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Citations de Jonathan Littell (228)


Heureux d'être vivant ? Cela me semblait aussi incongru que d'être né. (Folio, p. 629)
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Je vomissais souvent maintenant et sentais que je tombais un peu malade ; j'avais de la fièvre, pas assez pour me retenir au lit, mais plutôt de longs frissons et une sensation de fragilité, comme si ma peau devenait de cristal. À la balka, entre les rafales, les poussées amères de cette fièvre parcouraient mon corps. Tout était blanc, effroyablement blanc, sauf le sang qui tachait tout, la neige, les hommes, mon manteau. Dans le ciel, de grandes formations de canards sauvages volaient tranquillement vers le sud. (Folio, p. 258-259)
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Vous devriez quand même pouvoir vous dire que ce que j’ai fait, vous l’auriez fait aussi [...] tout le monde, ou presque, dans un ensemble de circonstances données, fait ce qu’on lui dit. La machine de l’Etat existe [...] parce que tout le monde est d’accord pour qu’elle existe.
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Le poète kyivien Leonid Kisseliov, mort de leucémie à 22 ans, a écrit en russe les vers suivants :
Ia postoïou ou kraïa bezdny
I vdroug poïmou, slomias v toske,
Tchto vsio na svete – tolko pesnia
Na ukraïnskom iazyke.

Je me tiens au bord de l’abîme
Et soudain je réalise, brisé par l’angoisse,
Que le monde entier n’est qu’un chant
En langue ukrainienne.
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Le petit peuple du centre de l’Ukraine – ce qu’en référence au Dnipro, qui coupe le pays en deux, on appelle l’Ukraine de la rive droite – croyait autrefois que « Dieu a créé la terre plane et Satan a fait les ravins, les bosquets obscurs et les endroits sans lumière où se cachent les esprits ». À Kyiv, Allemands puis Soviétiques ont prolongé l’œuvre de Dieu, effaçant celle du diable.
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À nouveau

1. En 1990, une femme qui m’était alors proche sollicita Maurice Blanchot pour une revue qu’elle éditait. La réponse lui parvint sous la forme de deux lettres : l’une, manuscrite et personnelle, l’autre, tapée à la machine et publique. Je traduisis en anglais cette dernière (sous un nom d’emprunt) pour la revue en question. Elle débutait ainsi : « Chère Madame, pardonnez-moi de vous répondre par une lettre. Lisant la vôtre où vous me demandez un texte qui s’insérerait dans le numéro d’une revue universitaire américaine (Yale) avec pour sujet “La littérature et la question éthique”, j’ai été effrayé et quasiment désespéré. “À nouveau, à nouveau”, me disais-je. Non pas que j’aie la prétention d’avoir épuisé un sujet inépuisable, mais au contraire avec la certitude qu’un tel sujet me revient, parce qu’il est intraitable. »

2. Un sujet intraitable qui me revient. On pourrait tout aussi bien dire une pierre lancée à la tête, qui m’assomme, me rend bête. Je n’avais même pas commencé que j’étais déjà épuisé. Blanchot encore : « Vouloir écrire, quelle absurdité : écrire, c’est la déchéance du vouloir. »

3. C’était vers le début de 2021, alors que l’Europe émergeait péniblement du Covid. Un ami me proposa d’écrire sur Babyn Yar. « Pourquoi tu n’écrirais pas quelque chose sur Babyn Yar ? Tu devrais écrire sur Babyn Yar. » À nouveau ? Oh non, pas à nouveau.

4. Cet ami était très convaincant. « Écoute, tu travailles sur Tchernobyl, me disait-il. Babyn Yar c’est pareil, c’est une Zone. » L’idée n’était pas inintéressante. D’autant plus que « Zone d’exclusion », le terme d’usage en français comme en anglais, n’est pas une traduction correcte : Zona vidtchouzhennia, le terme ukrainien, tout comme le terme russe Zona ottchouzhdeniia, serait plutôt « Zone d’aliénation ». Pour un temps, j’ai vaguement songé à en faire mon titre. Mais c’était une fausse piste.

5. Antoine d’Agata se trouvait par hasard à Kyiv. « Si on faisait ça ensemble ? », je lui ai dit. Dans le désarroi et la confusion, c’est toujours mieux d’avoir de la compagnie.

6. On est allés ensemble visiter l’endroit. C’était en avril, il faisait gris, les arbres étaient nus. Il n’y avait vraiment pas grand-chose à voir. J’ai dressé un inventaire : deux parcs, une forêt, un grand ravin et quelques petits, une rivière souterraine, des monuments (beaucoup de monuments), trois églises dont une fort ancienne et deux neuves, une synagogue elle aussi flambant neuve, un asile psychiatrique, une prison psychiatrique, un institut psychiatrique inachevé, deux cimetières (l’un orthodoxe, l’autre militaire), les traces de deux autres cimetières rasés (l’un juif, l’autre orthodoxe), les bureaux de la télévision ukrainienne, la tour de la télévision ukrainienne, des immeubles d’habitation, des boutiques, des écoles et des jardins d’enfants, un cinéma abandonné, un métro, une maternité, un hôpital, une morgue. Antoine était aussi peu convaincu que moi : « Tu veux que je photographie quoi, au juste ? » Décidément, me disais-je, mieux vaudrait peut-être tout planter là. Oublier cette histoire, passer à autre chose.

(INCIPIT)
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Ici et là la lumière glauque et dansante de nos torches se reflétait sur une araignée figée, blanche, dévorée par un étrange champignon souterrain qui épousait sa forme. (p. 313)
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L'air ce matin-là était exceptionnellement léger. Le cri des oiseaux, on aurait dit, ne faisait que rider la surface profonde et claire du silence transparent. (Vassili Grossman, cité p. 40)
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La guerre est finie. Et puis, on a compris la leçon, ça n'arrivera plus. Mais êtes-vous bien sûrs qu'on ait compris la leçon ? Etes-vous certains que cela n'arrivera plus ?
Ceux qui tuent sont des hommes, comme ceux qui sont tués, c'est cela qui est terrible. Vous ne pouvez jamais dire : je ne tuerai point, c'est impossible.
Vous devez résister à la tentation d'être humains.
On a beaucoup parlé, après la guerre, pour essayer d'expliquer ce qui s'était passé, de l'inhumain. Mais l'inhumain, excusez-moi, cela n'existe pas. Il n'y a que l'humain et encore de l'humain.
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Un livre magistral jusqu’à la dernière page
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Ta Ritterkreuz à titre posthume consolera peut être ta vieille mère, mais pour toi, ce sera un froid réconfort.
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Sais-tu que le terme de "national socialisme" à été forgé par un juif,précurseur du sionisme, Moise Hess?Et ce n est pas un hasard: quoi de plus volkisch que le sionisme ? Comme nous,ils ont reconnu qu il ne peut y avoir de volk et de blut sans Biden,et donc qu il faut ramener les juifs à la terre. Eretz Israël pure de toute race.
Les juifs sont les premiers vrais nationaux socialistes, depuis près de trois mille cinq cents ans déjà, depuis que Moise leur a donné une loi pour les séparer à jamais des autres peuples.
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Si vous êtes né dans un pays ou à une époque où non seulement personne ne vient tuer votre femme, vos enfants, mais où personne ne vient vous demander de tuer les femmes et les enfants des autres, bénissez Dieu et allez en paix. Mais gardez toujours cette pensée à l'esprit : vous avez peut-être eu plus de chance que moi, mais vous n'êtes pas meilleur.
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Le communisme est un masque plaqué sur le visage inchangé de la Russie.Votre Staline est un tsar,votre politburo des bobards ou des nobles avide et égoïstes, vos cadres du Parti les mêmes tchinovniki que ceux de Pierre ou de Nicolas.C est le même autocratique russe, la même insécurité permanente, la même paranoïa de l étranger, la même incapacité fondamentale de gouverner correctement, la même substitution de la terreur au consensus commun,et donc au vrai pouvoir,la même corruption effrénée, sous d autres formes, la même incompétence, la même ivrognerie.
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Votre racisme biologique postule que les races sont inégales entre elles,que certaines sont plus fortes et plus valables que d autres, et que la plus forte et la plus valable de toutes est la race allemande.
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La guerre totale, c'est cela aussi :le civil, ça n existe plus, et entre un enfant juif gazé ou fusillé et l enfant allemand mort sous les bombes incendiaires, il n y a qu une différence de moyens, ces deux morts étaient également vaines,aucune des deux n a abrégé la guerre même d une seconde, mais dans les deux cas, l homme ou les hommes qui les ont tués croyaient que c était juste et nécessaire, s ils se sont trompés,qui faut il blâmer ?
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Dans une rue légèrement pente, bordée de voitures et de camions détruits, je remarquais un homme sur le trottoir, appuyé d'une main à un lampadaire. C'était un soldat, sale, mal rasé, vêtu de guenilles tenues par des ficelles et des épingles, la jambe droite sectionnée sous le genou, une blessure fraiche et ouverte d'où coulaient des flots de sang ; l'homme tenait une boîte de conserve ou un gobelet en étain sous le moignon et essayer de recueillir ce sang et de le boire rapidement pour éviter d'en perdre trop.
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La vodka allait merveilleusement avec la viande dégoulinant de jus ils nous ont bumes chacun plusieurs mesures, rinçant le tout avec la kompot, un jus de baies marinées.
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Eichmann parti, je me rassis et contemplai le paquet posé sur mon bureau. Il contenait les partitions de Rameau et de Couperin que j'avais commandées pour le petit Juif de Jitomir. Cela avait été une bêtise, une naïveté sentimentale; néanmoins cela m'emplissait d'une grande mélancolie. Je croyais maintenant mieux comprendre les réactions des hommes et des officiers pendant les exécutions. Sils souffraient, comme j'avais souffert durant la Grande Action, ce n'était pas seulement à cause des odeurs et de la vue du sang, mais à cause de la terreur et de la douleur morale des condamnés; et de même, ceux que l'on fusillait souffraient souvent plus de la douleur et de la mort, devant leurs yeux, de ceux qu'ils aimaient, femmes, parents, enfants chéris, que de leur propre mort, qui leur venait à la fin comme une délivrance. Dans beaucoup de cas, en venais-je à me dire, ce que j'avais pris pour du sadisme gratuit, la brutalité inouïe avec laquelle certains hommes traitaient les condamnés avant de les exécuter, n'était qu'une conséquence de la pitié monstrueuse qu'ils ressentaient et qui, incapable de s'exprimer autrement, se muait en rage, mais une rage impuissante, sans objet, et qui devait donc presque inévitablement se retourner contre ceux qui en étaient la cause première. Si les terribles massacres de l'Est prouvent une chose, c'est bien, paradoxalement, l'affreuse, l'inaltérable solidarité de l'humanité. Si brutalisés et accoutumés fussent-ils, aucun de nos hommes ne pouvait tuer une femme juive sans songer à sa femme, sa sœur ou sa mère, ne pouvait tuer un enfant juif sans voir ses propres enfants devant lui dans la fosse. Leurs réactions, leur violence, leur alcoolisme, les dépressions ner-veuses, les suicides, ma propre tristesse, tout cela démontrait que l'autre existe, existe en tant qu'autre, en tant qu'humain, et qu'aucune volonté, aucune idéologie, aucune quantité de bêtise et d'alcool ne peut rompre ce lien, ténu mais indescriptible. Cela est un fait et non une opinion.
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La guerre totale, c'est cela aussi : le civil, ça n'existe plus, et entre l'enfant juif gazé ou fusillé et l'enfant allemand mort sous les bombes incendiaires, il n'y a qu'une différence de moyens; ces deux morts étaient également vaines, aucune des deux n'a abrégé la guerre même d'une seconde; mais dans les deux cas, l'homme ou les hommes qui les ont tués croyaient que c'était juste et nécessaire; s'ils se sont trompés, qui faut-il blâmer? Ce que je dis reste vrai même si l'on distingue artificiellement de la guerre ce que l'avocat juif Lempkin a baptisé le génocide, en notant qu'en notre siècle du moins il n'y a jamais encore eu génocide sans guerre, que le génocide n'existe pas hors la guerre, et que comme la guerre, il s'agit d'un phénomène collectif : le génocide moderne est un processus infligé aux masses, par les masses, pour les masses.
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