Témoignage d'un Irakien converti au catholicisme
« ce n’est pas à cause du Christ que j’ai souffert, mais du fait de l’absence de liberté qu’impose la société musulmane, dont ma famille n’a pas osé se défaire, par orgueil et par souci de respectabilité. »
"Ce rêve est mon trésor, et cela suffit à mon bonheur. Je n'ai donc aucun désir d'en connaître la valeur réelle."
'C'est cette absence totale de perspectives qui me mine le plus, davantage encore que la torture physique. Il y avait alors quelque chose contre quoi lutter. Mais comment puis-je me battre contre le temps qui passe ?"
"N'étant pas médecin, je n'ai pour ma part aucun mal à accréditer l'idée d'une intervention divine en ma faveur. Après tout, ce ne serait pas la première fois, et il faut croire que l'on s'habitue à tout, même aux miracles."
Dans la même semaine, coïncidence : les choses se débloquent également du côté du patriarcat. À force d’insister et de faire le siège de ce bâtiment moderne et très ordinaire, sans signe extérieur, cette fois le portier me reconnaît et disparaît quelques minutes en refermant la porte. Puis il l’ouvre en grand et s’efface pour me laisser passer. Il me glisse que je vais être reçu, non pas par le patriarche, mais par son auxiliaire, Mgr Ignace Chouhha.
Très impressionné, je suis ainsi introduit dans un grand salon où se trouve déjà l’ecclésiastique, en soutane, tranquillement assis sur un siège doré et sculpté.
Sans connaître le motif de ma visite impromptue, il me jauge du regard et me demande mon nom, pensant sans doute avoir affaire à un chrétien dont l’importance lui serait signifiée par son patronyme.
La question me prend au dépourvu et me paralyse. Moi qui ai soigneusement préparé un petit exposé de mon histoire, me voici contraint d’attaquer bille en tête mon explication, en commençant par la fin, sans avoir le temps de préparer mon interlocuteur. Je me retrouve alors muet, pendant des secondes qui me paraissent interminables… Puis, réalisant le ridicule de ma situation, je prends une inspiration et me jette à l’eau :
— Je m’appelle Mohammed, je suis musulman et je crois au Christ… Je veux me faire baptiser !
En prononçant ces mots, j’ai la curieuse sensation de me jeter dans le vide. Le prélat bondit de sa chaise, rouge de colère, comme piqué par une décharge électrique. À ma très grande surprise, semblant perdre ses nerfs, il se précipite alors vers moi en hurlant : « Dehors, dehors ! », et me pousse sans ménagement vers la sortie.
Six jours plus tard, celui qui m'introduit dans sa cellule est un homme très grand, d'un certain âge. C'est surtout son regard lumineux qui me frappe. Ses yeux bleus reflètent une très grande bonté et quand il me regarde, j'ai le sentiment d'être pour lui l'homme le plus important du monde.
Désormais, le voilà, cet enfant-roi d'alors, déraciné de ce paradis terrestre pour vivre loin de sa famille, de son grand-père, dans la précarité et l’inquiétude de ses parents. Combien de fois m'a-t-il demandé pourquoi nous étions partis, pourquoi nous avions fait ce choix ? Et moi, son père, je n'ai pas su trouver les mots pour le lui expliquer...
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"Ce qui a changé, c'est elle, c'est moi, c'est cette petite graine de confiance semée entre nous deux, ce secret qui n'appartient qu'à nous, et qui nous lie désormais beaucoup plus que lorsque nous nous sommes mariés officiellement."
j'en viens à comprendre la raison de mon emprisonnement et de ces abominables tortures dont je souffre encore tant dans ma chair. Il fallait me faire avouer les noms des chrétiens qui m'avaient accueilli pour me dégager de toute culpabilité et laver ainsi l'honneur de la famille.
Toujours cette précieuse réputation, plus importante que tout le reste.J'en ai la nausée
En tant que converti, je suis donc une sorte d’extraterrestre pour les habitants de Fouheis. Pour eux, passer de l'islam au christianisme est absolument impensable. Une folie, qui plus est extrêmement dangereuse. L'idée même de conversion leur est totalement étrangère.
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