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Librairies. Itinéraires d'une Passion de Jorge Carrion
Pirandello imagine dans « Un monde de papier » une scène de lecture qui est également traversée par la pauvreté et l’obsession. Mais Balicci, lecteur tellement adonné à sa passion que sa peau a fini par ressembler à la couleur et à la texture du papier, endetté à cause de son vice, est frappé de cécité : « Il était là, son monde ! Et ne plus pouvoir y vivre, sinon pour le peu de chose que lui permettrait sa mémoire ! » Il décide d’engager quelqu’un pour classer ses livres, réduits à une pure réalité tactile, à des volumes désordonnés telles des pièces de Tetris, jusqu’à ce que son monde soit « sorti du chaos ». Toutefois, lorsque cela a été accompli, il continue de se sentir incomplet, orphelin, à cause de l’impossibilité de lire, de sorte qu’il engage une lectrice, Tilde Pagliocchini. Mais sa voix et son intonation le gênent, et la seule solution à laquelle ils aboutissent est qu’elle lui fasse la lecture à voix basse, c’est-à-dire en silence, pour qu’il puisse se remémorer, au fil des lignes et des pages qui défilent, cette même lecture, chaque fois plus éloignée. Tout son monde, réordonné dans le souvenir. Un monde qu’il puisse embrasser, réduit grâce à la métaphore de la bibliothèque, de la librairie ambulante ou de la mémoire photographique, descriptible, cartographiable. + Lire la suite |