agit lorsqu'on démarre le texte, projet de site d'enfouissement centralisé des déchets nucléaires américains, dont le lecteur se rend bien compte, suivant l'examen de certains faits dûment sourcés (le système de notes de fin d'ouvrage est d'ailleurs très bien fait, évitant toute lourdeur nuisant au déroulé du texte), que ce projet n'est qu'un vaste enfumage...



Mais nous ne sommes pas en présence d'une véritable enquête ... non. On ne convoquera ni Jancovici ni Sortir du Nucléaire. C'est de Volodine qu'on aurait besoin, et de sa Mémé Oudgoul pour liquider chaque boulon, chaque bloc de béton, possiblement irradiés dans n'importe quel scénario d'accident — ce qui finit par arriver — formant ces constructions humaines tellement précaires... poussant l'auteur vers la défaite, la Vérité abattue par la Fabrique de l'Ignorance (voir reportage du même nom disponible sur Arte), le lecteur se chargeant de compléter ce dont il a besoin.



Ne reste pour le moment que ce Cri d' Edvard Munch.



Vous l'aurez peut-être compris, ce livre continuera de s'écrire en vous, ses 160 pages se multiplieront par centaines dans votre esprit, mais aucune réponse ne sera apportée, dédiée "à celui que je n'aurais pas aidé".

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Yucca mountain

En 1980, un an après l'accident du réacteur de la centrale de Three Mile Island, le Comité américain de l'énergie atomique fait pression sur le Congrès pour que tous les déchets nucléaires du pays soient stockés sur un seul site. Ce sera Yucca Mountain, 140 kilomètres de Las Vegas, Nevada. Un livre qui révèle les moindres détails de ce projet d'enfouissement massif...
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Que faire de ce corps qui tombe

La controverse de Las Vegas.



En 2005, l’écrivain John D’Agata, déjà connu en France pour «Yucca Mountain» (éditions Zones sensibles, 2012) envoya au magazine The Believer un essai sur le suicide de Levi Presley, un adolescent de seize ans qui s’était jeté le 13 juillet 2002 du haut de la tour du Stratosphere hôtel de Las Vegas, une tour conçue par son architecte pour être le symbole même de la ville, à l’instar de la Tour Eiffel pour Paris, ou de l’Empire State Building pour New-York.



«À Las Vegas, le même jour où Levi Presley, âgé de seize ans, a sauté depuis la terrasse panoramique de la tour de l’hôtel-casino Stratosphere, haute de 350 mètres, la municipalité a voté l’interdiction provisoire de la danse-contact dans trente-quatre clubs de strip-tease sous licence, des archéologues ont déterré des morceaux de la plus vieille bouteille de Tabasco du monde dans le parking souterrain d’un bar appelé Buckets of Blood, et une femme du Mississippi a battu un poulet nommé Ginger à l’issue d’une partie de morpion de trente-cinq minutes.»



Recevant cet essai, l’éditeur demande à un «fact-checker», Jim Fingal, de vérifier l’exactitude des informations contenues dans cet essai.

C’est ce bras de fer entre un Jim Fingal pointilleux et un John d’Agata qui ne veut rien lâcher qui est rapporté ici, autour et encadrant le récit de l’auteur.



«De la part de l’éditeur

J’ai une mission amusante pour un volontaire. Nous avons reçu un nouveau texte de John D’Agata qui a besoin d’un sérieux fact-checking. Apparemment il a pris quelques libertés, personne ne les lui conteste mais je voudrais savoir jusqu’où elles vont. Donc, si quelqu’un veut s’en charger, il devra passer ça au peigne fin et repérer tout ce qui, en gros et en détail, peut être confirmé et tout ce qui peut être mis en question. Je vous offrirai autant de crayons rouges que nécessaire.

Merci !»



Tatillon, consciencieux jusqu’à l’extrême, raillant souvent les méthodes de l’auteur, Jim Fingal questionne le moindre fait avancé par D’Agata : la température extérieure ce jour-là, 45° et non 47,7°, la direction du vent, l’heure exacte du suicide, la durée en secondes de la chute de Levi Presley... questions auxquelles John D’Agata répond de manière amusée, dédaigneuse ou franchement énervée.



«Je ne supporte plus que l’écriture d’un essai implique de se laisser terroriser par des lecteurs bornés, eux-mêmes morts de trouille à l’idée de s’aventurer sur un terrain qui ne soit pas annoté et vérifié par dix-sept sources différentes. Mon job n’est pas de recréer un monde qui existe déjà et de tendre un miroir aux lecteurs en espérant que ça aura l’air vrai. Si un miroir suffisait à rendre compte de l’expérience humaine, je doute que notre espèce ait inventé la littérature.»



Autour de ce fait divers tragique, fascinant tant il est emblématique de la tristesse et du vide du divertissement à paillettes, et qui rappelle le «Zéropolis» de Bruce Bégout, la joute interminable entre les deux hommes sur des faits qui semblent indifféremment majeurs ou dérisoires (puisque Jim Fingal mène à bien sa mission de vérification avec un soin obsessionnel) se transforme en un dialogue de titans, en un passionnant combat théorique sur les frontières entre reportage et littérature, sur le rôle de l’art assiégé dans une société dominée par les experts, sur la profondeur du réel et la difficulté d'en rendre compte, sur la nécessité pour l’écrivain de travestir la réalité pour la rendre vraisemblable, et sur le rapport de l’écriture au réel.



«John : Je ne méprise pas les lecteurs, Jim, mais quel est l’intérêt de se tourner vers l’art si c’est pour exiger de savoir à l’avance « dans quoi on est en train de mettre les pieds » ? Si c’est pour réclamer à la littérature une assurance contre les risques d’être « berné » ou « égaré ». Ce dont vous parlez, c’est de l’art pour galerie commerciale.»



Paru en français en 2012, et traduit de l’anglais par Henry Colomer pour les éditions Vies parallèles en mars 2015, le livre est non seulement passionnant et souvent très drôle, mais aussi un objet magnifique à lire à partir de son noyau central – le récit - ou par ses contours, tous les chemins étant également jubilatoires.



Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/06/19/note-de-lecture-que-faire-de-ce-corps-qui-tombe-john-dagata-jim-fingal/

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Yucca mountain

Est-il possible de stocker des déchets nucléaires dans une montagne à 140 kilomètres de Las Vegas ? Comment peut-on faire passer ce projet pour écologique auprès de la communauté ? Combien de temps, avant que les entrailles de la montagne ne deviennent dangereuses ? Combien, avant que le passage régulier des camions de déchets n’affecte la santé des habitants de Las Vegas ?



Essai, documentaire, récit, reportage… Yucca Mountain défie les étiquettes dont on voudrait l’enrober pour se concentrer sur l’essentiel : la naissance d’un projet d’enfouissement massif ubuesque et ses conséquences sur les esprits. John D’Agata a la finesse de ne pas produire un énième cri écologique agressive à courte portée (contrairement à ce que pourrait penser la -superbe- couverture)...



La suite par ici : http://www.delitteris.com/au-fil-des-pages/yucca-mountain/
Lien : http://www.delitteris.com/au..
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Yucca mountain

J'avais écrit un article pour une ONG en 2008, sur la bagarre qui opposait à l'époque les Shoshones à l'administration Bush quant à la création d'un site de stockage des déchets radioactifs... au sein d'une montagne, pas loin de Las Vegas : Yucca Mountain.

Quelques années plus tard, John d'Agata s'empare du sujet (c'est une chronique de Fabrice Colin qui m'a remise sur la piste de Yucca...) pour nous présenter un drôle de livre, à mi-chemin entre le roman, l'essai et le documentaire. le point de départ est un déménagement à Las Vegas pour la mère de l'auteur, à l'arrivée, ce dernier s'interroge sur le suicide d'un jeune homme. Entre les deux, des pages parfois délirantes consacrées à un projet de fous, démesuré, né du cerveau d'une Amérique détraquée, ne connaissant pratiquement plus de freins ni de limites. Projet mortifère conté sur un mode presque humoristique, oscillant entre l'absurde et le tragique. Pour les amateurs, on y croisera un portrait peu flatteur d'Edward Abbey et une anecdote mélancolique sur Edward Munch dont le Cri orne si symboliquement la couverture de l'édition française. Un récit peu banal qui transperce le coeur et laisse autant mélancolique que sonné. Pour information, le projet a été abandonné il y a peu... il risque fort de ressurgir, sous une autre forme, car il semble bien qu'avec le nouveau président américain, folie et démesure ne soient pas près de disparaître...
Lien : https://labibliothequedefolf..
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Yucca mountain

À la découverte endiablée d’une montagne de faits, d’ignorances et de mensonges.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/03/09/note-de-lecture-yucca-mountain-john-dagata/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Yucca mountain

Comme les courbes de niveaux démasquent l'emprunte du Cri tourmenté de Munch sur la carte d'une montagne abrupte, on peut comprendre ce rapport d'analogie en détaillant la remarquable couverture de ce livre:

« Inscrire des légendes dans les lieux, telle apparaît être l’une des fonctions de l’objet cartographique. Cela, à des fins de mémorisation et d’anticipation. La carte possède en elle des réserves d’espace qui peuvent être mises à profit pour une lecture ou une trajectoire personnelle, en vue aussi de situer dans les entrelacs du plan des images mythiques ou emblématiques qui scellent, d’usager en usager, des appropriations successives ». (1)



L'image élaborée par l'excellent studio graphique Theatre of Opérations (2) augmente spontanément le propos du livre, elle en compose une interprétation visuelle synthétique et pertinente qui offre à la lecture silencieuse un prolongement inattendu et riche des intentions d'un second auteur. L'écrivain ne pouvait espérer meilleur préfiguration de son texte, et le lecteur de se perdre avec bonheur dans les conjectures, et dans le sentiment de manipuler un objet autonome, complexe, polysémique, et donc estimable.

À l'appui de ce projet éditorial précis et militant, on pourrait argumenter sur la validité sémantique du livre en tant qu'objet et interface cognitive: Le mille-feuille relié que l'on feuillette, que l'on effeuille, que l'on parcours au gré des circonstances et que l'on peut annoter, marquer, user, classer, cité, refermer - Boîte bavarde mise en sourdine, dont l'enveloppe poursuit cependant le dialogue avec ses lecteurs en puissance.

Nos chères voitures passent 90% de leur temps immobilisées dans l'espace urbain, mais nous savons ce qu'elles recèlent de potentialités mécaniques et affectives derrières leurs carrosseries cosmétiques. Quelques connaisseurs d'entre nous peuvent même en estimer la valeur et les performances plus finement et même en critiquer la conception en se fondant sur l'analyse de tendances et d'expériences accumulées.

Un livre n'est pas si différent, si ce n'est qu'il renferme une extension de la Mémoire ventilée par l'imagination, et que l'intelligence de son contenu se bonifie, Idéalement, au fil des lectures.



Que la précision géomorphique d'une carte d'état-major figure les tourments expressionnistes du fameux Cri de Munch est à la fois captivant pour la rhétorique qu'il fait naître dans les replis des rapports d'échelles, et formidablement stimulant compte tenu du discours élaboré dans le livre. La valeur du Cri de Munch réside dans son paysage fauve et turbulent; si ce n'était l'oblique du pont qui tire les fuyantes d'une perspective hors du cadre, toute la scène participerait à la déliquescence d'un seul et unique plan où semble se dissoudre la figure du cri. L'effroi imprimé sur le visage se comprend dans le paysage qui l'encadre, et le ciel empourpré peut se concevoir comme l'expression inquiétante d'une raison anéantie, d'un monde intérieur vomit par « un cri infini [...] qui déchirait la nature », selon les propres mots d'Edvard Munch.

La projection cartographique de cette image iconique fait l'exégèse formelle de cette analyse au moyen d'une syntaxe différente mais attachée à une problématique similaire: Représenter le monde, n'est-ce pas le ramené sans cesse à notre échelle anthropocentrée?



« Dans chaque cycle de l’univers, les choses seraient l’œuvre de l’action des humains, […]. Si les arbres donnent des fruits et si le blé pousse dans les champs, cela est dû au mérite des hommes. Selon cette doctrine, la géographie est une projection de l’éthique. » (3)



Si la géographie et ses représentations forment bien une projection de l'éthique, celle que trace l'auteur a pour contours l'immoralité, et tout son système narratif consiste à en faire la démonstration en confrontant plusieurs réalités distinctes mais significatives d'une même dérive de la pensée, une dérive coulée dans les paysages arides du Nevada où l'esprit pionnier américain s'est peut être dissous dans le lucre, et ou s'étale une Babylone suicidaire gouvernée par les simulacres.



À 140 km de Las Vegas, au beau milieu du désert de Mohave, l'état fédéral prévoit l'enfouissement de la totalité des 38 000 tonnes de déchets radioactifs du pays au cœur d'une montagne oxydée par les ères géologiques. Ce devait être le plus grand site d'enfouissement du monde (4), et on mobilisa d'innombrables acteurs de toutes disciplines pour répondre à ces questions fondamentales: Comment convaincre habitants et administrations des bénéfices d'une telle folie? Comment acheminer cette invraisemblable quantité de matière létale? Comment sécuriser son stockage définitif à l'abri des péripéties du monde? Quel est le seuil acceptable de la catastrophe? Quels pourraient en être les conséquences sur la balance des bénéfices? Comment, avec des moyens humains, contenir l'incalculable échelle de temps qu'imposent l'hyperactivité de résidus tels que le plutonium? Quand ces déchets auront, estime-t-on par convention, perdu la moitié de leur phénoménal pouvoir de destruction, l’humanité aura parcouru deux fois son histoire depuis l'invention de l’écriture, nos langues actuelles seront mortes, la géographie du monde méconnaissable. 10 000 ans auront passés, et nous savons que cette durée fait bouger des montagnes et qu'aucune civilisation ne survit à pareille amplitude.

Alors cette dernière question: Quelle doit être la forme d'un avertissement laissé aux sociétés de ce futur inintelligible? Un langage essentiellement périssable peut-il délivrer un message éternel? C'est l'une des questions les plus absurdes et passionnantes que pose le livre, question à laquelle le géoglyphe qui orne sa couverture apporte une réponse formelle et poétique.

Que dix millénaires d'érosion puissent sculpter ainsi une montagne empoisonnée, révélant le cri pétrifié de ceux-là même qui ont œuvré à leur propre perte, voilà une autre interprétation qui ne manque ni de poésie ni de sourdes menaces.

« J’ai gravé cela dans la montagne, et ma vengeance est écrite dans la poussière du rocher. » (5) Telle pourrait être la légende de ce lieu perdu pour la vie.



John d'Agata est un pourfendeur de la "nonfiction" qui est le dogme des essayistes outre-atlantique, et l'enquête documentée qu'il mène à Las Vegas procède autant de l'exposé factuel journalistique que du récit romanesque. Le livre joue de variations concomitantes pour composer un requiem aux ambitions de la vanité humaine, et tisse des liens d'analogie ou de causalité entre faits, statistiques, témoignages, souvenirs et littérature pour parvenir à cette fin. Yucca Mountain compose ainsi le portrait virtuose et digressif d'une géographie démesurée où l'humanité semble asservie par ses propres moyens, saoulée d'abondance et de signes coercitifs.

Lorsqu'un adolescent se jette de la plus haute tour de Sin City, l'indifférence succède à l'incompréhension. Un suicide parmi d'autres, c'est une économie de mots, ou un abus de langage, un cri définitif. C'est aussi, nous dit l'auteur, un acte qui fait sens, un signe obscur dans l'Histoire.



« Le soir venu vous dites ‘Beau temps, car le ciel est rouge’, et au matin ‘aujourd’hui tempête, car le ciel est rouge sombre’. Le visage du ciel, vous savez l’interpréter, mais les signes des temps, vous ne le pouvez ». (6)



(1) Christian Jacob & Frank Lestringant, Les îles menues, in Arts et légendes d’espace, PENS, Paris 1981

(2) http://www.theatre-operations.com/portfolio/whoiam/

(3) Qu’est ce que le Bouddhisme?, J.L.Borges et Alicia Jurado.

(4) L'administration Obama a mis un terme à ce projet en avril 2011.

(5) Aventures d'Arthur Gordon Pym, Edgar Allan Poe.

(6) Matthieu 16, 2-3
Lien : http://www.senscritique.com/..
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Que faire de ce corps qui tombe

Un tourbillon jouissif sur le danger de raconter, quand il s'agit d'une histoire vraie.
Lien : http://www.telerama.fr/criti..
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Yucca mountain

Un livre d'une rare intelligence qui procure un grand bonheur de lecture en dépit de son sujet terrifiant. Une balade sémiologique gouleyante et érudite et glaçante dans le discours déployé autour de la décharge nucléaire de Yucca Mountain dans l'ouest des Etats-Unis pour "rassurer" les habitants.
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Que faire de ce corps qui tombe

En 2005, l’écrivain John D’Agata envoyait au magazine The Believer un essai dans lequel il racontait le suicide trois ans plus tôt, à Las Vegas, d’un jeune homme, et à travers cela, le sujet plus général des suicides d’adolescents dans l’état du Nevada.

Aux USA, les articles sont relus par des fact checkers, qui vérifient les faits qui y sont énoncés. L’éditeur a donc confié ce texte à John Fingal, stagiaire, qui y a trouvé beaucoup à redire : les données n’étaient pas toujours exactes, les descriptions arrangées, les citations ne pouvaient pas être vérifiées… Encouragé par son chef, il a donc contacté l’auteur directement par mail pour lui demander de changer point par point son essai.



Ce livre retrace ce dialogue entre le fact checker, qui recherche avant tout l’exactitude des faits, et l’auteur, qui défend sa vision littéraire. Cela donne un échange passionnant sur ce qu’est la fiction, le documentaire, l’essai, les choix que font les auteurs et comment ils construisent leur texte. Où se trouve la différence entre littérature et journalisme ? Un auteur peut-il raconter un fait réel et le modifier légèrement pour rendre le récit plus vivant, plus marquant ? Est-il grave de dire que la chute de l’adolescent a duré 8 secondes plutôt que 9, pour une question de rythme ?



L'échange entre les deux hommes est tour à tour tendu, drôle, absurde. Entre un Jim Fingal vraiment très tatillon ("(...) pendant une grande partie de la nuit, le ventétait établi au so/s/sso, ce qui signifie qu'il soufflait du nord-ouest, pas de l'est. Je pense que John n'a pas su lire la direction du vent.") et un John d'Agata parfois carrément méprisant et désagréable ("non, c'est lourd et c'est ridicule. Laissez tomber. Et s'il vous plaît, à l'avenir, évitez d'écrire à ma place. Merci."), on oscille entre deux pensées complètement opposées que la confrontation met en lumière.



La mise en page du livre est très bien faite (cf. photo en commentaire) et essentielle à la bonne compréhension du dialogue, avec au centre le texte original de l’essai et tout autour les emails qui font référence au passage en question. J’ai pour ma part pris le parti de lire d’abord l’essai en entier, puis de lire les mails, pour avoir une idée d’ensemble du texte et non pas le voir par fragments comme on le fait forcément à la lecture des remarques du stagiaire.



C’est un ouvrage qui donne beaucoup à réfléchir et que je recommande à tous ceux qui s’intéressent au processus d’écriture. Bravo à l’éditeur et aux auteurs d’avoir eu l’idée de partager cela (et d'avoir proposé ce magnifique titre)!
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Que faire de ce corps qui tombe

Que faire de ce corps qui tombe est une double célébration. De la liberté absolue de la littérature, d’un côté. De l’autre, de l’incroyable densité de la réalité.
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Yucca mountain

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