J'aime les bonnes choses. Parce que je vieillis. Quand j'étais plus jeune, je n'avais jamais la patience de regarder la peinture, de respirer une fleur ou même de finir un bon bouquin. Maintenant, si. La patience, je l'ai. Et le cognac, ça fait partie des bonnes choses. Ça vous réchauffe, ça vous flanque de l'électricité dans les pognes, et ça vous met de la coquetterie dans l’œil.
Je sais tâter le pouls mais une fois que je l'ai trouvé, je ne sais plus qu'en faire !
Elle ne bougeait pas.
Il klaxonna de nouveau, irrité par son silence.
- Oublie moi avec ton oliphant, eh ! patate ! lui jeta-t-elle.
Dans la cabine du tracteur, Riley retrouva la bouteille, la déboucha et avala et longue et agréable lampée de scotch. Ses aigreurs d'estomac disparurent et la bonne chaleur de l'alcool se faufila jusqu'au fond de ses entrailles. Quand Karen vint le retrouver, il lui passa la bouteille et la regarda boire. Il était comme fasciné par la façon dont la gorge de la jeune femme ondulait quand elle avalait. Il alluma deux cigarettes et lui en tendit une.
- Je ne me rappelle plus qui a inventé cette mode-là...
- Inventé quelle mode ?
- D'allumer deux cigarettes et d'en tendre une à la femme.
- Je crois que c'est Humphrey Bogart.
- C'est possible.
De l'autre côté du camion, un homme se leva et s'approcha d'eux en titubant un peu. Il toucha du doigt le bord de son chapeau de paille pour les saluer.
- Pardon, fit-il d'une voix pâteuse. C'est pas Humphrey Bogart, c'est Paul Henried.
Riley salua le nouveau venu en agitant la bouteille dans sa direction.
- Et la femme c'était qui ? demanda Riley.
- Bette Davis, répondit le type. Je suis sûr que c'était Paul Henried et Bette Davis. J'ai oublié le nom du film , mais ce n'était pas Humphrey Bogart.
Il eut un hochement de tête entendu, leur fit un signe d'adieu et s'en alla.