La Collection Cinéma Cinémas : épisode 7
Sommaire : - Ferreri tourne "I love you"- Fragments d'un
scénario : Eurstache- Cassavetes : "Loves streams"- Trois camarades- Apparitions : le ciel est à eux- Rencontre : Ben Gazzara- Petits papier : Pascale Ogier- Sur les traces de...
David Goodis1. Ferreri tourne I love youà 22:30:43:00 - 00:01:57:00Reportage consacré au tournage du film "I love you" de Marco FERRERI dans les studios...
« Bois encore un coup, va ! Tu verras, comme extincteur, y a pas mieux. »
Petite cause, grand effet ! Rif y avait songé plus d’une fois au cours des années suivantes : d’un seul coup, l’incendiaire s’était mué en ivrogne, sans douleur.
Page 79, Gallimard, Carré Noir, 1958.
A l'autre extrémité du bar, ils avaient l'air de prendre du bon temps; la conversation avait l'air agréable, coupée par intermittence de rires bruyants. Il essaya de les haïr parce qu'il étaient heureux. Il accumula de la haine et la dirigea vers eux mais s'aperçût bien vite qu'elle lui revenait comme un boomerang.
En fin de compte, il ne trouvait personne à haïr que lui-même.
Il n’y avait pas de réverbère, aucune lumière dans cette rue étroite du quartier de Port Richmond, à Philadelphie. Une bise glaciale soufflait du Delaware tout proche, faisant fuir les chats errants vers les caves chauffées. La pluie de fin novembre cinglait par rafales les fenêtres obscurcies par la nuit, aveuglant l’homme qui venait de tomber. À genoux sur le bord de la chaussée, la respiration haletante, il crachait du sang et se demandait s’il n’avait pas une fracture du crâne. Fonçant à l’aveuglette, tête baissée, il s’était écrasé le front contre un poteau télégraphique.
Il contemplait la table d'un air songeur. Cet endroit ne lui plaisait pas.
Qu'est-ce qui te gène ?
- Tout ce violet. C'est une obsession.
- C'est la couleur de l'améthyste.
- C'est aussi la couleur d'une ecchymose. La couleur de la souffrance.
- C'est terrible de ne pas arriver à se rappeler, dit-il d'une voix sourde. La seule chose qui me revienne, c'est une sorte de frémissement intérieur, une vibration, une sorte de contact entre deux personnes. Seulement, ça n'a rien de physique. C'est beaucoup plus profond que ça. Et quand on l'a éprouvé une fois, on en reste marqué.
Il le regarda et échangea avec lui des silences.
Ces hommes des Brigades Internationales se battaient depuis longtemps. Américains, Canadiens, Irlandais, Anglais, Français, Cubains, hommes venus du monde entier, exilés d'Allemagne et d'Italie, étudiants, professeurs, savants, poètes, ingénieurs, chimistes, ouvriers spécialisés, manoeuvres, ils se battaient depuis longtemps déjà. Ils avaient réussi quelques belles actions à Madrid et Brunete et dans les escarmouches vers le nord. Maintenant ils déchantaient, beaucoup étaient tombés à quelques mètres d'une tranchée insurgée, beaucoup avaient été soufflés par les bombes, et par groupes entiers avaient été pulvérisés par un obus. Les volontaires étrangers avaient été durement touchés dans cette offensive de printemps.
Le couteau glissait dans le vide comme un patineur acrobate sur un lac gelé. Lawrence se mit à la place de l'oncle, assis dans l'arrière-boutique de la blanchisserie et regardant fasciné les évolutions millimétrées de la lame, cette lame chargée d'une puissance maléfique telle que toute autre force semblait dérisoire par comparaison.
Sauf peut-être la force d'un cadavre.
Chapitre XII.
" Bois encore un coup , va !
Tu verras, comme extincteur, y a pas mieux."
Petite cause, grand effet! Rif y avait songé plus d'une fois au cours des années suivantes :
D'un seul coup, l'incendiaire s'était mué en ivrogne, sans douleur ."
Son ennemi, c’était la Rue.
Pour lui, la Rue ressemblait à ces énormes serpents du zoo : elle dévorait tous ceux qui la touchaient.