Jordan Harper

Chacun a sa dose de douleur, même si on a toujours l’impression d’en avoir plus que les autres. La douleur fait partie du deal. Hormis la mort, elle avait dit, l’absence de douleur, ce n’est pas naturel.

Jeune, riche, et connue pour être connue. Pour exhiber sa vie. Il a vu le visage de la cliente sur des dizaines de magazines. Il a vu son sexe épilé à la brésilienne, grâce à une photo “accidentelle” sous sa jupe qui s’est retrouvée sur Internet deux semaines avant le début de son dernier reality show. Il sait avec qui elle est sortie, et quand. Peu importe qu’il ne veuille pas le savoir. Personne ne peut s’empêcher de le savoir. Le buzz plane dans l’atmosphère comme une brume.

« T’es un peu grande pour avoir un nounours, non? »

Vénus était descendue sur Terre, et ses tempêtes avec elle.

Un homme qui tient un bar va rarement au lit tout seul, mais en général il se réveille avec la tête fracassée et un piège à opossum en train de sourire à côté de lui, le genre dont on serait prêt à se bouffer le bras pour y échapper.

Alors meurs et qu’on en finisse, se dit John. (...) Au pire, le petit se nourrira de l’eau du robinet et de grattons avant que sa connasse de mère revienne de Primm Valley. Ensuite, il passera toute sa vie sans son père minable, sans visite en prison, sans gâteau d’anniversaire et sans cadeau acheté dans des stations-service. Pour le petit, ce pourrait finalement être le plus beau jour de sa vie, mais il ne le sait pas encore. Rends-lui service et meurs.

Plus tard, elle apprendrait que les yeux ne reflètent pas seulement ce qu'ils voient, mais aussi ce qu'ils ont déjà vu.

Un ami m’a raconté une blague, un jour. J’imagine que c’est une blague que les hommes se racontent entre eux.
Quel est le point commun entre une grosse et une mobylette ?
Elles sont toutes les deux marrantes à enfourcher, mais on ne voudrait surtout pas que nos copains nous voient dessus.

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LA BETE A FEUX


On n’entend rien d’autre que l’incendie vorace. Le crépitement dans sa gueule qui broie tout.

Adossés au pick-up, les hommes observent, assez près pour que la chaleur leur pique les yeux. Ils restent jusqu’à ce que Beast soit certain que le boulot est fait.

Après dix ans à l’ombre à Calipatria, Beast Daniels vient d’être libéré, vraiment tout juste : il a encore son pécule dans sa poche. Tout chez lui est brutal et contondant – même son bide est une butte compacte qui distend son T-shirt. Sur son biceps gauche sont tatoués quatre éclairs bleus, un pour chaque meurtre qu’il a commis.

Une fois certain que le boulot est fait, il montre la colonne de fumée.
— Cet enculé sera jamais aussi près du paradis.

Les hommes se marrent – en tout cas ça ressemble à des rires. Il y en a dont les yeux ne rigolent pas, et ils sont bien contents que Beast regarde l’incendie et non leur visage.

Quand ils montent dans le pick-up, il frotte son bras à l’endroit où viendra le cinquième éclair, dès qu’il trouvera le temps.


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C’EST LE KARMA. CARAMBA !

La vie nous chope entre ses mâchoires d’ours et tous les mouvements qu’on fait et les cris qu’on pousse pendant qu’elle nous dévore. C’est ce qu’on appelle le libre arbitre. Comme si l’ours n’était pas là, comme si nos lamentations, notre fureur et toutes les choses qu’on foire relevaient simplement de notre choix.

Et puis une ou deux fois dans notre vie, il se peut qu’on voie quelqu’un qui échappe à la gueule de l’ours et qui va libre dans le monde, et ça nous flanque une trouille pas possible.




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Tatouée et couturée de coups de couteau, sa peau racontait son passé. Il vivait dans une pièce sans nuit. Et il se considérait comme un dieu.

On est devenus cupides, tous autant qu’on est. Rien de mal à ça. La cupidité, c’est ce qui vous fait vous lever le matin. Mais on s’est laissé aller, aussi.

Certains vous diront que le nom d’une personne a du pouvoir et du sens. Mais ce n’est pas vrai. Un nom, c’est un nom, rien de plus. Il n’a pas le pouvoir de changer le destin. Vous allez peut-être penser que je dis ça parce que je m’appelle Goth. Voilà ce que ça veut dire de s’appeler Goth : ça veut dire que mon père était un bel enfoiré d’Aryen, voilà. Mais ce n’est pas parce que je porte le nom d’une bande de barbares blancs que je suis né super blanc.

On ne peut pas plus apprendre à se battre à un chien de combat qu’à un cheval à courir. Vous entraînez le chien, mais le chien apprend tout seul. Il y a plein de techniques dans le combat de chiens, des styles aussi différents que ceux du tigre ou du singe dans les vieux films de karaté. Certains chiens sont des mordeurs de pattes. D’autres visent la tête. Vous en avez qui se servent de leurs muscles et de leur rapidité, quand d’autres se battent avec leur intelligence.

Les spectateurs d’un combat de chiens sont comme les hommes dans un club de strip-tease. Il leur arrive d’encourager et d’applaudir, mais l’essentiel du temps ils regardent sans un mot, perdus dans leur monde.

La chance sourit aux audacieux.

Ça fait partie de la condition humaine. Les humains ont fabriqué leurs propres cages et ils n’ont pas été foutus de fabriquer une porte. On est le résultat d’un phénomène contre nature. Tu as déjà vu un chien ronger sa propre patte ? La ronger jusqu’au sang, je veux dire. Et par pure angoisse ?

Il y avait certainement de meilleurs métiers en ce bas monde que goûteur officiel de méth pour les Nazi Dope Boys de Los Angeles, mais Scubby n'en voulait pas. À ses yeux, il était mieux loti que le pape au Vatican. Certes, le souverain pontife de mes deux avait des tiroirs en soie et un milliard d'êtres humains sous ses ordres, mais il était obligé de porter un chapeau absurde et d'aller à l'église tous les jours. ( p 144 )

Un homme qui laisse un mort vivant se battre jusqu’à la mort est aussi cruel que bête.

Quand un chien ne gratte pas, le combat est terminé. Un chien qui renonce, on appelle ça un trouillard. Les chiens qui n’ont rien de trouillard, on les appelle les chasseurs. Les chiens qui grattent même quand ils sont à deux doigts de mourir, qui préfèrent crever plutôt que de renoncer, on les appelle des morts vivants.