Citations de John Kennedy Toole (330)
- […] Je vous assure que j’ai été la propreté personnifiée. Mes habitudes intimes sont au-dessus de tout soupçon. N’étant porteur de nul germe ni maladie vénérienne, je ne vois pas ce que je pourrais transmettre à vos saucisses qu’elles n’auraient déjà. Regardez-moi ces ongles.
- […] J’pense d’dev’nir un vrai expert, question plancher. J’pense que les Noirs ont ça dans l’sang, vous voyez, l’balayage ! Ça vient tout seul. C’est comme becter ou respirer, pour un nègre, balayer. J’vous parie qu’si vous r’filez un balai à un moutard d’un an, y s’mettra à balayer comme un fou, l’négrillon !
Il avait toujours possédé un assez piètre sens de l’équilibre et depuis sa petite enfance d’obèse avait souffert d’une tendance à tomber, à trébucher et à faire des faux pas. Jusqu’à l’âge de cinq ans, quand il avait enfin appris à marcher à peu près normalement, il n’avait été qu’une boule d’hématomes et de comédons.
J'ai pris la fleur de Tante Mae, et elle sentait bon mais pas très fort. Cette fleur-là ne lui allait vraiment pas bien. Tante Mae, pour moi, c'était plutôt une grosse fleur de couleur vive, avec un parfum sucré. Une rouge, par exemple, qui aurait senti fort comme le chèvrefeuille, mais en moins innocent.
- Comment, des gens m'ont manipulé pendant que j'étais inconscient! Tu aurais pu avoir le bon goût de les arrêter. Dieu sait où ces membres salaces de la profession médicale seront allés mettre le doigt, le nez ou la sonde!
Après quelques minutes d'une conversation qui me permit d'établir aisément ma supériorité morale sur ce pauvre dégénéré, je me retrouvai une fois encore occupé à soupeser les causes et la nature de la crise de notre époque. Mon esprit jamais en repos et dont je ne puis maîtriser le mouvement perpétuel eut tôt fait de me faire apercevoir un plan si audacieux et splendide que je tremblais à cette seule pensée. « Assez ! criai-je, implorant mon propre esprit semblable à quelque dieu. C'est pure folie. » Mais je n'en prêtai pas moins attention au bouillonnement qui habitait mon cerveau.
La vie est dure, Ignatius… tu finiras par l'apprendre à tes dépens.
[Ignatius J. Reilly, cynique moustachu à l’allure éléphantesque vivant misérablement avec sa vieille maman alcoolique, se prépare à organiser la première réunion du parti politique qu’il vient de fonder. Sa mère soupçonne que son fils ne soit, ô déshonneur suprême ! devenu communiste, et poussée par une amie, elle finit par lui proposer une alternative qui ne va pas vraiment lui plaire.]
- Ignatius, tu crois pas qu’tu s’rais p’tête plus heureux si t’allais prende un peu d’repos à l’hôpital de la Charité ?
- Voudrais-tu parler du service psychiatrique, par hasard ? demanda Ignatius pris de rage. Me croirais-tu fou ? Supposerais-tu que le premier imbécile de psychiatre venu serait capable ne serait-ce que d’essayer de commencer à entrevoir les mécanismes de ma psyché ?
- Tu pourrais prende un peu d’repos, chéri. Et tu pourrais écrire des choses dans tes petits cahiers.
- Ils essaieraient surtout de faire de moi un crétin, amateur de télévision, de voitures neuves et d’aliments surgelés ! Tu ne comprends donc pas ? La psychiatrie c’est pire que le communisme. Je ne veux pas de lavage de cerveau ! Je ne veux pas devenir un robot, un zombie !
- Mais Ignatius, tout d’même, y viennent en aide à des tas d’personnes qu’ont des ennuis.
- Crois-tu que j’ai un ennui ? beugla Ignatius. Les seuls ennuis de ces malheureux c’est de n’avoir point le goût des voitures neuves et de la laque en atomiseur. C’est pour cela qu’on les enferme ! Ils inspirent de la terreur aux autres membres de la société. Tous les asiles de ce pays, jusqu’au dernier, sont pleins de gens qui ne supportent pas la lanoline, la cellophane, le plastique, la télévision et les circonscriptions, de pauvres gens dont c’est le seul crime.
- Ignatius, c’est pas vrai. Tu t’rappelles le vieux M. Becnel qu’habitait la porte à côté ? Y l’ont enfermé pasqu’y s’promenait tout nu dans la rue.
- Mais bien sûr qu’il se promenait tout nu. Sa peau ne pouvait plus supporter les vêtements de dacron et de nylon qui lui obstruaient les pores. J’ai toujours considéré M. Becnel comme un martyr de notre époque.
L’agent de police Mancuso était tout heureux de remonter St. Charles Avenue à motocyclette. Au commissariat, il en avait emprunté une grosse, bruyante, qui n’était que chrome étincelant sur fond bleu layette. Il suffisait d’enfoncer un bouton pour la voir se transformer en billard électrique, constellé de lumières blanches et rouges, clignotantes, éclatantes, éblouissantes. Quant à la sirène, sextuple hurlement cacophonique de loups en folie, elle suffisait à terroriser tous les individus suspects à un kilomètre à la ronde, à les chasser vers leur tanière, la colique aux tripes. L’amour de l’agent Mancuso pour la motocyclette était aussi intense que platonique.
Décidé à ne fréquenter que mes égaux, je ne fréquente bien évidemment personne puisque je suis sans égal.
La porte s'ouvrit et Darlene entra, vêtue d'une robe de coquetèle de satin et d'un grand chapeau à fleurs, balançant gracieusement les hanches.
_ Pourquoi tellement en retard ? lui hurla Lana Lee. Je t'avais dit d'être ici à une heure, aujourd'hui !
_ Mon cacatoès a attrapé un rhume hier soir, Lana. C'était épouvantable. Toute la nuit il a pas arrêté de me tousser dans l'oreille.
_ Mais où vas-tu chercher des excuses pareilles ?
Si la roue de la Fortune vous emporte dans une phase dedcendante, allez au cinéma et profitez mieux de la vie. Ignatius était sur le point de proférer à sa propre intention ces judicieux conseils quand il se rappela qu'il allait au cinéma tous les soirs ou presque, dans quelque sens que tourna la roue de la Fortune.
- Allons, allons. Soyons amis, dit Mme Reilly, les lèvres moussues de bière. Y a déjà bien assez de bombes et de trucs de par le monde.
- Et votre fils semble prendre un malin plaisir à les balancer, je dois dire.
« La Nature, parfois, fait des imbéciles, mais un freluquet est toujours œuvre de l’homme lui-même. » Addison
M’est avis que mon organisme doit sécréter quelque musc qui attire et enrage les agents de l’autorité. Qui d’autre que moi serait accosté par un agent alors qu’il attend tranquillement et innocemment sa mère devant un grand magasin ? Qui d’autre serait espionné puis dénoncé pour avoir ramassé un pauvre chaton sans défense dans le ruisseau ? Telle une chienne en chaleur, je semble exercer une forte attraction sur une meute de policiers et de fonctionnaires de l’hygiène.
Puis, la quasi-totalité de la distribution du film se retrouva soudain dans les agrès, au sommet du chapiteau. Au premier plan, l’héroïne se balançait sur un trapèze aux accents d’une valse. Il y eut un gros plan gigantesque sur son sourire et Ignatius tenta de repérer ses caries et d’éventuels plombages. Elle étendit une jambe, Ignatius s’empressa d’en rechercher les défauts de forme. Elle se mit à chanter qu’il fallait cent fois sur le métier remettre son ouvrage, jusqu’au succès. Ignatius frissonna quand la philosophie que laissaient transparaître ces paroles lui devint manifeste. Il se mit à examiner la manière dont elle tenait le trapèze, dans l’espoir de la voir lâcher prise et s’écraser dans la sciure.
- Dieu merci, ma moustache filtre une part du remugle. Tout mon appareil olfactif expédie déjà des signaux de détresse.
Une douleur presque intolérable torture mes doigts, résultat de cette surabondance d'écriture. Je dois poser le crayon, mon instrument de vérité, afin de baigner mes mains infirmes dans quelque eau tiède. C'est l'intensité de mon dévouement à la cause de la justice qui a été cause de cette diatribe et je sens que mon cycle Levy va me porter sous peu vers de nouveaux succès.
Le soleil était haut maintenant, il entrait par la fenêtre ouverte, fort et brillant. Je n'avais jamais été nu en plein soleil, alors je me suis mis devant la fenêtre et j'ai laissé la lumière jaune couler sur moi.Mon corps était blanc pâle sauf les bras et la figure, et la brise soufflait sa fraîcheur sur moi.Je suis resté là longtemps à regarder les arbres sur la colline et le ciel bleu où il n'y avait que quelques nuages au-dessus des pins les plus hauts.