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Critiques de John Langshaw Austin (2)
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Le langage de la perception

La philosophie est inutile. Elle n’a rien d’anatomique, rien de mécanique, rien de vital. La moindre cellule de vie n’a, en aucun cas, besoin de savoir le pourquoi du comment pour vivre. Elle vit, c’est tout. L’être humain n’a besoin que de respirer, se nourrir, éliminer ou encore dormir pour survivre. Ainsi, notre corps ne se pose pas de questions alambiquées quand notre cage thoracique se soulève, quand notre ventre crie famine ou quand nos yeux se ferment par nécessité. Il nous faut combler ces besoins vitaux chaque jour, que dis-je, chaque instant. Mais qui se contenterait de ce strict minimum? Personne.



Dès que nous avons réglé la question du comment survivre nous avons besoin de répondre à la question du comment vivre. Et c’est là que la philosophie, au sens large, devient utile.



Elle porte en elle ces milliers de graines qui ne demandent qu’à germer dans le berceau de notre raison. Quand nous lisons ou quand nous écoutons quelqu’un transmettre une partie de sa connaissance, nous faisons entrer ces informations (parfois même de manière anodine) et elles se frottent à des milliards d’autres données qui sont déjà en nous. Le livre Le langage de la perception est une de ces graines philosophiques. Analyse.



Autant le dire tout de go, ce livre n’a pas une trame classique. Il s’agit d’une compilation des notes de cours de John Langshaw Austin visant à étudier la perception au travers notre langage. Il ne nie pas le fait que nous interprétons ce que nous voyons, entendons, ressentons comme si il y avait un filtre déformant entre la réalité et l’interprétation faites par nos sens. Il suffit d’ailleurs de prendre la fameuse peinture de Magritte “La Trahison des images” pour en avoir un exemple parlant au plus grand nombre. Austin s’attache à la formulation de notre perception car si nos sens nous mettent déjà à distance de la réalité, le fait de formuler ce que l’on voit avec certains mots (et pas d’autres) est une interprétation supplémentaire:



" Considérons donc:



Il a l’air coupable.

Il apparaît coupable.

Il semble coupable.



Nous prendrions le premier de ces propos simplement pour un commentaire sur les airs de l’intéressé — il a l’aspect d’un homme coupable. Le second (propos) serait typiquement employé en rapport avec certaines circonstances spéciales. “Je suis tout à fait d’accord que lorsqu’il ment en réponse à toutes ces questions, sur ce qu’il a fait de cet argent, il paraît coupable, mais la plupart du temps son comportement est l’innocence même”. Et le troisième, assez clairement, fait une différence implicite à certains témoignages qui ont une incidence sur la question de savoir s’il est coupable. “ Sur la foi des témoignages que nous avons entendus jusqu’ici, il est vrai qu’il semble coupable”.



[…] Les idées de base qui sous-tendent les usages de avoir l’air, paraître et sembler ne sont pas les mêmes; et très souvent, lorsque nous pourrions employer un terme, nous ne pourrions pas employer l’autre. Un homme qui semble coupable peut fort bien ne pas avoir l’air coupable. "



D’après Austin, les mots utilisés d’une certaine manière ajouterait donc de la complexité à nos perceptions. C’est via cette grille d’analyse que Austin continue sa recherche et nous amène à nous questionner sur l’adjectif réel que nous utilisons tous à tort et à travers comme si ce mot était nettement défini représentait l’exacte même chose chez chacun. Ainsi, utiliser le réel comme un consensus unique pour tenter d’expliquer nos perceptions serait une erreur puisque le réel est en permanente évolution. Pour expliquer son propos Austin prend cet exemple:



" Supposons qu’un jour une créature du genre de celles que nous appelons “chat” se mette à parler. Je suppose que nous dirions pour commencer “ce chat est capable de parler”. Mais supposez qu’alors d’autres chats, mais pas tous, se mettent également à parler; nous devrions dans ce cas dire que certains chats parlent et distinguer les chats parlants des chats non parlants. Mais, ici encore, si la faculté de langage venait à se généraliser et si la distinction entre parlant et non parlant nous semblait réellement importante, nous pourrions en arriver à exiger d’un chat réel qu’il soit une créature qui peut parler. Et ceci nous donnerait une nouvelle manière pour un chat “de ne pas être un réel chat”, c’est-à-dire une créature semblable à un chat, exception faite de la faculté de parler. "



Même si le livre de J. L. Austin, écrit au début des années 1960, est ardu et technique, il ne perd en rien de sa force dans le monde actuel. Il se pourrait même qu’il questionne avec virulence notre quotidien où nous ne cessons de nous confronter à la numérisation de notre époque et où la perception se trouve de plus en plus derrière un écran (réalité virtuelle, fake news, dématérialisation, intelligence artificielle, culture de l’image, etc). A nous, individuellement, de rester attentif à ce qui nous entoure. 😉
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Quand dire, c'est faire

Dire n'est pas toujours destiné à produire des affirmations ou des descriptions. "Je te promets" ou, devant le maire, "oui, je le veux", sont des actes. Austin étudie ces énoncés particuliers qu'il nomme performatifs. Mais en approfondissant sa réflexion sur les critères qui les distingueraient des autres énoncés, dits constatifs (qui constatent), il se rend compte que la frontière entre eux est poreuse. "Je vous avertis que le taureau va foncer" est certes un avertissement (performatif), mais contient une référence (constatif). Pire, il semble qu'il ne soit pas possible de proposer une forme de performatifs "purs", tous pouvant, selon le contexte, avoir valeur de description ("vous ouvrez la porte", selon le ton employé peut être un ordre ou une constatation).

Austin propose alors une autre classification, entre les énoncés qui "font en disant" (acte illocutoire) et ceux qui engendre une conséquence (perlocutoire).



François Récanati dans la postface suggère que cette réflexion a été inspirée à Austin lar une dichotomie entre des actes institjtionnels qui requièrent des conventions pour être valides (devant le maire, "oui, je le veux" est valide, mais pas "ouais pourquoi pas") et les actes ordinaires. Selon lui, tous les actes reposent sur une intention et celle-ci prend une valeur si elle respecte les formes des conventions existantes. Dans un sens, tous les énoncés se réfèrent à des conventions linguistiques et sociales. Comme par ailleurs la définition de l'acte illocutoire est particulièrement succincte, pour ne pas dire lacunaire, la réflexion d'Austin trouverait son intérêt davantage dans les questions qu'il soulève que dans les réponses qu'il apporte.
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