Au monde (pièce N°1)
Après 3 pièces lues de cet auteur, je suis restée sur ma faim. J'ai eu l'impression de ne pas saisir le fond du propos, comme si je n'avais pas élucidé les sous-entendus des personnages..
J'estime que cette pièce n'est pas toujours heureuse non plus au niveau de la langue.
Il s'agit d'une fratrie (3 hommes, 3 sœurs, dont la cadette adoptée). Un huis clos autour d'un patriarche à la tête d'un empire industriel. Il veut passer la main. Les personnages se tournent autour, pour ne pas dire en eux-mêmes. Une femme erre dans la maison. Que fait elle là ? Est-elle le miroir des personnages, le destin qui s'accomplit ?
Je n'ai pas accroché ! Manque de compréhension notamment.
j
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Quel ennui!!! Je ne lis que des commentaires dithyrambiques mais comment est ce possible ? Quelle logorrhée! Non pas que le texte soit mal écrit, au contraire, il s ‘agit d’un bel exercice oratoire mais il faut vraiment avoir envie d’écouter des heures durant ces pseudo députés s’écharper au sujet des taxes, des impôts, de l’église etc etc…. Je me suis terriblement ennuyée .Pour moi ce n’est pas du théâtre et encore moins du divertissement.
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Bien que nous soyons plongés au cœur de la Révolution française, ça ira (1) fin de louis séduit par sa nature intemporelle. La mise en scène on ne peut plus contemporaine n’est pas sans référer au conflit des gilets jaunes ou plus généralement aux enjeux politiques que nous traversons actuellement.
Historiquement, le contexte socio-politique est mis en valeur avec un apport d’informations non négligeable. On apprend notamment que la famine touchait alors sévèrement les classes les plus pauvres et que le mouvement révolutionnaire a pu mener à la création d’une police citoyenne.
Le cœur du sujet n’en est pas moins long à venir, n’ayant été captivée qu’à partir du deuxième entracte. J’ai effectivement trouvé la première partie longuement menée et redondante par moment même si ce parti pris a pour but de renforcer l’authenticité historique de la pièce.
Par ailleurs, l’aspect juridique de l’œuvre aurait pu être plus vulgarisé au-delà de la création d’un parlement commun regroupant la noblesse, le clergé et le tiers-état ; à moins que ce ne soit moi qui n’ait pas saisi toutes les subtilités gravitant autour de ce domaine.
La mise en scène de Joël Pommerat rayonne par son originalité se traduisant par son caractère interactif et immersif contrairement aux costumes et décors ancrés dans un style certes contemporain mais tout de même minimaliste et couramment utilisé dans la sphère théâtrale.
L’expérience est encore plus enrichissante lorsque le public interagit avec les acteurs ce qui n’a pas été le cas lors de la représentation à laquelle j’ai assisté. N’hésitez donc pas à vous lever, applaudir et interagir si vous avez l’occasion d’aller voir cette pièce afin de contribuer pleinement à l’ambiance voulue par le metteur en scène.
Quant au jeu d’acteur, il ne s’est pas montré assez homogène à mon goût. Certains comédiens m’ont semblé jouer leur personnage avec beaucoup plus d’intensité et de passion que d’autres mais cela reste un ressenti on ne peut plus subjectif qui peut varier selon les représentations. Je pense notamment à la prestation d’Agnès Berthon, particulièrement puissante bien qu’épisodique.
Divers symboles à la portée des plus observateurs m’ont conquise tels l’allégorie du billard ainsi que les quelques références à la dystopie 1984 de Georges Orwell.
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La pièce est tout simplement fabuleuse à voir. La lire, sans l'avoir vu c'est une perte du jeu scénique qui participe autant que le texte à la compréhension de l'oeuvre. Il en va de même pour nombre de pièces du théâtre moderne (Douze hommes en colère, Tous des oiseaux, Qui a peur de Virginia Woolf ? etc.)
L'intérêt de sa lecture est de comprendre et de décortiquer le mouvement de ce grand bain qu'est la pièce et permet d'analyser les nuances, les fragilité, les césures dans la décision des personnages qui vont peu à peu les faire basculer, etc. Surtout le texte révèle comment un simple mouvement, une simple indécision peut être révélatrice et entraîner des répercussion tout au bout de l'intrigue et comment la politique finit par être une histoire d'hommes avec leur fragilité et leurs erreurs.
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Ceci est une critique sur le texte de la pièce que j'ai lue, sans la voir sur scène.
"Le monde entier est un théâtre" disait Shakespeare, et particulièrement le petit théâtre de la politique. Après tout, chaque orateur - et chaque homme détenant le pouvoir - est en représentation pour séduire et convaincre ses électeurs. Ce n'est pas une pièce historique sur la révolution française - pour ça, mieux vaut relire la Mort de Danton de Büchner. Certes, le roi s'appelle Louis et la Révolution est la source d'inspiration, mais sans indication de date, sans les noms des véritables députés... C'est donc une fable sur le pouvoir, la façon de le conquérir, de le conserver, et de s'en servir. Et puis des députés qui cherchent à faire des économies, à réformer le système fiscal dans un Etat en crise, cela résonne forcément avec la situation contemporaine...
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L'action de la pièce de Pommerat se déroule entre la réunion des états généraux (mai 1789) et la nationalisation des biens du clergé (novembre 1789). Très fidèle au déroulement de la Révolution française, elle s'en écarte par quelques détails anachroniques (usage du micro, du téléphone) et le recourt à des personnages dont tous les noms ont été changés, sauf Louis XVI. On devine tout de même certains personnages, comme Bailly (Lamy dans la pièce) qui fut tour à tour député du tiers état, président de l'Assemblée puis maire de Paris. Pommerat reconstitue avec talent, et visiblement une connaissance pointue des faits, les débats qui agitent l'Assemblée, le rôle également du peuple et des comités de quartiers dans ces 6 premiers mois de la Révolution.
En ce sens, la pièce est une vraie leçon de révolution : l'usage délibéré d'une langue aux accents contemporains, la présence des femmes dans les gradins de l'Assemblée et pas comme simples tricoteuses donnent à la Révolution une valeur intemporelle. Mais était-il cependant besoin de changer les noms ? Je trouve que le procédé n'apporte rien. Par ailleurs, certaines tirades interminables et les invectives répétées lestées d'injures alourdissent inutilement le propos.
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Qui pourrait, quatre heures durant, non seulement assister aux débats d’une assemblée constituante sans décrocher, mais surtout y assister avec passion, avec les joues roses d’excitation et le cœur qui bat, et y assister avec raison, avec le sentiment de devenir plus clairvoyant et plus vif, à chaque minute ?
C’est exactement ce que j’ai éprouvé à la représentation de Ça ira (1) fin de Louis, ce que j’ai ressenti devant cette leçon d’histoire en actes et en paroles , cette vaste fresque mythique de notre révolution française, inspirée par les comptes- rendus des réunions de l’hôtel de ville, des assemblées de quartier et bien sûr de l’Assemblée du Tiers Etat à Versailles -mais réactualisée par des costumes contemporains, la présence de femmes députées et une absence volontaire de marqueurs historiques – à part Louis, aucun personnage ne porte son nom historique.
J’ai vu l’Histoire en marche, mais je n’ai pas vu une énième pièce historique sur la Révolution. J’ai assisté, sur mon petit fauteuil rouge, aux Amandiers de Nanterre, à l’éclosion délicate et difficile, souvent tumultueuse, de la démocratie.
Pas une reconstitution historique, mais la reconstruction d’un processus, d’une dynamique.
Privé de ses repères de cours d’histoire –ah, tiens, ça c’est Danton, celui-là, c’est Robespierre, l’Incorruptible- le spectateur est « placé dans un état de découverte des événements », dit Pommerat, « comme s’il était lui-même contemporain de ce qui se déroule sous ses yeux. »
Un passé réactualisé, un « passé-présent » parce que, dit toujours Pommerat, « on ne peut pas reconstituer le passé. Le passé n’existe plus, il s’agit toujours d’une fiction pour l’historien comme pour l’écrivain ou le metteur en scène. Ça ira est une fiction vraie, c’est-à-dire une fiction que j’ai voulue la plus vraie possible. »
Le spectateur n’est pas pris à parti comme dans un spectacle d’Ariane Mnouchkine: tandis que les acteurs arpentent la salle -devenue assemblée de citoyens, de députés, ou font irruption sur la scène, lieu des débats officiels, lui reste spectateur, libre, comme un citoyen de l’époque, de choisir son camp, d’hésiter, d’en changer. De se faire une opinion.
Une vraie leçon de civisme et de citoyenneté, bien utile par les temps qui courent où l’on ne vote plus, ou mal, ou contre et rarement pour, où le vote est une sorte de billard à deux bandes, une stratégie d’évitement plus qu’une façon d’assumer son choix et sa détermination, ou pire un vote recyclable et jetable comme les sacs du même nom, - il faut dire que l’offre politique n’a rien pour nous… emballer !
Autant le spectacle Au monde m’avait laissée froide, et m’avait même ennuyée profondément, autant Ça ira, rejoué cet automne aux Amandiers, m’a enthousiasmée : je n'étais pas seule, la salle tout entière a salué debout, comme aux temps de fièvre citoyenne et révolutionnaire.
Nous avons senti, le temps d'une représentation, le grand vent revigorant de la démocratie souffler sur nous et rafraîchir l’air vicié et pesant du temps présent.
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Lorsqu'on parle de la Révolution française on évoque le plus souvent la prise de la Bastille où la décapitation de Louis XVI. Mais tout le processus révolutionnaire et souvent occulté (cela pourrait donner les idées?). Il est d'autant plus important que cela permet de comprendre comment la France est passée de la royauté avec un pouvoir absolu à une république construite sur des bases démocratiques.
Alors il faut aller voir au théâtre l'excellente pièce de Joël Pommerat « Ça ira (1) fin de Louis ». C'est ce que j'ai fait en allant au théâtre de la porte Saint-Martin à Paris. Ce texte fait écho à l'actualité et je comprends pourquoi elle a largement été récompensée. Cette pièce dure quasiment 5h mais on ne s'ennuie pas du tout.
Ce qui est surprenant dans la pièce de Pommerat c'est qu'il y a un monarque qui s'appelle Louis mais qu'il s'agit aussi d'une fiction pour donner un côté universel au processus démocratique. On s'attend à voir Robespierre mais il n'y est pas car les héros sont des inconnus.
On voit que le combat politique est d'abord collectif. Pour autant on se rend bien compte que la plupart des députés du tiers-état siégeant aux États généraux représentaient essentiellement la bourgeoisie et que les débats étaient souvent houleux voire violents.
On voit aussi le mépris des classes dominantes, sans compter la corruption de tous côtés, et la famille du roi enfermée dans une tour d'ivoire bien loin des réalités de ce que vit la très grande majorité des Français.
Mais à force d'arguments pour changer une société inégalitaire, les députés réussiront à réunir les trois ordres (le clergé, la noblesse et le tiers-état) en une unique Assemblée nationale et cela du vivant du roi.
C'est une belle façon de s'emparer de l'histoire pour éclairer le présent.
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Cette réécriture théâtrale du conte de Cendrillon réalisée par Pommerat en 2011 est une véritable réussite !
Sandra est une jeune fille qui n'accepte pas la mort de sa mère mais surtout, qui interprète mal ses dernières paroles.
Elle se force alors à penser à elle toutes les 5 minutes et se punit si elle oublie. D'ailleurs, son quotidien n'est pas simple, sa marâtre de belle-mère (superficielle et n'acceptant pas de vieillir) lui rend son quotidien bien difficile et la bonne fée est déchue depuis un bon moment...
Pourtant un jour, elle va rencontrer le prince et lui permettra d'accepter sa réalité ... Ce qui l'aidera elle aussi.
Sans tout vous spoiler, cette pièce traite de sujets actuels et fait vraiment écho dans la société. Surtout, elle questionne sur la perception du deuil. Elle se lit rapidement et est une réécriture très moderne du conte, ce que j'ai beaucoup apprécié.
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J'ai bien aimé la réécriture de Pommerat qui inclue de nouvelles scènes, modifie et change même l'intrigue du conte !
La pièce est vraiment facile à lire puisque ce n'est que de l'oral (dialogues) retranscrit mot pour mot. Pommerat garde des éléments du merveilleux malgré la modernisation du conte.
Cela fera peut-être aimer les contes à certains.
Bonne lecture !
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Un conte classique réécrit sous la forme d’une pièce de théâtre moderne!! On connaît tous l’histoire de Cendrillon (au moins le dessin animé de Walt Disney!)... Ici, on reprend les éléments essentiels : la belle mère, les 2 sœurs, un bal, une fée, une chaussure.... et on en fait du neuf, du drôle, du dérisoire! J’ai beaucoup aimé cette version complètement revisitée!! Mention spéciale à la fée... une fée qui fume et vol une voiture pour emmener Cendrillon... mais chut, je n'en dirais pas plus !
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Une réinterprétation de Cendrillon quelque peu déroutante.
On y retrouve certes la marâtre avec les deux soeurs méchantes et le père dépassé entre sa fille et sa nouvelle épouse, mais la plus oubliée (selon moi) c'est Sandra, l'héroïne.
En soi, l'histoire ressemble beaucoup au conte originel, mais la fin n'a rien à voir. Personellement, je suis restée sur ma faim, je m'attendais à plus.
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Une pièce extrêmement intéressante d'un point de vue littéraire mais que j'ai moins appréciée dans une optique de divertissement. Toutes ces métaphores sont très intelligentes et apprennent beaucoup sur le deuil et la mort d'un être cher (tout comme sur le problème des malentendus).
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Le thème de la pièce est extrêmement porteur. Les personnages sont structurés et avec du caractère. Cependant, les liens et cohérences ne sont pas des plus claires selon moi. Cela est probablement du à une écriture que j'ai trouvé fluctuante (notamment dans le type de vocabulaire utilisé)
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Ici, Cendrillon s'appelle Sandra ou Cendrier, c'est le Prince qui lui donne une chaussure, la Fée fume clopes sur clopes et essaie de réaliser des tours de magie sans utiliser ses dons, mais comme les prestidigitateurs à la télé. Ici, on s'adresse au Roi comme à un copain, les oiseaux s'écrasent sur la maison entièrement en verre de la belle-mère de Cendrillon...Comme on le voit, J. Pommerat s'empare du célèbre conte des Frères Grimm et en dynamite la narration, maintient les enjeux mais inverse les rôles des protagonistes, modernise le propos avec jubilation, dynamite les dialogues. J'ai vu la pièce de théâtre 2 fois et lire le texte m'a procuré aussi beaucoup de plaisir. Jouissif.
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Voici une réécriture moderne et originale du conte de Cendrillon, sous une forme théâtrale.
L'héroïne, surnommée La très jeune fille, ou Cendrier, vit dans une maison en verre avec sa belle-mère et ses deux demi-soeurs. Le pere est présent mais meprise.
Elle a une montre qui sonne toutes les 5 m' pour lui rappeler de penser à sa mère.
Le très jeune Prince, lui, de son côté, attend un appel téléphonique de sa mère depuis 10 ans...
Les éléments du conte, comme la fee ou la chaussure, sont presents mais détournés de leur fonction originelle.
La pièce, construite en deux PARTIES, est plaisante à lire.
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"A peine sortie de l'enfance, une jeune fille s'est tenue au chevet de sa mère gravement malade. Quelques mots prononcés à mi-voix par la mourante et peut-être mal entendus par sa fille et voilà celle-ci liée à la mort, tenue à un rôle, penser à sa mère jusqu'à la fin des temps, sans quoi celle-ci mourra pour de bon. La petite s'inflige les pires fardeaux pour se punir d'oublis ponctuels, elle nettoie tout ce qu'elle peut nettoyer, elle range tout ce qu'elle peut ranger, elle devient la bonne à tout faire de la maisonnée, assouvissant une pulsion masochiste qui consiste à faire tout ce que sa mère faisait et même au-delà. C'est à ce prix qu'elle ne l'oubliera pas, sinon sa mère mourra une seconde fois.
« C'est peut-être parce que comme enfant j'aurais aimé qu'on me parle de la mort, déclare l'auteur » que le projet de ce spectacle est né. Les enfants, infans, ceux qui ne parlent pas, sont victimes des mots des adultes « elle est morte ta mère, lui assène sa belle-mère, on ne parle plus de ta mère ici », tout ça ce sont des histoires de gosses pense le père de Sandra, la cendrillon de ce conte moderne, lui qui veut refaire sa vie comme on dit. Il faut tourner la page, aller de l'avant, arrêter les rêvasseries et entrer dans la réalité ; mais justement le passé ne passe pas. Dans les rêves, véhicule de notre mémoire profonde, le temps n'existe pas, les malentendus ont la vie dure. Comment parler de la mort aux enfants ? que veut dire « le travail de deuil », est-il possible ? Dans cette histoire revisitée par Joël Pommerat tout le monde ment, le jeune prince du conte a lui aussi perdu sa mère très jeune. Son père, le roi, entretient l'illusion du retour de son épouse auprès de son fils et lui promet un appel téléphonique qui, bien évidemment n'arrive jamais. Voilà comment la vie de ces deux jeunes gens s'est arrêtée.(...)"
Sylvie Boursier dans Double Marge (Extrait)
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Imaginez une scène de théâtre sur laquelle est jouée – Cendrillon -, la pièce de Joël Pommerat.
Dites-vous ensuite que vous avez affaire à un dramaturge qui a pour credo :
" Je n'écris pas des pièces, j'écris des spectacles. Le texte c'est ce qui vient après, c'est ce qui reste après le théâtre. Le théâtre se voit, s'entend, Ça bouge, ça fait du bruit. Le théâtre c'est la représentation."
Et pour mettre en pratique cette profession de foi, Joël Pommerat " métamorphose le plateau " faisant appel à des jeux de lumière nombreux, changeants, stroboscopiques, un bruitage où les voix sont relayées par des micros HF, à la musique, au chant, à la danse.
Des images s'invitent par l'intermédiaire de la vidéo pour "faire fusionner tous les arts de la représentation afin de susciter l'émerveillement soutenu par le rythme du spectacle et sa beauté plastique."
Dites-vous ensuite que Pommerat écrit conjointement texte et mise en scène.
Explication : " Pommerat a développé un processus d'écriture dont la première étape est la scène. Il n'écrit pas le texte avant les répétitions. Il écrit avec la scène " instant par instant ", c'est-à-dire en partant de la présence des acteurs en interaction avec l'espace, la lumière et le son, qui sont simultanément élaborés pour atteindre la plus grande justesse possible.
Les premières notes de - Cendrillon – datent de mai 2010. Le processus de création s'est ensuite étalé de mai à octobre 2011. En mai a eu lieu à Bruxelles un stage-casting afin de choisir la distribution. Pendant ce stage, certains membres de l'équipe artistique ( vidéo, musique ) ont aussi commencé à explorer avec Pommerat, dont ils avaient lu les notes, quelques éléments spectaculaires. Mais l'entrée en écriture s'est vraiment concrétisée lors d'une deuxième étape de travail en juillet avec les acteurs et l'équipe. La recherche a continué pendant une troisième session de répétitions au Théâtre national de Bruxelles en septembre et jusqu'à la première. Ainsi, Pommerat écrit texte et spectacle conjointement. Dans les jours qui suivent la première, il continue d'ailleurs à les modifier à l'épreuve des représentations et du public."
C'est dire si lorsque vous avez le texte entre les mains vous réalisez qu'il vous manque tout ou partie de l'essentiel, et ce même si l'on rassure le lecteur que vous êtes par une phrase du genre " le texte possède cependant une valeur propre qui rend possible sa lecture et son analyse..."
Soit, on n'a pas le choix... place à la découverte du texte.
Pommerat écrit ou réécrit des contes.
Parce que le conte " relève d'une tradition orale et communautaire "
"Un conte, c'est une durée, celle d'un récit, et c'est un état d'être ensemble. Pour être ensemble, si je veux intéresser le spectateur et être avec lui, je vais travailler sur ses représentations. C'est une forme de stratégie. Je suis un conteur, je vais agir avec son imaginaire."
Et chaque spectateur apporte sa part d'imaginaire.
Contrairement aux idées reçues, le conte ne s'adressait pas originellement aux enfants.
Et si Pommerat les a "expérimentés" avec ses propres filles, il a très vite compris que " ces histoires ont imprégné son caractère et influencé des choix importants de son existence."
Ses contes lui permettent de " jouer à retrouver ce que c'est, vraiment, souffrir, éprouver sans subir...Il invite les spectateurs à expérimenter ce qui dans la vie les terrasserait : la peur, le mal, la mort etc."
L'histoire est contée à partir d'un narrateur ; le narrateur étant un guide qui nous invite à entrer dans l'histoire, un accompagnateur éclairé et bienveillant qui aiguise nos appétits et tempère nos tempêtes.
Dans cette version de - Cendrillon – revisitée par Pommerat, le narrateur est une narratrice, dont la voix off est dotée d'un accent italien ( précisé dans les notes ).
Cette version est plus proche de celle des frères Grimm que de celle de Perrault en ce sens que tout part de la mort de la mère de Cendrillon et de ce qui résulte de dette mort.
Cendrillon alias Sandra dite Cendrier ( surnom donné par ses soeurs car Sandra empeste le tabac ; son père fume en cachette de sa future femme et " compromet " sa fille, de même que la fée qui n'arrive pas à se déprendre de cette addiction ) perd sa mère et va être soudain confrontée à la mort et au deuil impossible.
Avant de mourir sa mère lui a murmuré à l'oreille des mots que la " très jeune fille " ( ainsi désignée dans la pièce ) a mal interprétés :
-"Ma petite fille , quand je ne serai plus là il ne faudra jamais que tu cesses de penser à moi. Tant que tu penseras à moi tout le temps sans jamais m'oublier... je resterai en vie quelque part."
Ce à quoi Sandra répond :
-" Maman, je te promets que je penserai à toi à chaque instant. J'ai très bien compris que c'est grâce à ça que tu mourras pas en vrai et que tu resteras en vie dans un endroit secret invisible tenu par des oiseaux.
J'ai très bien compris que si je laissais passer plus de cinq minutes sans penser à toi ça te ferait mourir en vrai. Ne t'inquiète pas maman, je ne te laisserai pas mourir en vrai, tu peux compter sur moi. Tous les jours, à chaque minute et pendant toute ma vie, tu seras dans mes pensées...N'aie pas peur."
Dès lors Sandra s'enferme dans ce processus de deuil impossible que beaucoup connaissent... Lorsque j'ai perdu ma fille aînée et que je courais un semi-marathon, je demandais que le speaker prononce au franchissement de la ligne d'arrivée le nom de ma fille défunte, j'ai pas mal de bouquins qui ont été dédicacés par André Velter, Atiq Rahimi, Chahdortt Djavann etc au nom de ma fille, tous les 1ers décembre moi l'agnostique je faisais dire une messe pour elle qui était athée afin que le prêtre dise son nom... je ne voulais pas la laisser vraiment mourir... et comme la Cendrillon-Sandra de Pommerat, j'aurais très bien pu acquérir une montre qui sonne toutes les cinq minutes nuit et jour pour être sûr de ne pas cesser de penser à elle.
Sandra vit donc son deuil impossible dans la dépréciation d'elle-même et dans la culpabilité, n'étant pas forcément à la hauteur de sa promesse.
Vient très vite le jour où son père lui annonce qu'il veut refaire sa vie.
Tous deux partent vivre dans la maison de verre de celle qui va être la future épouse et la belle-mère, laquelle a deux filles, " soeur la grande " et " soeur la petite ".
On loge Sandra au sous-sol dans une pièce délabrée, sans fenêtre, avec pour tout mobilier un vieux lit, une armoire et une chaise.
On lui confie toutes les tâches domestiques les plus ingrates qu'elle accueille avec la gratitude des pénitentes.
Le temps passe... un beau matin la famille reçoit une invitation du Palais royal pour une réception en l'honneur du " très jeune prince ".
Alors que la belle-mère et les deux soeurs ne se sentent plus de joie, Sandra fait la connaissance de sa fée. Une fée blasée qui, bien qu'immortelle, meurt d'ennui depuis 300 ans et pimente sa vie de fée en troquant la magie magique contre la magie amateur ; l'échec de ses tours de magie pimente sa vie...
Tous les éléments du conte ( la souffrance de Cendrillon, le bal, la rencontre avec le prince, le soulier ) sont là mais repris ou redistribués à la façon Pommerat.
J'ai précédemment évoqué sa vision très personnelle de la fée, le prince n'est pas un prince charmant mais un enfant grassouillet prisonnier lui aussi d'un deuil impossible... Il y a des trouvailles qui mettent en scène la chirurgie esthétique, une vision des oiseaux très " verrière " etc... le tout ponctué par des dialogues écrits dans une langue contemporaine, parfois vulgaire, presque toujours " orale ", mais enlevée, alerte et percutante.
Bien évidemment les interprétations possibles sont multiples et on ne peut manquer de se référer à Freud, à la psychanalyse, à Bettelheim...
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette pièce, qui m'a touché et fait sourire tout autant.
Ce conte est revisité avec verve, émotion, talent et vous rappelle que les bons contes gardent leurs amis.
Compte tenu de ce que j'ai repris dans ma longue introduction, c'est plus que beaucoup d'autres une pièce à voir sur scène.
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